Une organisation adaptée et efficace en matière de sécurité civile est de première importance pour notre nation. Afin de prévenir les risques de toute nature, informer, alerter les populations et protéger les personnes, les biens et l'environnement, l'État doit se doter d'un budget audacieux, à la hauteur des ambitions affichées. Pourtant, dans ce domaine, comme dans tant d'autres, l'État ne prend pas ses responsabilités et ne consacre qu'une part minime de son budget à cette mission régalienne. Comme j'avais eu l'occasion de le souligner lors de la discussion du budget 2011, la mission « Sécurité civile » ne représente que 0,15 % du total des dépenses du budget de l'État. Ce budget est trop limité pour garantir un dispositif de secours équitable dans tous les territoires – ruraux, urbains ou entre départements.
L'égalité de nos concitoyens devant le droit à la sécurité civile, où qu'ils habitent en France, ainsi que la préservation du maillage territorial qui en découle, sont pourtant des impératifs qui s'imposent aux responsables politiques.
Si les maires, les présidents d'EPCI et les présidents de conseils généraux sont les mieux placés pour définir la couverture des risques locaux, l'État ne pouvant assumer l'intégralité de cette mission sur l'ensemble du territoire, il n'en reste pas moins qu'il n'est pas acceptable que l'État se décharge de ses responsabilités, notamment en matière de cohérence et de coordination des dispositifs, de mise en oeuvre de la solidarité nationale. La sécurité civile illustre parfaitement le désengagement de l'État qui transfère des compétences vers des collectivités pourtant déjà en phase d'asphyxie avancée, sans bien évidemment leur donner les moyens financiers de les assurer, voire de les assumer. La majorité des acteurs du secours à la personne, sapeurs-pompiers en tête, mais également les élus, sont aujourd'hui unanimes : l'organisation de la sécurité civile subit une dégradation constante. Les dysfonctionnements constatés ont bien évidemment des conséquences pour les victimes.
Les causes sont multiples. La première d'entre elles est la vaste entreprise de « régression générale des politiques publiques » avec une dégradation des conditions de travail des sapeurs-pompiers. Dans ce cadre, la situation des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ne peut que se précariser avec l'apparition de multiples problèmes. J'en citerai quelques-uns : le double statut du sapeur-pompier professionnel qui intervient à la fois en qualité de professionnel dans une commune et de volontaire dans une autre, le recours abusif aux pompiers volontaires qui sont substitués aux pompiers professionnels, notamment pour les gardes « postées ». Les pompiers professionnels ont souvent le sentiment d'être considérés comme des variables d'ajustement. Ils travaillent de plus en plus au jour le jour sans pouvoir se projeter dans l'avenir. Les conditions de travail des pompiers volontaires sont aussi difficiles : les vacations horaires sont payées entre huit et treize euros avec une couverture sociale lacunaire. Comment s'étonner dans ces conditions de la baisse du nombre des volontaires ?
Il est en effet de plus en plus difficile de recruter des sapeurs-pompiers volontaires dont la durée de l'engagement tend de surcroît à se réduire – en moyenne moins de dix ans, selon le rapporteur, qui précise par ailleurs dans son rapport que si la France comptait 207 583 sapeurs-pompiers volontaires en 2004, elle n'en compte plus que 196 800 en 2009. Face à cette diminution constante, j'ai pu à plusieurs reprises, notamment à l'occasion de l'examen du budget, exprimer mes préoccupations à ce sujet. Le malaise des sapeurs-pompiers est aujourd'hui largement palpable qu'ils soient volontaires ou professionnels. Ce malaise est dû à la dégradation des conditions d'exercice, à de graves problèmes dans l'organisation du travail, à la trop faible reconnaissance de la pénibilité de leur tâche et de leur souffrance au travail. La tendance actuelle de doter les pompiers de matériels de plus en plus sophistiqués tout en bloquant le nombre de sapeurs-pompiers professionnels et en réduisant le nombre d'intervenants sur un sinistre participe de ce malaise. Alors que notre système de sécurité civile repose au quotidien sur l'engagement de ces femmes et de ces hommes, il convient en effet d'apporter des solutions aux problèmes qui se posent.
Je pense plus particulièrement à toutes celles et à tous ceux qui s'engagent bénévolement comme sapeurs-pompiers ou au sein des associations agréées de sécurité civile, à ceux qui, en marge de leur vie familiale et professionnelle, offrent leur temps et leur énergie, parfois au péril de leur vie, à nos concitoyens qui se trouvent confrontés à des situations d'urgence ou de détresse.
La place occupée dans la sauvegarde et la protection des populations par les sapeurs-pompiers volontaires est considérable. Ils représentent 79 % des sapeurs-pompiers, 96 % des personnels des services de santé et de secours médical, 68 % du temps passé en intervention, 80 % dans les zones rurales. Certains arrondissements ruraux ne comptent aucun professionnel.
Les sapeurs-pompiers volontaires, sans oublier tous les autres acteurs impliqués, constituent donc la première force mobilisable en tout point de notre territoire pour répondre aux obligations d'assistance et de solidarité qu'imposent le contrat social et les valeurs républicaines que nous partageons. Aussi ne doit-on pas les considérer comme des pompiers de seconde zone.
Fort heureusement, un équilibre s'est créé entre professionnels et volontaires. Les volontaires sont respectueux des professionnels dont l'encadrement technique est reconnu comme indispensable. Quant aux professionnels, ils mesurent la portée du volontariat. Ce respect mutuel est déterminant pour une bonne complémentarité. Je le constate dans mon département du Puy-de-Dôme et je m'en réjouis. Il est cependant fragile. Cette proposition de loi entend à la fois apporter des solutions à l'hémorragie du volontariat et valoriser les sapeurs-pompiers volontaires en leur conférant un véritable statut juridique. De ce point de vue, je ne peux qu'approuver l'esprit dans lequel elle entend s'inscrire.
Elle se présente ainsi comme une véritable loi cadre du sapeur-pompier volontaire. Il s'agit fort justement d'écrire dans la loi la reconnaissance de l'engagement citoyen en qualité de sapeur-pompier volontaire en lui donnant un cadre juridique. La proposition prévoit également différentes mesures pour relancer le volontariat.
D'abord, donner une définition commune à tous les départements de l'activité et de l'engagement du sapeur-pompier volontaire me semble opportun et permettra d'homogénéiser la fonction sur tout le territoire. Cependant, la qualification de pompier volontaire, qui soustrait l'intéressé aux dispositions du droit du travail relatives au temps de travail, pose question en termes de risques pour la santé et la sécurité.
Par ailleurs, je souscris aux dispositions de la proposition qui sont de nature à encourager les vocations. Je suis ainsi favorable au renforcement de la protection pénale des acteurs de la sécurité civile et à la volonté de valoriser les expériences acquises par les pompiers volontaires. Sur ce point, je suis en revanche tout à fait opposé à une formation « au rabais » pour les pompiers volontaires…