C'est avec plaisir que je vais m'attacher à vous rendre compte de l'action du Gouvernement en ce qui concerne les énergies renouvelables, la couverture numérique du territoire et ce qu'il est convenu d'appeler les gaz de schiste.
Les énergies renouvelables sont partie prenante de notre politique énergétique. Celle-ci poursuit cinq objectifs, qui tous supposent actions et résultats : la sécurité des approvisionnements et la réduction de notre dépendance aux énergies fossiles ; la compétitivité des prix pour les particuliers et pour les entreprises ; la protection de notre environnement et la lutte contre le réchauffement climatique ; l'accès de tous à l'énergie ; l'objectif industriel de développement de filières porteuses de croissance et d'emploi.
Notre politique de maîtrise de l'énergie tend notamment à respecter l'objectif européen de 20 % de progression de notre efficacité énergétique à l'horizon 2020. Je ne reviens pas sur les mesures concrètes déjà adoptées tel le renforcement début 2011 des certificats d'économie d'énergie, avec un objectif aujourd'hui largement dépassé, et la révision de l'éco-prêt à taux zéro, qui peut désormais aller jusqu'à 3 000 euros : 150 000 éco-PTZ avaient déjà été conclus à la fin de 2010. Plus récemment, nous avons créé la prime à la casse pour les chaudières usagées, qui va aider les Français à réduire durablement leur facture de chauffage par l'installation d'une chaudière plus performante. Notre objectif est clair : la modernisation d'un million de chaudières au cours des cinq prochaines années !
En matière d'énergies renouvelables, le cap est ambitieux et vous le connaissez bien : d'ici à 2020, elles devront représenter 23 % de notre consommation finale. L'essentiel de l'effort portera sur les énergies renouvelables non électriques, au premier rang desquelles la fourniture de chaleur : nous voulons qu'elle représente 10 millions de tonnes équivalent pétrole en 2020. Le Gouvernement encourage à ce titre le recours à la biomasse pour la cogénération, c'est-à-dire la production simultanée de chaleur et d'électricité. C'est l'ambition de l'appel d'offres « CRE 4 » : lancé en juillet 2010, il porte sur une série de quatre tranches représentant 800 mégawatts de capacité installée. La première tranche permettra de sélectionner des projets de centrales de cogénération pour une capacité de 200 mégawatts : la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a reçu 20 dossiers de candidature.
Nous avons enfin instauré un dispositif de soutien renforcé pour la production de biogaz et d'électricité par méthanisation : depuis le 21 mai dernier, le tarif de rachat de l'électricité produite à partir de biogaz a été revalorisé de 20 % en moyenne pour les petites et moyennes installations agricoles, ce qui représentera un soutien de l'ordre de 300 millions d'euros par an à l'horizon 2020, pour une hausse d'environ 1 % de la facture d'électricité des consommateurs. En parallèle, le biogaz issu de la méthanisation pourra être injecté dès cet été dans les réseaux de gaz naturel.
Dans le même temps, les objectifs d'énergies renouvelables du Grenelle seront atteints en matière d'éolien et de photovoltaïque. Ces quatre dernières années, la capacité installée en éolien terrestre a été quadruplée. L'éolien en mer en est à ses débuts, mais c'est une filière très prometteuse : j'ai saisi hier la CRE à propos du lancement de la première tranche d'un appel d'offres qui vise à doter la France d'une capacité de 3 000 mégawatts, dont le cahier des charges sera publié début juillet au Journal officiel de l'Union européenne, pour des réponses attendues début janvier et une désignation des lauréats début avril 2012. Je vous rappelle les ordres de grandeur : 3 000 mégawatts d'éoliennes en mer, c'est une production annuelle de 9 térawattheure, soit près de 2 % de la consommation nationale ; c'est l'équivalent de 4,5 millions de foyers alimentés en électricité ; c'est un investissement de 10 milliards d'euros, financé au final par le consommateur au titre de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) ; c'est aussi un potentiel de création de plus de 10 000 emplois.
Le Gouvernement a été extrêmement vigilant quant aux retombées économiques et industrielles de ce projet. Les modalités de l'appel d'offres ont été soumises à consultation. Les contributions des acteurs ont été prises en compte dans la version du cahier des charges transmise par la CRE. Des assouplissements ont ainsi été apportés à la version initiale, sur trois points : possibilité de revoir à la baisse la puissance proposée pour chaque zone ; assouplissement des modalités de notation du critère de prix, en supprimant le caractère éliminatoire du prix plafond ; desserrement de certaines obligations financières imposées aux candidats, en particulier réduction du montant des provisions demandées, qui auraient été répercutées dans les offres de tarif de rachat. La pondération des trois critères de sélection des offres demeure inchangée : 40 % pour le prix, 40 % pour le critère industriel, 20 % pour le volet environnemental.
Pour le photovoltaïque, la capacité installée en France a été multipliée par 70 depuis 2007. Parmi les 6 400 mégawatts de projets qui étaient en attente avant la suspension de l'obligation d'achat, 3 400 mégawatts n'ont pas été touchés par le moratoire et on estime qu'au moins 2 000 mégawatts seront effectivement réalisés. À ces projets viendront s'ajouter nos 500 mégawatts de cible annuelle : 200 mégawatts bénéficient aujourd'hui de tarifs de rachat et 300 mégawatts feront l'objet d'appels d'offres qui seront publiés à l'été. Je lance une consultation sur le projet de cahier de charges de ces appels d'offres. Notre ambition est claire : créer les conditions d'émergence d'une filière industrielle française innovante.
Un mot sur l'hydroélectricité : les premières étapes du renouvellement des concessions hydroélectriques ont été engagées. Une première consultation pour un conseil en ingénierie a été lancée le 12 mai ; elle sera clôturée le 22 juin.
À ces deux piliers de notre politique énergétique que sont la maîtrise de l'énergie et la diversification de notre bouquet énergétique, il convient d'ajouter l'innovation industrielle. Notre effort en faveur de la compétitivité de nos industries se décline aux niveaux tant européen que national.
Au niveau européen, nous avons déposé début mai auprès de la Commission cinq dossiers structurants dans le domaine du captage et stockage du CO2, des énergies marines et éoliennes et des biocarburants. Ces projets de démonstrateurs préindustriels sont en compétition pour l'obtention des aides du fonds NER 300 (New Entrant Reserve 300).
Au niveau national, dans le cadre des Investissements d'avenir, nous avons lancé récemment plusieurs appels à manifestations d'intérêt : dans les énergies décarbonées, le stockage de l'énergie, l'hydrogène, les énergies solaires et les biocarburants.
Je suis très heureux de vous faire part des premiers résultats de l'appel à projet pour des Instituts d'excellence dans le domaine des énergies décarbonées. Deux projets de grande qualité dans la chimie du végétal et l'optimisation des procédés ont déjà été sélectionnés – nous en avons rendu compte aujourd'hui même avec mes collègues Valérie Pécresse et Nathalie Kosciusko-Morizet ainsi qu'avec René Ricol, Commissaire général à l'investissement ; six autres projets seront examinés à partir du 15 juillet.
Le Gouvernement élabore en outre la Stratégie nationale de la recherche en énergie, la SNRE. Nous réunirons le 6 juillet, pour la première fois, son Comité stratégique qui proposera, d'ici à septembre, une feuille de route pour la recherche en énergie à l'horizon 2030-2050.
J'en viens brièvement aux gaz et huiles de schiste. Je ne reviendrai pas sur les faits : votre Commission a été au coeur des débats, avec l'examen de la proposition de loi déposée par Christian Jacob. Je veux saluer votre travail ainsi que celui des deux rapporteurs, Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet. Je suis sensible à l'introduction dans le texte de la notion d'expérimentation : ainsi, la France ne fermerait pas la porte à des perspectives responsables et respectueuses de développement.
Évitons les paradoxes ! En 2010, la facture pétrolière et gazière de la France s'est élevée à 45 milliards d'euros ! Peut-on considérer que les gisements gaziers exploités en France seraient émetteurs de CO2et, en même temps, continuer à importer, sans s'interroger, du gaz venant par exemple d'Algérie ou de Russie ? Peut-on simplement renoncer à connaître le potentiel, aujourd'hui méconnu, du sous-sol français qui, selon la mission interministérielle que nous avons lancée, pourrait représenter un siècle de consommation ?
Quant aux techniques d'extraction, en particulier la fracturation hydraulique, il ne faut en minimiser ni les enjeux ni les risques. Cette technique est ancienne : elle date de 1949 et a été pratiquée des dizaines de fois en France sans faire débat et sans difficulté. Mais son utilisation soulève des questions nouvelles dans le cas des gaz de schiste car il en serait fait un usage de plus grande ampleur, donc de plus grande conséquence environnementale. Nous devons nous assurer que ses conditions d'utilisation sont respectueuses de l'environnement et que sa mise en oeuvre sera encadrée. Je souhaite, comme plusieurs d'entre vous, qu'on puisse procéder à des expérimentations, sous strict contrôle public et en toute transparence.
Votre Commission a ouvert la voie et la Commission de l'économie du Sénat a marché dans vos pas et introduit la possibilité d'engager dès à présent des programmes expérimentaux. Cette proposition peut-elle faire consensus entre vos deux assemblées ? Je le souhaite.