Notre Commission prendra connaissance mercredi prochain des conclusions de la mission d'information menée sur le gaz de schiste par François-Michel Gonnot et Philippe Martin. Au-delà du fond du dossier – faut-il ou non autoriser l'exploitation du gaz et de l'huile de schiste en France, et selon quel procédé ? – je souhaite vous interroger sur la forme car nous avons tous le sentiment que la question a été abordée dans notre pays de façon particulièrement maladroite. En effet, il n'y a eu ni information, ni débat, ni concertation préalables, ce qui n'a pas manqué de provoquer une prévisible levée de boucliers dans les régions concernées, qui a elle-même entraîné un « big bang » politique, avec un moratoire sur les permis de recherche, puis l'adoption, un peu dans l'urgence, d'une loi interdisant la technique de la fracturation hydraulique. Ce loupé me paraît regrettable car il nous a privés d'un débat au fond serein et objectif sur l'exploitation du gaz de schiste, qui représente un véritable enjeu.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que « la France n'a pas fermé la porte au gaz de schiste ». Aussi, pouvez-vous nous dire quelles leçons pour l'avenir vous avez tirées de cet épisode ?
Vous considérez par ailleurs que « l'internet du futur doit devenir un bien public mondial ». Je partage tout à fait cette vision des choses et la question de la fracture numérique me paraît dès lors essentielle.
Cette fracture est d'abord territoriale : à l'heure où chacun ressent le besoin d'accéder, non seulement à internet, mais également au très haut débit, il nous faut éviter que certains territoires ne deviennent des sortes de réserves où les derniers Indiens seraient privés de cet accès – comme ils sont d'ailleurs souvent privés du téléphone mobile.
La fracture numérique est ensuite sociale : comment éviter que le niveau de revenu ne soit un obstacle à l'accès au numérique ? Faut-il, comme certains le suggèrent, instaurer un tarif social de 1'internet sur le modèle de celui du gaz ? L'idée d'un tarif social pour l'accès au haut débit figure d'ailleurs dans le projet de loi de Frédéric Lefebvre.
Cette fracture est enfin géopolitique : alors que le G8 de Deauville a fait du numérique une question stratégique mondiale, comment aider les pays du Sud à ne pas rester au bord de la route du numérique, ce qui serait un nouvel obstacle à leur développement ?
Quel est votre sentiment quant à ces trois dimensions de la fracture numérique ?
Ma dernière question portera, non pas sur l'un des deux thèmes de l'audition de ce jour, mais sur la fracture économique. Si je n'attends pas de réponse aujourd'hui, je souhaite néanmoins vous alerter sur le fonctionnement d'un outil supervisé par votre ministère : le Fonds stratégique d'investissement (FSI).
Vos services le savent parfaitement, ma circonscription est actuellement touchée par un véritable séisme social avec le plan de licenciements qui frappe l'usine Alcan Softal de Ham, qui se traduit par la suppression de 130 emplois sur 207 salariés. À cela s'ajoute une réduction drastique de la capacité de production, qui préfigure à terme la fermeture complète du site. Au total, si l'on prend en compte les « dégâts collatéraux » causés aux sous-traitants, près de 500 familles seront frappées par un véritable tsunami local, ce que nous ne saurions bien sûr accepter !
Or, début janvier 2011, le FSI, bras armé de l'État, a acquis 10 % du capital d'Alcan EP (Engineered Products) dans l'objectif, selon votre propre communiqué de presse, de « renforcer l'activité d'une entreprise basée en France et fortement implantée sur notre territoire, avec près de la moitié de ses effectifs et de ses sites de production ». Même s'il n'est pas majoritaire, l'État a donc son mot à dire en tant qu'actionnaire.
Le 17 mai, lors des questions orales sans débat, le secrétaire d'État chargé des PME a lu la réponse préparée par vos services, laquelle m'a profondément choqué car elle semblait un « copier-coller » du discours de la direction d'Alcan, que j'avais rencontrée quelques jours auparavant : aucune volonté de se battre, un simple regard clinique et résigné ! J'ai ainsi eu l'impression que le FSI était ce que les Anglo-Saxons appellent un sleeping partner. Or, en tant que parlementaire, je n'accepte pas cette passivité lorsque des fonds publics sont investis dans une entreprise ! Peut-être nos collègues de la Commission des finances devraient-ils d'ailleurs lancer une mission d'information à ce propos.