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Intervention de Claude Guéant

Réunion du 30 mai 2011 à 17h00
Engagement des sapeurs-pompiers volontaires — Discussion d'une proposition de loi

Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, près de 400 000 familles de France comptent au moins un sapeur-pompier. Vétérans, sapeurs-pompiers volontaires en activité, sapeurs-pompiers professionnels et militaires, jeunes sapeurs-pompiers irriguent tout le corps social et incarnent l'orientation fondatrice que la représentation nationale a posée en 2004 avec la loi de modernisation de la sécurité civile : la sécurité civile est l'affaire de tous.

Avant toute chose, je voudrais donc rendre hommage aux sapeurs-pompiers de France. À travers vous, mesdames, messieurs les députés, je souhaite dire aux familles et aux camarades des quatorze sapeurs-pompiers qui, l'an dernier, ont donné leur vie en intervention, la reconnaissance respectueuse de la nation pour leur sacrifice.

Très récemment encore, les sapeurs-pompiers luttaient pour sauver des vies au Japon et l'an dernier, à Haïti. Leur présence était indispensable mais, de surcroît, exprimait avec force la solidarité de la France envers des peuples amis et meurtris.

À Haïti, le détachement français était composé de plus de 700 hommes et femmes de la sécurité civile. Notre hôpital de campagne a pris en charge plus de 20 000 victimes. Nos sauveteurs, malgré la diversité de leurs statuts et de leurs unités d'origine, étaient unis dans un même engagement et portaient tous le blason tricolore. Nos concitoyens ont vu, avec une légitime fierté, les images de notre détachement, mais beaucoup ignorent qu'il était composé, pour plus de la moitié, de sapeurs-pompiers volontaires.

Tel est le modèle français de sécurité civile. Il s'est construit historiquement sur l'engagement des 200 000 sapeurs-pompiers volontaires dans les 8 000 centres d'incendie et de secours que compte notre pays.

Les sapeurs-pompiers réalisent quotidiennement plus de 11 000 interventions et, grâce à la réserve citoyenne que constituent les volontaires, seraient capables, si les circonstances l'imposaient, de tripler ce niveau d'engagement.

Je tiens à dire que ce modèle d'organisation est le résultat d'une alliance exemplaire entre les acteurs. L'État est le garant de la cohérence nationale de la sécurité civile ; en définissant la doctrine et en coordonnant les moyens, il est celui qui garantit l'égal accès aux secours et la mise en oeuvre des solidarités, lorsque l'ampleur de la crise rend les moyens locaux insuffisants. Les élus locaux sont les architectes des politiques publiques de proximité ; l'énergie que déploient les présidents et les élus des conseils d'administration des SDIS ainsi que les moyens qu'ils consacrent à la modernisation et à l'adaptation de la réponse de proximité aux bassins de risque doivent être soulignés. La départementalisation des services d'incendie et de secours n'a que dix ans, mais que de chemin parcouru ! Je tiens également à saluer l'implication des maires qui restent, dans de nombreux cas, les directeurs des opérations de secours et qui sont également les premiers acteurs du volontariat chez les sapeurs-pompiers.

Troisième pilier de cette alliance, les sapeurs-pompiers eux-mêmes. Sans oublier le rôle essentiel des 50 000 sapeurs-pompiers professionnels et militaires, force est de constater que les sapeurs-pompiers volontaires constituent près de 80 % des effectifs et que, sans eux, 60 % des 11 000 interventions quotidiennes que j'ai évoquées ne pourraient tout simplement pas être réalisées.

Le Président de la République a récemment rappelé que, dans une société marquée par la tentation du repli individuel, le volontariat des sapeurs-pompiers était une richesse collective et un exemple. C'est cette richesse qu'il nous est proposé de pérenniser, au travers de la proposition de loi déposée par Pierre Morel-A-L'Huissier, dont je tiens à saluer la qualité remarquable du travail : qualité d'écoute, qualité d'expertise, qualité de rédaction juridique du texte.

Ces vingt dernières années, vous avez consacré vos travaux à certains aspects très pratiques de l'engagement de nos sapeurs-pompiers volontaires. Je pense à la loi du 31 décembre 1991, qui a permis de construire le socle de la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident ou de maladie ; je pense aussi à la loi du 3 mai 1996, relative au développement du volontariat, qui a, quant à elle, clarifié les relations entre le sapeur-pompier volontaire et son employeur ; je pense enfin à la loi du 13 août 2004 portant modernisation de la sécurité civile, qui a créé une prestation de fidélisation et de reconnaissance.

Mais les travaux de la commission « Ambition volontariat », qu'a présidée Luc Ferry en 2008, ont montré qu'il manquait une dimension prospective et que l'action que mènent l'État et les élus locaux devait s'adosser à deux principes fondateurs : la souplesse et la reconnaissance.

Le rapport rendu par la commission n'a donc pas été un aboutissement mais bien un commencement, puisque le Gouvernement a immédiatement décidé qu'un groupe de travail, composé de représentants de l'État, de l'Assemblée des départements de France, de la fédération nationale des sapeurs-pompiers et du rapporteur général de la commission, déclinerait, de manière très concrète, les orientations de cette commission « Ambition volontariat ».

Huit textes de nature réglementaire ont d'ores et déjà été publiés, après avis favorable de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, que préside, avec l'énergie et la connaissance de ces questions que nous lui connaissons, le sénateur Doligé.

Mais il manquait à ce travail très approfondi son parachèvement législatif. Vous avez, monsieur le député, souhaité en être l'initiateur, après vous être fortement impliqué dans les réunions du groupe de travail. Pour donner à la proposition de loi une assise juridique solide, vous avez, en outre, souhaité recueillir l'avis du Conseil d'État.

Conformément aux orientations fixées par le Président de la République, le Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, accueille donc de manière très favorable la proposition de loi dont vous débattez aujourd'hui. Il est en effet essentiel que le Parlement et le Gouvernement affichent une pleine convergence quand il s'agit de soutenir nos 200 000 sapeurs-pompiers volontaires. La qualité technique des travaux préparatoires menés par le président de la commission des lois, après l'avis du Conseil d'État, me donnera en outre bien peu d'occasions de diverger des orientations que vous proposez.

Je souhaite, au stade de la discussion générale, compléter la présentation du rapporteur de la proposition par un souhait de méthode et un élément d'éclaircissement au fond.

La définition juridique du sapeur-pompier volontaire est la pierre angulaire de votre proposition, monsieur Morel-A-L'Huissier. Il n'était plus acceptable que le sapeur-pompier volontaire soit ballotté entre différentes lectures jurisprudentielles et écartelé entre des droits qui n'avaient pas été rédigés pour lui. Il n'est pas plus acceptable que l'incertitude pèse de manière permanente sur l'avenir du volontariat.

Votre proposition est constructive, innovante et respectueuse des engagements internationaux de la France. Il apparaît donc important, aux yeux du Gouvernement, que vos travaux puissent intégrer dans toute la mesure du possible l'avis rendu par le Conseil d'État – c'est le sens et la portée de certains amendements gouvernementaux, qui précisent le texte.

Cet avis conduit, par ailleurs, à reconnaître le sapeur-pompier volontaire pour ce qu'il est : une personne qui s'engage librement au service de ses concitoyens, qui bénéficie, comme chaque citoyen, de libertés et de droits fondamentaux, mais qui exerce son activité dans des conditions qui lui sont propres, ce qui oblige, certes, les services d'incendie et de secours à lui garantir la santé et la sécurité, mais ne rend pas applicable l'organisation du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels.

Mesdames et messieurs les députés, cent-vingt d'entre vous ont cosigné, aux côtés de Pierre Morel-A-L'Huissier, la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui. Le président Warsmann et l'ensemble des députés de la commission des lois y ont d'ores et déjà apporté une contribution substantielle. Le Président de la République soutient également cette initiative.

Nous devons, ensemble, aux 200 000 sapeurs-pompiers volontaires, comme aux 90 000 vétérans et aux 30 000 jeunes sapeurs-pompiers, un message clair : parce qu'ils sont un exemple pour la nation, celle-ci les protégera juridiquement et socialement en intégrant pleinement les trois piliers de leur engagement que sont leur famille, leur activité professionnelle et un réseau associatif vieux de plus d'un siècle ; parce qu'ils incarnent les valeurs républicaines, la nation doit leur permettre d'exprimer leur engagement altruiste de la manière la plus respectueuse des idéaux qui les animent, du sens qu'ils entendent donner à leur action et des modalités qu'ils souhaitent réserver à son expression ; parce qu'enfin ils sont au coeur du modèle français de sécurité civile et que, chaque année, un Français sur trois compose le 18 ou le 112, les élus de la nation et le Gouvernement souhaitent conjointement et résolument leur donner les moyens d'inscrire leur engagement dans la durée.

Tel est l'état d'esprit dans lequel le Gouvernement aborde ce débat. Il vous remercie à nouveau de votre initiative et je serai, en son nom, attentif à vous accompagner dans vos travaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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