Cet argument, que M. Derosier, craignant de susciter notre irritation, a utilisé avec beaucoup de précautions, n'a provoqué que nos sourires, car il est un peu léger.
L'argument, également utilisé par notre collègue Derosier, selon lequel ce projet de loi ne résulterait que de la volonté de régler un unique cas personnel, n'est pas moins léger.
Il existe effectivement une situation, non pas personnelle, mais particulière, dans un département particulier – Éric Raoult en a parfaitement parlé. Mais il n'y a pas que cela ! Au-delà de cette situation particulière, qui mérite tout notre intérêt, d'autres situations particulières du même genre peuvent se présenter, dans lesquelles il serait mieux que nous ne soyons pas confrontés à l'absurde, c'est-à-dire à l'obligation de mettre fin à la carrière d'un grand commis de l'État au moment où, plus que jamais, on a besoin de lui.
Vous l'avez dit, monsieur Derosier, comme pour vous excuser : ce projet de loi est bien bordé. Cet hommage mériterait que vous réfléchissiez à la position que vous prenez aujourd'hui et à votre vote. Oui, il est bien bordé ; des conditions très strictes sont prévues : intérêt du service et limitation dans le temps – qui d'ailleurs n'interdit pas de mettre fin aux fonctions avant les deux ans de l'éventuelle prolongation. Et comment ne pas noter les dérogations qui existent déjà ? Éric Raoult faisait référence aux professeurs d'université ; d'autres encore existent pour de hauts postes juridictionnels comme ceux du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, pour les présidents des autorités administratives indépendantes ; dans quelques très grosses collectivités locales, les directeurs généraux de service peuvent dépasser de dix-huit mois le moment au-delà duquel ils auraient normalement dû prendre leur retraite. N'oublions pas non plus que partout ailleurs, notamment dans le secteur privé, beaucoup de nos concitoyens peuvent continuer à travailler jusqu'à soixante-dix ans – certains ne s'en privent pas, et tant mieux pour leur entreprise.
Ce texte vise donc à étendre un régime certes d'exception, mais utile à la collectivité, aux fonctionnaires nommés à la décision du Gouvernement – dans l'intérêt exclusif, je le répète, du service public.
Cela permet à l'État de s'appuyer quand il le faut, au bon moment, au bon endroit – et l'exemple de la Seine-Saint-Denis n'est certainement pas le plus mauvais – sur les acteurs de la vie publique les plus adaptés à l'exercice d'une mission, sur ceux qui disposent des meilleures compétences et qui sont reconnus comme tels par tous.
Très peu d'emplois seront concernés, mais tout de même un peu plus d'un seul : on peut aujourd'hui estimer qu'une quinzaine au maximum seraient concernés ; pour ceux-là, correspondant à une quinzaine de besoins vitaux de la continuité de l'action publique, il faut tout simplement voter ce texte. Que nos collègues de l'opposition ne saisissent pas cette occasion d'être pragmatiques et d'agir dans le sens de l'intérêt général est un peu dommage. Cela n'empêchera pas le groupe UMP de voter ce texte sage et nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)