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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 25 mai 2011 à 10h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine, présidente de la mission :

Nous approuverons la publication du rapport. Cependant je tiens à rappeler que, lors de la dernière réunion de la mission d'information, nous nous sommes abstenus sur le fond et ce pour diverses raisons.

La première réside dans les conditions de travail de la mission qui n'ont pas été satisfaisantes. La mission a eu du mal à se mettre en place et à fonctionner. Tout a été fait pour privilégier le groupe de travail spécifique constitué à l'UMP, au détriment du travail collectif au sein de la mission. À l'exception des deux rapporteurs, nous n'avons pas eu la chance d'avoir des débats avec nos collègues du groupe UMP. Si nous ne nous étions pas abstenus, le rapport n'aurait d'ailleurs pas pu être adopté. Au-delà de ces difficultés, j'aurai espéré pourtant un consensus et une prise de conscience partagée.

La deuxième raison pour laquelle nous ne nous retrouvons pas dans ce rapport est qu'il affirme que la politique gouvernementale actuelle est la meilleure réponse possible, envisageable, face au développement des risques psychosociaux dans les entreprises privées ou dans le secteur public.

Le Gouvernement n'a pas fait de cet enjeu une cause nationale. Il a joué la carte de la responsabilisation des entreprises mais sans aucune contrainte en termes d'agenda ou financières. Peu d'entreprises se sont engagées. Un rapport du ministère du travail le rappelle : les entreprises qui se sont lancées dans une démarche de négociation l'ont fait de façon formelle et sans aboutir à de véritables plans d'action. Malgré la médiatisation régulière du sujet, il n'existe donc pas de politique gouvernementale forte.

La troisième raison qui a conduit à nous abstenir est que si il n'y a pas d'impulsion gouvernementale, si aucun débat public national n'est organisé, la tentation de recourir à des mesures législatives va prévaloir. Nous ne pensons pourtant pas que le recours à la loi soit la seule réponse à apporter à la question des risques psychosociaux. Si la loi est pertinente dans certains domaines comme le rôle et les missions des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, il est préférable de recourir à la contractualisation, au dialogue social pour faire prendre conscience que cette question est un sujet majeur. Au Canada, il y a eu un débat national public, un certain nombre de solutions ont pu être apportées et un consensus a émergé sur la nécessité de lutter contre ces troubles et sur le fait que la question devait être traitée au sein des entreprises, au même titre que les questions salariales, l'égalité professionnelle ou la sécurité au travail.

La quatrième raison pour laquelle nous nous sommes abstenus est que, dans ce rapport, tout ce qui renvoie à l'organisation du travail est sous-estimé. Les entreprises elles mêmes sous-estiment ce facteur de risques. On ne peut faire l'impasse sur cet aspect si on veut affirmer le rôle central du travail dans la société, ainsi que le caractère émancipateur pour l'individu, sur le plan personnel ou social, de l'engagement professionnel.

En revanche, nous approuvons la partie de ce rapport consacrée à la formation des « managers ». C'est ainsi que nous n'avons pas voté contre le rapport.

Nous proposons néanmoins des préconisations autour de trois axes : l'amélioration de l'observation, de la prévention et de la réparation des risques psychosociaux.

Sur le premier aspect, si nous disposons d'études et de statistiques sur les troubles, elles sont éparses, contestées et hétérogènes. Il nous parait souhaitable qu'un organisme indépendant soit chargé de l'observation et de l'évaluation. Un observatoire pourrait être créé ou une structure déjà existante pourrait être chargée de coordonner les analyses en toute indépendance. Par ailleurs, plusieurs modèles de questionnaires doivent coexister pour mener les enquêtes internes dans les entreprises pour que le dialogue social puisse s'appuyer sur des données objectives, qui ne puissent pas être contestées.

Nous reconnaissons la nécessité de l'amélioration de la formation des managers. Il est invraisemblable qu'un étudiant puisse terminer son cursus sans avoir reçu aucune formation en matière de santé au travail ou de relations humaines. De même, il est impensable qu'un manager ne reçoive pas de formation continue dans ce domaine durant sa carrière car en quarante ans de vie professionnelle les choses naturellement évoluent. Les entreprises doivent être encouragées à dispenser cette formation par des modes de rémunération différents.

Le dialogue social doit être renforcé. Il doit favoriser la prise en compte des risques psychosociaux par les salariés et par les employeurs notamment au sein du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Mais il est important que de nouvelles structures de dialogue social au niveau territorial ou par branche se mettent en place au sein des petites entreprises où le CHSCT n'existe pas.

Quant à la réparation, il faut faire entrer les risques psychosociaux dans l'obligation générale de sécurité des entreprises qui est une obligation de résultat et non de moyens. Nous proposons de supprimer le seuil d'incapacité de 25 % à partir duquel une maladie est reconnue comme maladie professionnelle en dehors du tableau. Ce seuil est en effet inatteignable et indémontrable.

Les salariés doivent enfin recevoir une indemnisation pour les psychopathologies liées au travail. Un fonds d'indemnisation des salariés devrait être mis en place et alimenté par les entreprises sur le modèle de celui des accidents du travail ou des maladies professionnelles. Ce système inciterait les entreprises à avoir des moyens d'action pour lutter contre les risques psychosociaux.

Pour conclure, même si nous n'avons pas trouvé satisfaisantes les conditions de création et de fonctionnement de la mission, je tiens à souligner que les deux rapporteurs, MM. Jean-Frédéric Poisson et Guy Lefrand ont pleinement joué le jeu.

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