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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 6 juin 2011 à 17h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Il est efficace de taxer le patrimoine – cela a été dit par de nombreux économistes, y compris Maurice Allais, le prix Nobel français d'économie – parce que c'est la seule façon de rentabiliser ce patrimoine et de taxer le capital dormant, la rente, c'est-à-dire les plus-values latentes. Et, d'une certaine façon, c'est ce que je lis au quatrième paragraphe de l'introduction du rapport de M. Carrez : « L'impôt de solidarité sur la fortune répond aux défis d'une époque où les très hauts revenus perçoivent une part croissante de la valeur ajoutée. » Quelle lucidité ! Et, toujours s'agissant de l'ISF, le rapporteur général ajoute : « il incite à investir et limite la tendance de l'économie à la concentration des richesses. » C'est ce que nous disons depuis que nous avons instauré un impôt sur la fortune !

De plus, l'ISF est un impôt moderne. Certains nous disent qu'il a été supprimé partout, mais en Espagne, et surtout en Allemagne, ce n'était pas un impôt déclaratif ; c'était un impôt complètement obsolète. Contrairement à ce qu'a dit le Président de la République, ce ne sont pas les sociaux-démocrates qui ont supprimé l'impôt sur le patrimoine en Allemagne ; c'est Helmut Kohl qui l'a suspendu, tout simplement parce que la Cour constitutionnelle lui demandait de réviser les valeurs sur lesquelles était fondé cet impôt qui était archaïque, exactement comme notre taxe foncière.

Si vous voulez moderniser l'impôt, chers collègues de la majorité, penchez-vous sur la taxe foncière, pas sur l'ISF, qui est un impôt moderne, déclaratif, et dont les bases sont révisées chaque année, contrairement à toutes les autres bases fiscales de patrimoine qui ne sont pas déclaratives et qui, en France comme en Allemagne, remontent aux années 70.

L'ISF est un impôt moderne parce que c'est le seul impôt sur le patrimoine qui taxe non pas un patrimoine brut, mais un patrimoine net. Et, là encore, je vous invite à le comparer avec la taxe foncière, qui taxe un patrimoine brut. Une personne peut payer une taxe foncière extrêmement élevée alors même qu'elle s'est fortement endettée pour acheter son logement, donc que son patrimoine net est quasiment inexistant. L'ISF, lui, taxe un patrimoine net et il faut toujours rappeler que les dettes sont déduites pour son calcul.

Et puisque vous insistez beaucoup sur la comparaison avec l'Allemagne pour souligner la pertinence de la suppression de l'ISF – encore que vous ayez changé sur ce point ! –, je rappelle que les partis de gauche qui, dans de nombreux pays, se posent la question des ressources fiscales, se demandent aujourd'hui s'il ne faudrait pas rétablir un véritable impôt sur le patrimoine, non pas un impôt obsolète, mais un impôt moderne comme notre ISF. C'est très exactement la question que se posent nos collègues sociaux-démocrates allemands.

Cela ne veut pas dire pour autant que l'ISF n'a pas de défauts. Comme tous nos impôts, son assiette est complètement mitée, et vous avez continué à la miter. On peut donc se poser la question de l'élargissement de l'assiette et éventuellement celle de l'ajustement des taux. Je me souviens de Daniel Garrigue proposant à la majorité en commission, par le biais d'un amendement, de conserver le montant de l'ISF, mais d'en ajuster l'assiette et les taux. Ce n'est pas du tout ce que vous faites. Vous laissez l'assiette mitée comme elle est et vous abaissez les taux, c'est-à-dire que la réforme sera complètement injuste.

J'en viens à l'exil fiscal et à la délocalisation. Je suis très étonné que l'on mélange le sujet de la fiscalité du patrimoine individuel avec la question des délocalisations. La fiscalité du patrimoine individuel n'a en effet strictement rien à voir avec la localisation des entreprises. On peut s'interroger sur la fiscalité des entreprises en termes de compétition fiscale, mais cela n'a rien à voir avec la fiscalité du patrimoine. On sait, de plus, que la fiscalité en général, y compris sur les entreprises, n'est pas le facteur déterminant de la localisation des entreprises. Dans les enquêtes faites auprès de celles-ci, les premiers facteurs mentionnés concernent plutôt les infrastructures publiques, les services publics, bref les capacités d'accueil des entreprises et pas la fiscalité.

Et puis, une étude du Crédit Suisse place la France au troisième rang des pays de résidence des millionnaires dans le monde, après les États-Unis et le Japon.

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