Nous nous sommes interrogés sur la persistance d'une offre illégale résiduelle, dont les pouvoirs publics ne sont pas venus à bout.
Certains sites opérant en France ne sont pas illégaux bien qu'ils ne soient pas titulaires d'un agrément : il s'agit, d'une part, des sites ne permettant pas aux joueurs français de miser de l'argent réel et, d'autre part, des sites d'information de type comparateur. Pour autant, l'offre illégale n'a pas disparu avec l'ouverture du secteur des jeux et des paris en ligne. Le Gouvernement et l'ARJEL l'estiment encore entre 10 % et 15 % du marché total des paris sportifs ou hippiques et du poker en ligne. Ce chiffre doit être majoré si l'on inclut l'ensemble des jeux en ligne, y compris ceux de casino, de grattage et les loteries. Les opérateurs agréés ont, eux, une évaluation moins optimiste – mais assez variable – de la situation : 15 % à 20 % de paris sportifs illégaux selon la Française des jeux, 70 % selon Bwin. Il est donc difficile de se faire une idée précise.
Les moyens de lutte mis en oeuvre paraissent insuffisants. Ainsi, le blocage des sites illégaux par les fournisseurs d'accès, que l'ARJEL peut demander aux tribunaux d'ordonner en vertu de l'article 61, n'est qu'un instrument parmi d'autres. Les « cyberpatrouilleurs » et « cyberdouaniers » mentionnés à l'article 59 manquent de moyens. Le blocage des fonds prévu à l'article 62, qui devait constituer le prolongement indispensable des mesures de police, n'a toujours pas été utilisé.
Tant que les sites illégaux résistent, on peut craindre que l'offre légale, dont la rentabilité resterait insuffisante, soit menacée dans sa pérennité.
Si le bilan de l'année 2010 est conforme aux attentes, les prévisions de croissance du secteur mises en avant par certaines études avant l'ouverture – jusqu'à 20 % par an – se révèlent, avec quelques mois de recul, assez fantaisistes. On observe ainsi, sur le premier trimestre 2011, un très net décrochage du secteur des paris sportifs : – 26,5%. L'érosion des mises et du produit brut des jeux – PBJ – de cette catégorie, qui contraste avec la bonne résistance du pari hippique, s'explique en partie seulement par l'amenuisement de l'effet « Coupe du monde ».
La rentabilité du secteur s'en ressent d'autant que les opérateurs font déjà face à des dépenses de marketing importantes pour prendre des parts de marché et à des contraintes législatives et réglementaires fortes : un cahier des charges à satisfaire dès le dépôt de la demande d'agrément, la remise à zéro des comptes joueurs des anciens opérateurs illégaux et, surtout, le plafonnement du taux de retour aux joueurs. D'autres éléments pèsent également sur le secteur : le champ restreint de l'ouverture – jeux de casino et de loterie restent sous monopole, les types de paris et les variantes de poker autorisés sont limités – ainsi qu'une fiscalité dont le taux est comparativement élevé et l'assiette mal adaptée.
Le modèle de régulation ainsi que les recettes fiscales – 102 millions d'euros pour les seuls jeux et paris en ligne sur le second semestre 2010 – risquent de pâtir à court terme de cette évolution des mises et du PBJ.