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Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Réunion du 25 mai 2011 à 16h15
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement :

Monsieur le président, mesdames, messieurs, je commencerai si vous le permettez par le dernier point : les décrets d'application de la loi Grenelle 2.

Le chantier réglementaire qui fait suite au Grenelle 2 est particulièrement vaste. Les décrets d'application, dont beaucoup sont interministériels, constituent aujourd'hui la priorité des services de mon ministère. Sur 200 décrets, 135 doivent faire l'objet d'un examen au Conseil d'État, et près de la moitié doit être examiné par la Commission consultative d'évaluation des normes, qui émet un avis sur l'impact financier des textes concernant les collectivités territoriales. À ce volet réglementaire, s'ajoute le processus de concertation propre au Grenelle de l'environnement, avec des consultations de toute nature.

L'objectif que nous nous sommes fixé est de publier les décrets dans un délai de 18 mois à compter de la promulgation de la loi. Cet objectif sera tenu, même si certains décrets risquent de ne pas être totalement aboutis en juillet. À la date du 5 mai, 43 mesures d'application du Grenelle 2 étaient publiées ou sur le point de l'être ; 16 étaient en cours d'examen au Conseil d'État ; 81 étaient rédigées et discutées en interministériel pour arbitrage ; 49 étaient en cours d'écriture ; et 10 apparaissaient soit inutiles, soit prématurées au regard des processus engagés. Entre le 10 et le 25 mai, nous avons validé plus de 25 mesures d'application. Le même rythme de travail – soutenu – sera suivi au cours des deux premières semaines du mois de juin.

Nous essayons de faire ce travail dans la meilleure concertation possible. Votre collègue, Bertrand Pancher, pourra y revenir.

Le processus de concertation est parfois très lourd. En ce qui concerne le projet de décret sur les études d'impact, par exemple, nous avons eu besoin de consulter neuf instances, de procéder à une consultation du public pendant un mois et de tenir des réunions spécifiques. Ce processus est piloté au ministère d'une main ferme par la commissaire générale au développement durable. Nos équipes se tiennent d'ailleurs à votre disposition pour vous apporter les réponses ou les précisions dont vous auriez besoin sur le calendrier d'un décret ou le processus général.

Deuxième point : la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) et le rapport de Mme Geneviève Gaillard.

Je tiens d'abord à remercier votre Commission pour les travaux qu'elle a engagés sur la biodiversité, avec une « mission d'information relative aux enjeux et aux outils d'une politique intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité ». Une cinquantaine d'auditions se sont déroulées dans un temps très restreint. Ce travail est à mes yeux doublement positif, madame la députée. D'abord, parce que vous vous êtes saisie de la question sensible de l'agence de la nature dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, qui demandait la constitution « d'une mission parlementaire sur l'opportunité, la faisabilité, le périmètre, les missions, les moyens, la méthode et le calendrier de création d'une agence de la nature ». Ensuite, parce qu'il a permis dès le 6 avril d'engager une dynamique positive : les 25 propositions de votre rapport ont ainsi enrichi les dernières séances des comités de préparation de la stratégie nationale pour la biodiversité.

S'agissant de l'agence de la nature, des rapprochements sont faits entre la biodiversité et le monde de l'eau, et on rêve un peu vite à une réplication des outils de l'un dans le domaine de l'autre. Or les sujets sont différents. Je ne crois donc pas à une réplication complète. Comme vous l'avez souligné dans votre rapport, madame la députée, l'enthousiasme pour une telle agence est quasi général, mais chacun a son point de vue sur son périmètre et son contenu : pour certains, c'est une agence de connaissances, d'expertises, de recherche ; pour d'autres, une agence de gestion. Ces points de vue sont difficilement conciliables. Je souscris donc à votre conclusion en la matière : « La création de l'agence de la nature ne pourrait être vue, dès lors, que comme l'éventuel point d'aboutissement d'une nouvelle politique du vivant. Aujourd'hui, il nous suffit de prendre appui sur l'existant en le rénovant ».

C'est pourquoi, dans le cadre de la stratégie nationale de la biodiversité, l'État s'est engagé à rénover la gouvernance d'ici à 2013 afin, dans un premier temps, de la rendre plus lisible, et, dans un deuxième temps, d'approfondir la possibilité de la création d'une agence et de préparer l'avenir. Concrètement, nous avons besoin de régler aujourd'hui certains problèmes avant de pouvoir créer une agence.

Sur les 25 propositions, quelques-unes me semblent présenter un intérêt particulier.

D'abord, vous souhaitez que la reconquête de la biodiversité soit affichée comme une priorité nationale. Pour ma part, j'ai bien placé le coeur de la stratégie nationale de la biodiversité sous le signe de la reconquête. La méthode de la stratégie nationale pour la biodiversité implique tous les secteurs d'activité ; l'ambition nationale en la matière concerne non pas seulement l'État, mais toutes les composantes de la nation. Comme nous l'avions d'ailleurs constaté pour la première stratégie nationale de la biodiversité, tous les objectifs ne peuvent être atteints avec le seul engagement de l'État : ceux des collectivités, des particuliers, des associations et des entreprises sont indispensables.

Ensuite, vous souhaitez voir « accélérée la signature du protocole international sur l'accès et le partage des avantages issus de l'utilisation des ressources génétiques de la planète, défini à la Conférence de Nagoya ». Dès le 16 juin prochain, la France, l'Union européenne et d'autres États membres seront en mesure de signer ce protocole.

Vous souhaitez également des avancées dans les compensations sur les atteintes aux écosystèmes. C'est en effet un principe important qui demande à être décliné de manière opérationnelle sur la base d'expertises non discutables. Nous avons lancé à l'automne 2010 un groupe de travail dont j'attends les résultats pour l'automne 2011. À ce sujet, vous proposez la création d'un marché de la compensation en cas d'atteinte aux écosystèmes. En complément de l'initiative de la Caisse des dépôts et consignations sur la plaine de Crau, que nous soutenons, je lancerai très prochainement un appel à candidatures d'opérateurs sur d'autres régions pour progresser en la matière.

D'autres propositions trouvent un écho dans les engagements de l'État sur la SNB. Ainsi, la lutte contre les espèces exotiques envahissantes va se traduire, dès 2011, par des appels à projets, notamment dans les départements et collectivités d'outre-mer où la question se pose de manière plus critique. La lutte contre la surexploitation des espèces devrait trouver à s'appliquer, avant la fin de l'année, à travers un appel à projets pour l'expérimentation d'unités d'exploitation et de gestion concertée des pêcheries ; un projet de loi sera élaboré pour permettre la mise en place de réserves halieutiques. Et d'ici à 2014, la reconnaissance du rôle moteur des collectivités territoriales pour la biodiversité se traduira par une élaboration conjointe avec les régions d'une stratégie nationale de la biodiversité.

J'en viens aux engagements de l'État. J'appelle votre attention sur le lancement, dès 2011, d'une cartographie nationale des habitats à l'échelle 125 000e et sur la poursuite de la cartographie des enjeux de biodiversité dite « remarquable » – faune, flore, habitats. Nous avons besoin de ces outils qui, aujourd'hui, nous font défaut pour avancer. S'agissant des enjeux ultramarins, j'ai répondu en début d'après-midi à une question au Gouvernement sur les fonds marins. Une proposition de votre rapport appelle à un approfondissement de la connaissance des espèces et des écosystèmes ultramarins : elle pourra trouver sa concrétisation dans l'appel à projet de la recherche opérationnelle en outre-mer, que je lancerai prochainement.

Troisième point : le Grenelle de la mer.

En 2009, la France s'est dotée d'une véritable politique maritime intégrée. Autrement dit, elle intègre les enjeux de la biodiversité, l'ensemble des acteurs, les dimensions de développement économique, la problématique de création d'emplois, les énergies marines nouvelles, etc. Ainsi, le Grenelle de la mer peut être un exemple de développement de la stratégie nationale de la biodiversité.

Notre pays est très bien placé en matière maritime – il est le deuxième espace maritime au monde, essentiellement grâce à l'outre-mer – et possède des fleurons de l'industrie maritime, avec la construction navale, le nautisme et les énergies marines renouvelables.

À présent, nous disposons d'une stratégie, dans la ligne du discours du Président de la République de 2009, et d'outils de gouvernance, avec le comité interministériel de la mer, le Livre bleu de décembre 2009 et la mobilisation des acteurs à travers le Grenelle de la mer. Cette stratégie se veut intégrée, c'est-à-dire que les différents regards sur la mer – biodiversité, exploitation des ressources marines, développement de la recherche – ont vocation à se faire écho. Le développement économique touche à la fois à l'industrie traditionnelle et aux énergies marines renouvelables ; il est soutenu par des moyens qui ont été investis dans la formation et la recherche, par exemple à travers les intérêts d'emprunt. Ainsi, l'éolien off shore intègre, en plus de la dimension financière et de celle relative à la création d'emplois, une composante biodiversité : les critères de sélection des entreprises qui auront répondu à l'appel d'offres qui sera lancé début juin en la matière prévoient une prise en compte de l'intégration dans le milieu. De la même manière, les autoroutes de la mer revêtent une dimension environnement, une dimension transports et une composante compétitivité. En outre, le Conseil d'orientation de la recherche et de l'innovation pour la construction et les activités navales (CORICAN), que j'ai mis en place le 17 mai dernier, a pour objet structurer le monde maritime, de l'aider à organiser ses projets, notamment dans le cadre des investissements d'avenir, et de financer des programmes de recherche pour le navire du futur, qui devra être à la fois plus sûr et moins consommateur d'énergie ; ce programme est d'ores et déjà doté d'une centaine de millions d'euros.

Sur l'exploration des fonds marins, un programme en cours à Wallis-et-Futuna sera développé à partir de 2011 pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Le prochain comité interministériel de la mer, qui devrait se tenir le 10 juin, sera l'occasion de mettre en avant une stratégie nationale de mise en valeur des fonds marins – en abordant des sujets aussi divers que les nodules métalliques ou les terres rares.

En 2008, la protection des parcs marins était très en retard sur celle des parcs terrestres. En trois ans, nous avons réussi à créer deux parcs naturels marins. En plus des trois créés en 2011 – Côte Vermeille, estuaires picards, archipel des Glorieuses –, trois seront créés en 2012.

Dernier axe de notre politique : une gouvernance renouvelée. Nous organisons une gouvernance à l'échelle des façades maritimes, en métropole et dans les bassins outre-mer. Concrètement, nous réorganisons l'administration de l'État et créons des conseils maritimes de façade où nous organisons une gestion intégrée de la mer et du littoral.

Au niveau national, le Conseil national de la mer et des littoraux poursuivra les travaux du comité national de suivi du Grenelle de la mer, et assurera le suivi de la politique maritime. Il comprendra 70 membres, dont 35 membres élus et des représentants des mondes professionnel, syndical, associatif. Cet équilibre a été extrêmement difficile à trouver, mais je vous prie de croire qu'il est bon.

J'aurais pu parler du paquet Erika 3 sur la sécurité maritime, qui touche également aux domaines économique et environnemental ; de l'encadrement de la pêche de loisir ; de l'introduction de l'environnement dans la formation de navigant ; du renforcement des conditions réglementaires en matière de rejet en mer des boues de dragage. Mais nous pourrons y revenir dans le cadre des questions.

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