Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons fait suite à un débat dont la pertinence ne fait aucun doute. On peut seulement regretter qu'il n'ait pas été plus précoce ou qu'il n'ait pas été mené dans un cadre plus large.
L'intitulé de la proposition de résolution est également pertinent. Il a le mérite de souligner le lien étroit qui unit laïcité et liberté religieuse, considérant ainsi la laïcité comme un régime qui garantit d'un même mouvement la neutralité de l'État en matière religieuse et la place des religions dans la société.
L'exposé des motifs précise la conception de la laïcité dans laquelle la résolution entend s'inscrire, cette notion ayant connu au cours de notre histoire des acceptions très diverses. « La laïcité repose sur une distinction claire de la sphère politique et de la sphère religieuse. » Pour autant, elle n'instaure nullement une relation antagoniste entre elles. La laïcité, dès lors qu'elle ne s'érige pas elle-même en religion de substitution, implique simplement le découplage de l'appartenance religieuse et de l'appartenance politique, la dissociation entre citoyenneté et confessionnalité.
L'exposé des motifs précise bien que « le principe de laïcité n'est pas la négation des religions ou le combat contre celles-ci ». Le texte de la résolution se situe donc clairement dans le cadre d'une laïcité ouverte, et non dans celui d'une laïcité d'indifférence ou de combat. Il laisse de côté la conception d'une laïcité fermée de séparation malveillante, pour promouvoir au contraire une laïcité positive, telle que le Président de la République en a dessiné les contours dans son discours du Latran : « J'appelle de mes voeux l'avènement d'une laïcité positive, c'est-à-dire d'une laïcité qui, tout en veillant à la liberté de penser, à celle de croire et de ne pas croire, ne considère pas que les religions sont un danger, mais plutôt un atout. »
Ce qui motive la proposition de résolution, c'est le fait que cette laïcité, devenue une condition de la paix civile, est depuis quelques années l'objet de remises en cause qui interpellent le législateur.
À l'origine de ces remises en cause, il y a d'abord, et l'exposé des motifs le souligne à juste titre, l'ignorance, et notamment le développement de l'inculture religieuse, qui tend à devenir l'obscurantisme d'aujourd'hui. Elle atteint des proportions telles que de nombreux jeunes ne disposent plus des clés nécessaires pour comprendre leur environnement culturel, leur langue, ou pour lire leurs paysages, leurs monuments, leur littérature.
Il me semble que la résolution aurait pu s'inspirer sur ce point du rapport qu'avait remis Régis Debray au ministre de l'éducation nationale en 2002 et de ses recommandations en faveur de l'enseignement du fait religieux à l'école comme fait de civilisation. L'absence de proposition dans ce domaine me semble constituer un déséquilibre dans la résolution qui nous est soumise.
L'autre origine de cette remise en cause, et, là encore, l'exposé des motifs est clair, c'est l'irruption de certaines conceptions religieuses qui sont autant des codes juridiques que des spiritualités et qui n'ont pas dans leur patrimoine la distinction radicale entre Dieu et César. Ces conceptions alimentent des revendications de type communautariste qui visent à s'affranchir des règles communes. Or l'espace public ne saurait être régenté par plusieurs codes juridiques différents.
Comment enrayer ces dérives sans en revenir à une attitude discriminatoire à l'égard du fait religieux en lui-même ? Face à l'importance de l'enjeu, les propositions déçoivent un peu. On est même surpris de voir réapparaître dans certaines d'entre elles comme des traces d'une laïcité d'exclusion. Je pense en particulier aux alinéas 18 et 20, qui touchent les services publics et l'entreprise, dont la rédaction pourrait être interprétée comme une forme de stigmatisation du seul facteur ou motif religieux. Nous voyons bien les dérives qui sont visées. Il faut prendre garde toutefois, en les abordant à travers une globalisation du facteur religieux, à ne pas remettre en cause les équilibres trouvés avec les religions traditionnelles, qui sont étrangères à ces dérives.
Certaines dispositions me paraissent en revanche aller clairement dans la bonne direction. Je pense en particulier à l'alinéa 15, qui condamne toute transgression de nos lois qui résulterait d'une démission devant des revendications communautaristes et nous engagerait dans une dérive de type canadien vers des accommodements prétendument raisonnables, dont les limites sont sans cesse repoussées.
Je pense également à l'alinéa 24, souhaitant que la France fasse valoir dans le monde sa conception d'une laïcité équilibrée et de la défense de la liberté religieuse. Je rappellerai à cet égard l'appel lancé à mon initiative par 230 parlementaires pour que la France porte en permanence la voix des chrétiens d'Orient, victimes de très graves atteintes à la liberté religieuse.
Au total, même si les préconisations de cette résolution nous laissent un peu sur notre faim, je salue cette initiative, qui est une première prise de conscience et traduit une volonté de réagir face à certaines dérives qui remettent en cause les équilibres délicats sur lesquels repose notre société. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)