Ne soyons pas hypocrites, mes chers collègues, et gardons-nous d'accuser les autres de pratiquer un double langage, comme je l'ai entendu tout à l'heure ! Il n'y a pas, de la part de mes collègues du groupe socialiste et de moi-même, de contestation quant à la nomination de fonctionnaires par décision du Gouvernement. Cela relève du fonctionnement normal de l'exécutif que de désigner les préfets, les ambassadeurs, les recteurs et les autres hauts fonctionnaires dont la fonction consiste à appliquer la politique décidée par le Gouvernement et à représenter le Gouvernement.
Ces fonctionnaires doivent-ils pour autant échapper aux règles générales de la fonction publique et, plus largement, à la loi républicaine ? Existe-t-il pour eux des dispositions anormales au regard de la gestion prévisionnelle des emplois ? Car une bonne administration – ce que l'administration française est réputée être – se doit de mettre en oeuvre une gestion prévisionnelle de ses emplois : elle doit veiller à pourvoir, par une nouvelle nomination, le poste laissé vacant par un fonctionnaire arrivé à la limite de la période où il l'occupait légalement.
Une question vient spontanément à l'esprit : pourquoi deux ans plutôt qu'un an ou trois ans ? On ne voit pas pourquoi cette limite de deux ans devrait s'imposer, si ce n'est pour s'inspirer de ce qui a été fait en matière de retraites. Nous savons tous que les cimetières sont remplis de gens irremplaçables, et même si l'on repousse le départ de certains fonctionnaires, il faudra bien les remplacer à un moment donné ! Dès lors, pourquoi ne pas le faire en respectant les règles de droit existantes ?
J'ai fait allusion à la réforme des retraites de novembre 2010 – à laquelle il est d'ailleurs fait référence dans l'exposé des motifs du projet de loi. En novembre 2010, on savait déjà que la question du maintien en fonction de certains hauts fonctionnaires se poserait. Pourquoi ne l'a-t-on pas réglée à ce moment-là ? Il aurait été possible de prévoir la possibilité pour les hauts fonctionnaires de rester en poste durant deux années supplémentaires dans certaines conditions, ce qui aurait donné lieu à un débat de fond. Je suis sûr, monsieur le secrétaire d'État, que vous saurez nous expliquer pourquoi cela n'a pas été fait.
Par ailleurs, vous savez bien qu'il existe déjà des textes permettant la prolongation des fonctions de certains fonctionnaires, et qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter une nouvelle strate législative au dispositif en vigueur. Ainsi, la loi de décembre 1987 a permis la prolongation de trois mois d'un fonctionnaire ; celle de septembre 1984 a indiqué que cela pouvait se faire à titre intérimaire. On trouve également, dans la jurisprudence, des décisions ayant tranché en faveur de la prolongation. Certaines dispositions permettent à un fonctionnaire de prolonger ses fonctions de dix mois maximum, afin de remplir la période lui permettant de bénéficier d'une pension à taux plein. Enfin, les professeurs, lorsqu'ils atteignent l'âge de la retraite dans le cours d'une année scolaire, peuvent rester en fonction jusqu'au 31 août.