Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, mes chers collègues, la France nous regarde. Dans chaque coin de notre territoire, des hommes et des femmes, des conjoints attendent que la représentation nationale, conjointement avec le Gouvernement, aborde la problématique du volontariat chez les sapeurs-pompiers.
Près de 200 000 personnes sont en quête de ce cadre juridique, car c'est de cela qu'il s'agit et non d'un statut, qui leur permettra de continuer à remplir leur passion, ce que le Président de la République a eu l'occasion de qualifier de « miracle social ».
Dans un pays en pleine mutation où l'individualisme se développe, force est de noter que des jeunes, des adolescents, des adultes, hommes et femmes, prennent de leur temps pour les autres à travers un engagement citoyen qui fait honneur à notre pays.
Je voudrais, monsieur le ministre, que vous mesuriez l'émotion de celles et ceux qui sont présents aujourd'hui, et celle de toutes ces personnes, de l'ouvrier au cadre, de l'étudiant au professionnel, qui attendent avec impatience que nous réglions le cadre juridique du volontariat.
Émotion de constater qu'au terme de vingt-quatre mois, les députés, les élus locaux, l'Association des départements de France et en particulier son président Claudy Lebreton, l'Association des maires de France avec Jacques Pélissard, la Direction de la sécurité civile, la Fédération nationale des pompiers notamment en la personne du colonel Richard Vignon, la conférence nationale des SDIS, l'ensemble des SDIS, les sous- officiers, les officiers se sont tous unis dans une même volonté, dans un même élan pour traduire, non seulement dans le droit positif français mais également à l'adresse du droit communautaire, un dispositif qui permettra aux 200 000 volontaires de poursuivre leur mission au côté des sapeurs-pompiers professionnels et en complémentarité avec eux, et de préserver ainsi notre modèle de sécurité civile.
Émotion en pensant à l'engagement de ces personnes qui se sont mobilisées à mes côtés pour porter ce texte fondateur. Je pense notamment à Luc Ferry et à l'amiral Béreau, qui ont su mener les excellents travaux de la commission « Ambition volontariat ».
Émotion personnelle d'avoir élaboré avec l'ensemble des parties prenantes un texte fondateur et d'avoir le sentiment de faire oeuvre utile pour les autres, pour nos voisins et pour notre pays.
Notre assemblée est saisie, selon la procédure accélérée, de la proposition de loi relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique, que j'ai eu l'honneur de déposer le 18 novembre dernier.
Je souligne tout d'abord que ce texte a été adopté à l'unanimité de la commission des lois, le 13 avril dernier, ce qui montre l'attachement de la représentation nationale aux sapeurs-pompiers volontaires. Je voudrais remercier mes collègues Philippe Gosselin, député de la Manche ; Éric Diard, député des Bouches-du-Rhône ; François Vannson, député des Vosges ; Éric Straumann, député du Haut-Rhin ; Patrice Verchère, député du Rhône ; Maryse Joissains-Masini, députée des Bouches-du-Rhône ; Jérôme Lambert, député de Charente ; Bernard Derosier, député du Nord ; Abdoulatifou Aly, député de Mayotte, ainsi que, pour leur implication personnelle, Charles de La Verpillière, Claude Greff, Michel Hunault, Émile Blessig et Bernard Lesterlin, très attaché au service civique.
La sécurité civile est une compétence partagée entre l'État et les collectivités territoriales, qu'il s'agisse de la gestion des grandes catastrophes ou des missions de toute nature que remplissent traditionnellement et quotidiennement les services d'incendie et de secours.
Les SDIS assurent 3,65 millions d'interventions annuelles sur un total de 4,25 millions, en complémentarité des corps communaux et intercommunaux de sapeurs-pompiers ainsi que des sapeurs-pompiers de Paris et des marins-pompiers de Marseille, à statut militaire.
Outre ces 12 100 sapeurs-pompiers militaires, notre pays compte 40 100 sapeurs-pompiers professionnels et 196 800 sapeurs-pompiers volontaires, dont 11 427 personnels servant au sein du service de santé et de secours médical, et parmi eux 10 890 volontaires. Ces chiffres illustrent le rôle incontournable des sapeurs-pompiers volontaires dans notre pays. Ils assurent 50 % des interventions en milieu urbain et 80 % des interventions en zone rurale – vous connaissez mon attachement au milieu rural.
Cependant, le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires est de plus en plus délicat et leur durée d'engagement tend à se réduire.
Si la France comptait 207 583 sapeurs-pompiers volontaires en 2004, elle n'en compte plus que 196 800 en 2009. Plus d'un tiers des sapeurs-pompiers volontaires compte moins de cinq ans d'ancienneté d'engagement. Il y a quelques années encore, un volontaire s'engageait en moyenne pendant vingt ans ; aujourd'hui, cette durée moyenne a été divisée par deux et se situe aux environs de dix ans, comme l'a constaté l'amiral Béreau dans le cadre de la commission « Ambition volontariat ».
Face à cette situation, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales a mis en place, le 2 avril 2009, une commission dite « Ambition volontariat », dont j'étais membre, chargée de travailler de manière prospective sur tous les aspects du volontariat chez les sapeurs-pompiers.
Présidée par Luc Ferry, cette commission a rendu son rapport le 15 septembre 2009. Il me semble utile de m'attarder sur quelques éléments qui ont guidé la présente proposition de loi et qui devront amener le Gouvernement à quelques mesures complémentaires : les pompiers effectuent 10 000 interventions par jour ; la moyenne d'âge des SPV est de trente-trois ans ; 11 % sont des femmes avec une moyenne d'âge de trente et un ans ; 80 % sont des non-officiers
Le volontariat a toujours reposé, selon les constatations de la commission, sur un engagement soutenu par une adhésion forte aux grandes valeurs citoyennes : don de soi, altruisme, dévouement pour la communauté, disponibilité, acceptation des risques.
La commission a tenu à réaffirmer clairement la pleine complémentarité des volontaires et des professionnels et à repousser toute autre approche, notamment celle qui ferait des volontaires des supplétifs des professionnels.
Les engagements sont moins durables, les sociologues parlent d'engagement à éclipse ou d'engagement « post-it ». Si le poids de la famille joue assez peu au moment de l'engagement, il devient, au fil des ans et de l'engagement, une véritable contrainte qui pèse lourd au moment du renouvellement de l'engagement.
Le passage de l'alerte par sirène à l'utilisation généralisée du système d'appel par bip individuel a conduit à une perte de visibilité de l'action des pompiers au sein de la population.
La commission a également noté l'importance de l'interpénétration entre le corporatif et l'associatif : la vie associative, les moments vécus en commun sont à encourager de même qu'une culture du volontariat qui doit imprégner l'action du commandement à tous les niveaux. L'étude « Mana-Larès » commanditée par la commission montre en outre que beaucoup de volontaires hésitent à faire connaître leur activité à leur employeur. Or le volume d'intervention des SPV pendant leurs heures de travail est assez faible : quatre-vingts heures au maximum par an. La gêne réside dans les perturbations engendrées par le départ impromptu. La commission note que tout dispositif incitatif est important tant pour l'employeur vis-à-vis du salarié que pour l'employeur lui-même qui souhaite exercer en SPV. La loi sur le mécénat est, pour l'essentiel, considérée comme trop complexe, peu connue et peu incitative. Elle ne s'applique d'ailleurs pas aux chefs d'entreprise eux-mêmes alors que 5 % des SPV sont à la tête d'une petite entreprise. Il apparaît encore que la formation est certainement le secteur qui focalise le plus de critiques de la part des SPV. Enfin, il importe que les autorités fassent preuve de reconnaissance, celle-ci passant avant tout par la prise en compte des problèmes familiaux.
Fort de ces éléments, j'ai déposé une première proposition de loi le 21 décembre 2009 pour mettre en oeuvre les propositions de la commission. Parallèlement, le travail d'approfondissement de la réflexion sur ce sujet s'est poursuivi, aboutissant au dépôt de la présente proposition de loi. Je voudrais saluer l'implication personnelle de M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile et aujourd'hui préfet du Haut-Rhin, qui, outre le fait que je le connais bien puisqu'il a exercé en Lozère, a toujours cherché à apporter une contribution positive dans ce travail.
Ce texte a fait l'objet d'un examen par le Conseil d'État, en application du dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution. Je voudrais ici remercier Jean-Louis Warsmann, président de la commission des lois, pour ses conseils avisés et son soutien.
La proposition de loi a été renvoyée, par le vice-président du Conseil d'État, à la section de l'administration et à la section sociale. En outre, un rapporteur de la section de l'intérieur a examiné l'article 4, qui traite de la responsabilité pénale des sapeurs-pompiers volontaires.
Après trois réunions de travail avec les rapporteurs, la proposition de loi a fait l'objet d'un examen, le 29 mars 2011, par les deux sections réunies. L'assemblée générale du Conseil d'État, qui s'est réunie le 7 avril, a émis un avis favorable à la proposition de loi, au bénéfice d'observations et de suggestions de rédaction. Permettez- moi de saluer le vice-président du Conseil d'État, Jean-Marc Sauvé, ainsi que les conseillers d'État Olivier Dutheillet de Lamothe, Michel Pinault, Yves Robineau, Jacques Biancarelli, ainsi que Bernard Stirn.
J'ai fait figurer, dans le rapport de la commission, ces suggestions ou observations dès lors qu'elles portent sur des articles maintenus dans le champ de la proposition de loi. En effet, au regard des dispositions de l'article 40 de la Constitution, treize articles ont été déclarés irrecevables par le président de la commission des finances, saisi en application de l'article 89, alinéa 4, du règlement. Un autre article a fait l'objet, quant à lui, d'un amendement de suppression de ma part en tant qu'auteur de la proposition.
Je reviendrai, au cours du débat, sur trois articles très importants : les articles 1er, 3 bis et 4. Je souhaite donner, d'ores et déjà, quelques éclairages sur les principales dispositions adoptées par la commission.
L'article 1er tend à définir dans la loi l'activité du sapeur-pompier volontaire en précisant les principes et les valeurs qui fondent l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires.
La rédaction que la commission a retenue précise que l'activité du sapeur-pompier volontaire n'est pas une activité professionnelle et doit être, en conséquence, exclue du champ de la directive européenne 200388CE, dite « directive sur le temps de travail », qui contient des dispositions sur l'obligation de repos quotidien.
L'article 3 bis, que la commission a introduit sur mon initiative, insère dans la loi du 3 mai 1996 six articles définissant la nature de l'engagement du sapeur-pompier volontaire.
L'article 4 précise les critères d'appréciation par le juge pénal de la responsabilité des personnes concourant aux missions de sécurité civile. Le texte adopté par la commission reprend une suggestion de rédaction du Conseil d'État et permettra, notamment, de tenir compte de l'urgence et des informations disponibles lors d'une intervention dans l'appréciation que porteront les juridictions. D'autres articles ont fait l'objet d'un examen attentif de la commission.
À l'article 10 bis, sur proposition du rapporteur et de François Vannson, la commission a levé deux obstacles à l'emploi par les SDIS de pharmaciens comme « pharmaciens de sapeurs-pompiers volontaires ».
De même, le texte comprend un volet destiné à renforcer la loi du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires. Plusieurs recommandations de la commission « Ambition volontariat » sur ce point, déclarées financièrement irrecevables, vous sont soumises après leur réintroduction par le Gouvernement par voie d'amendement. D'autres ne figurent plus dans ce texte, car elles relèvent du règlement ou de la circulaire – je pense en particulier à l'indemnisation du pretium doloris des sapeurs-pompiers. Je souhaite, monsieur le ministre, que ces mesures fassent l'objet d'une parution rapide sous forme de décret.
Enfin, la proposition de loi comporte un volet destiné à favoriser le développement du volontariat en allégeant les contraintes pesant sur les employeurs dont les salariés sont, par ailleurs, sapeurs-pompiers volontaires.
C'est ainsi qu'aux articles 20 et 21, j'ai souhaité un dispositif d'exonération de charges pour les employeurs des zones rurales qui facilitent l'action de leurs salariés qui sont, en outre, sapeurs-pompiers volontaires. Le Gouvernement semble préférer, pour les employeurs privés, le recours au dispositif « mécénat » qui permet aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés d'avoir un crédit d'impôt qui peut être plus intéressant que le dispositif que je proposais.
S'agissant des employeurs publics, je constate que le Gouvernement propose, à l'article 22 bis,que la « quote-part » au financement des SDIS des communes et EPCI ruraux puisse être modulée en fonction des efforts accomplis par eux ou de leur situation. Cela se fera dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales.
De même, toujours à l'article 22 bis, la commission a prévu la possibilité de diminuer la participation financière au service départemental d'incendie et de secours des communes favorisant l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires, et ce même si elles ne sont pas situées en zone rurale.
Au total, la présente proposition de loi, qui pourra utilement être complétée par des amendements du Gouvernement, permettra de mieux définir l'activité des sapeurs-pompiers volontaires pour assurer le développement du volontariat au bénéfice de l'ensemble de la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)