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Intervention de Michel Mercier

Réunion du 31 mai 2011 à 21h45
Ventes de meubles aux enchères publiques — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi qui revient aujourd'hui, en seconde lecture, devant votre assemblée vise à modifier le régime des ventes volontaires fixé par la loi du 10 juillet 2000. Il s'agit de relever le défi de la compétitivité sur le marché des enchères publiques tout en apportant les garanties indispensables de sécurité juridique et un contrôle adapté des opérateurs de ventes volontaires.

Vous êtes parvenus à un accord avec le Sénat sur les grands principes qui doivent présider à la modernisation de ce secteur d'activité : trente-neuf articles ont été votés dans les mêmes termes par les deux assemblées ; onze seulement restent en discussion. Je tiens dans ces conditions à saluer le travail de qualité des deux assemblées et l'implication des rapporteurs sur ce sujet aux dimensions multiples.

La discussion parlementaire a permis d'enrichir la proposition initiale de M. Philippe Marini et de M. Yann Gaillard. Alain Suguenot avait d'ailleurs également lancé la réflexion au sein de l'Assemblée nationale avec sa proposition de loi sur les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Nous pourrons ainsi mettre notre droit en pleine conformité avec les exigences de la directive « Services » du 12 décembre 2006. Je rappelle que la date butoir de transposition de cette directive était fixée au 28 décembre 2009. La France accuse donc un retard auquel nous devons impérativement porter remède.

Ce texte est également l'occasion de redynamiser le secteur économique des enchères publiques et de conforter ainsi la place de Paris. Depuis une dizaine d'années, la position française sur le marché accuse un net recul ; or la France possède un patrimoine privé des plus importants, et restaurer l'attractivité de la place de Paris est un enjeu essentiel pour accroître les chances de conserver ce patrimoine.

Premièrement, l'accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat permet à la fois de libéraliser le marché, pour répondre aux exigences communautaires, et de renforcer sa compétitivité, tout en offrant un cadre protecteur pour les consommateurs et la réalisation des ventes. Le texte qui vous est soumis permet d'offrir un régime plus attractif et simplifié. Ainsi, a été approuvé l'élargissement du champ des biens susceptibles d'être vendus aux enchères, de même que la diversification des structures au sein desquelles les opérateurs peuvent mener leur activité – ils peuvent désormais l'exercer sous la forme juridique de leur choix et implanter le siège social ou statutaire de leur société en tout point du territoire de l'Union européenne. Les procédures sont allégées, avec l'abandon d'un régime d'agrément préalable au profit d'une simple déclaration auprès du Conseil des ventes volontaires, ou encore avec l'autorisation générale pour les opérateurs de procéder à des ventes de gré à gré – et non plus seulement après des enchères infructueuses. Le Sénat a aussi approuvé la pratique innovante du take to house, introduite par votre assemblée en première lecture, qui permet à la maison de vente d'acquérir un bien qu'elle a vendu pour mettre un terme à un litige qui opposerait les vendeurs aux adjudicataires.

Je me réjouis que vos assemblées soient parvenues à un accord sur ces points ainsi que sur les besoins de sécurisation du marché. Chacun a en effet pu constater les dysfonctionnements que peut engendrer l'absence de cadre de contrôle efficace et adapté. Les obligations nouvelles introduites par l'Assemblée nationale permettent de tirer toutes les conséquences de « l'affaire Drouot ». Il ne peut y avoir de marché attractif sans sécurisation des transactions. La confiance de tous les acteurs est un préalable indispensable et ce texte s'attache à la restaurer.

Tout d'abord, deux interdictions sont posées à cet effet. Il s'agit de l'achat pour revente – à l'exception du cas où les opérateurs sont devenus propriétaires du bien après la mise en oeuvre de la garantie de prix et de la pratique du take to house – et celle, nouvelle, des reventes à perte pour les biens neufs. Votre commission des lois a en outre approuvé les précisions apportées par le Sénat sur ce point.

Ensuite, le texte renforce la transparence du marché. Ainsi, les maisons de vente doivent porter à la connaissance du vendeur et du public les garanties financières souscrites, la qualité du bien vendu lorsqu'il est neuf et l'intervention d'un expert ; elles doivent aussi, le cas échéant, informer le public de la qualité de commerçant ou d'artisan du vendeur pour les biens neufs mis en vente. Les courtiers aux enchères par voie électronique ont également des obligations en termes de communication : ils doivent informer très clairement le public – vendeur et acheteur – sur la nature de la prestation fournie pour lever tout risque de confusion avec une opération de vente aux enchères publiques.

La tenue d'un livre de police dématérialisé, qui deviendra obligatoire deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, contribue également à cet effort de transparence en permettant une véritable traçabilité des biens.

Enfin, le Sénat a approuvé les obligations nouvelles que vous aviez introduites en première lecture, monsieur le rapporteur, à la charge des opérateurs qui feraient appel à des prestataires extérieurs. Ces opérateurs devront apporter toutes les garanties de sécurité juridique et matérielle de la vente : il s'agit d'exiger de leur part qu'ils vérifient les conditions dans lesquelles exercent leurs prestataires, par exemple leur transporteur.

Deuxièmement, le Conseil des ventes volontaires a été investi de nouvelles missions qui en font désormais une véritable autorité de régulation. Ces dispositions font consensus, le Sénat ayant rallié la position de l'Assemblée.

Tout d'abord, le renforcement du Conseil est l'une des avancées majeures de la proposition de loi car cela permettra un meilleur encadrement des pratiques du marché : ses missions sont élargies puisqu'il aura désormais un rôle d'observation du marché et d'identification des bonnes pratiques ; conformément aux précisions apportées par votre assemblée, il pourra proposer des évolutions législatives ou réglementaires. De plus, le Conseil est également chargé d'élaborer un recueil des obligations déontologiques. Le Sénat a souhaité que celui-ci puisse être rendu public ; un « gage de transparence bienvenu », avez-vous souligné, monsieur le rapporteur. Je ne peux que souscrire à cette position.

En outre, la présence de professionnels en exercice au sein du Conseil des ventes volontaires a fait l'objet de nombreux débats. Les exigences de la directive « Services » nous contraignent à être prudents sur ce point. En effet, il faut nous prémunir contre le risque que des opérateurs concurrents interviennent dans des décisions individuelles de quelque nature que ce soit concernant d'autres opérateurs du même secteur d'activité. Le Sénat a fait un premier pas en assortissant cette présence d'une obligation de déport des professionnels sur les dossiers individuels. À votre initiative, monsieur le rapporteur, la commission a eu la sagesse de clarifier le texte pour lever toute ambiguïté sur cette obligation de déport afin qu'elle ne soit pas limitée à la seule matière disciplinaire et qu'elle s'applique à toute décision individuelle. Votre rédaction permet ainsi de lever la difficulté que la présence de ces professionnels en exercice posait au Gouvernement. Grâce à vous, ce point de désaccord entre le Gouvernement et les deux assemblées est réglé et je tiens à vous en remercier.

Troisièmement, en modernisant le secteur des ventes volontaires, la proposition de loi a aussi veillé à une intervention équilibrée des différents professionnels du secteur des ventes de meubles et marchandises aux enchères publiques, à savoir les commissaires-priseurs judiciaires, les huissiers de justice, les notaires et les courtiers de marchandises assermentés.

Concernant les commissaires-priseurs judiciaires, les activités de transport de meubles, de presse, d'édition et de diffusion de catalogues ont été autorisées dans le cadre de leurs sociétés de ventes volontaires, en première lecture, par les deux assemblées. Cependant, en seconde lecture, le Sénat a davantage ouvert cette liste, permettant l'exercice de toute activité complémentaire en lien avec les ventes volontaires aux enchères publiques. Mais, comme je le soulignais devant le Sénat et comme vous l'aviez rappelé, monsieur le rapporteur, une telle ouverture me semble difficilement compatible avec leur statut d'officier public et ministériel. Elle pourrait même conduire la Commission européenne à remettre en cause ce statut. C'est pourquoi j'approuve le choix de votre commission des lois de limiter la liste des activités nouvellement ouvertes à la profession. Par ailleurs, les commissaires priseurs judiciaires pourront exercer leur activité en tant que salariés.

Concernant les huissiers de justice et les notaires, deux points ont alimenté les débats. Je veux d'abord revenir sur les conditions dans lesquelles ces professions peuvent réaliser des ventes volontaires en sus de leur activité principale : la formulation a évolué d'une assemblée à l'autre afin d'encadrer cette possibilité. En seconde lecture, le Sénat a choisi de retenir un pourcentage limitant la part des ventes volontaires à 25 % du chiffre d'affaires de leur office. Votre commission des lois a choisi de revenir à la formulation initiale, qui précise qu'ils peuvent exercer ces activités « à titre accessoire », et cette solution, moins rigide, me semble mieux adaptée à la réalité de ces professions. Le second point en débat a concerné la répartition des compétences pour les ventes ordonnées dans le cadre d'une liquidation judiciaire. Le Sénat a souhaité introduire une nouvelle disposition au sein du code de commerce qui fixe des critères de répartition entre commissaires-priseurs judiciaires, notaires, huissiers de justice et courtiers de marchandises assermentés pour procéder à ces ventes. Cette disposition n'était pas nécessaire et pouvait être source de confusion. Votre commission a donc souhaité revenir au droit actuel, tel qu'il découle du statut de ces professionnels et du libre choix du juge. Sur ce point encore, je souscris pleinement à cette position.

Mesdames, messieurs les députés, le texte tel qu'il est soumis à la discussion, enrichi par les deux assemblées, permet de progresser dans la voie d'une modernisation du secteur des ventes volontaires : en assouplissant le cadre juridique et en renforçant la régulation du marché des ventes volontaires, nous pourrons relever les défis de ce secteur d'activités. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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