Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel est, au fond, le sens de la discussion que nous avons aujourd'hui ?
Il y a d'abord, de toute évidence, une quête de sens nouvelle et forte dans nos sociétés modernes. « Le XXIe siècle sera spirituel ou il ne sera pas ». Cette fameuse citation, souvent attribuée à André Malraux, annonçait avec acuité la recherche de sens qui grandit dans les pays occidentaux, après avoir assisté à un net repli des religions depuis le XVIIIe siècle. Il s'agit là d'un mouvement idéologique très profond, qui interroge le coeur de nos sociétés modernes. La modernité n'efface pas le fait religieux ou les questionnements métaphysiques ; au contraire, elle les exacerbe.
Et puis, il y a la réalité française. À titre d'exemple, la France compte 6 millions de musulmans pratiquants. C'est un fait. Ils forment la deuxième communauté religieuse de notre pays, une communauté où la pratique des rites est plus forte et plus publique que dans la communauté chrétienne. De plus, la France est un pays très singulier dans le monde face au phénomène religieux.
D'abord « fille aînée de l'Église », avec des racines chrétiennes très profondes, la République française s'est largement construite dans un dur et long combat contre l'église catholique, alors omniprésente dans la vie sociale de notre pays.
C'est au cours de ce combat que se sont élaborées la laïcité française, forcément anticléricale, et sa loi-cadre, la loi de 1905, de séparation de l'église et de l'État. Dans la France d'aujourd'hui, à peine la moitié de la population se dit croyante, le mouvement laïc y est particulièrement fort et fait consensus, et l'opinion publique est assez indifférente aux enjeux religieux.
Mais nous ne sommes que 63 millions d'habitants, dans un monde qui en compte presque 7 milliards. Mes années africaines et mes voyages dans le monde arabe m'ont appris que, pour la plus grande partie de la population mondiale, la foi en Dieu est juste naturelle, comme son expression publique, et il n'est tout simplement pas envisageable que la vie publique n'intègre pas la dimension religieuse.
Or, que cela plaise ou non, nous sommes à l'époque de la mondialisation et les flux migratoires assurent chaque année l'arrivée sur le territoire français de populations qui sont en grande majorité croyantes et pratiquantes. Ces personnes sont naturellement mal à l'aise avec notre laïcité à la française. J'entends la voix raisonnable de celles et ceux d'entre nous qui leur demandent de s'adapter à notre cadre républicain. Pas si simple…
En tout cas, le brassage, la mixité de croyances imposée par la mondialisation, interroge la laïcité à la française affirmant que la religion doit rester une affaire privée ne débordant jamais sur la sphère publique. De même, une nouvelle fois, la laïcité française s'est construite contre et en relation avec la religion catholique. Comment doit-elle évoluer, alors que la deuxième communauté religieuse nationale est devenue l'islam, et cela pour longtemps ?
Voilà le débat de fond ! Comment passe-t-on de la laïcité de 1905, républicaine, anticléricale, structurée par son rapport à la religion catholique, à la laïcité de 2011, qui est la fille de notre histoire du XXe siècle, notamment coloniale de notre pays, et de la mondialisation actuelle ? Nous, centristes, pensons que la loi de 1905 est une grande loi fondatrice de notre république actuelle, mais qu'elle devra s'ouvrir à la réalité de 2011.