Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi tend à modifier les conditions d'exercice des fonctionnaires nommés dans des emplois « à la décision du Gouvernement », puisqu'il lève la limite d'âge de soixante-cinq ans au-delà de laquelle un fonctionnaire ne peut plus exercer dans son corps d'origine.
Je veux d'emblée affirmer l'opposition de principe des députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche, puisque ceux-ci militent pour le droit à la retraite à soixante ans et à taux plein pour tous.
Cela dit, les arguments mis en avant pour justifier ce projet de loi ne sont pas convaincants. D'abord, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi ne pas avoir introduit les dispositions que vous nous présentez dans le projet de réforme des retraites dont nous avons débattu à l'automne dernier ? Vous comprendrez que nous nous interrogions sur l'inscription précipitée de ce texte, selon la procédure accélérée, dans un calendrier législatif déjà particulièrement chargé, à un an de l'élection présidentielle.
Non, l'argumentation n'est guère convaincante, car la dérogation proposée va largement au-delà de ce qui pourrait être considéré comme nécessaire pour atteindre l'objectif indiqué dans l'exposé des motifs, à savoir « faire face à des situations où l'intéressé dispose de qualités, de compétences et d'une expérience faisant qu'il est difficilement remplaçable, à court terme, dans les fonctions qu'il occupe ».
Au regard des emplois et des situations visés, une prolongation possible de deux ans est évidemment très longue, chacun en conviendra. Ce texte ne va pas, en tout cas, dans le sens d'un rajeunissement ni d'un renouvellement des cadres de la haute fonction publique. Que le Gouvernement soit aujourd'hui contraint de proposer ce projet de loi signifie-t-il que la fonction publique se trouve dans une situation telle, au regard du nombre de ses hauts fonctionnaires, de leur niveau de compétences, de la qualité de leur formation, que le départ à la retraite d'un seul d'entre eux entraînerait une désorganisation réelle du service ? Personne ne peut sérieusement le croire compte tenu de l'excellence de notre fonction publique, unanimement reconnue.
Comme un grand quotidien de l'après-midi en a émis l'hypothèse le 21 avril dernier, l'explication est peut-être que « les hauts fonctionnaires au service du Président de la République et de sa politique ne sont finalement pas aussi nombreux, au point qu'il faille absolument et contre les règles en vigueur prolonger leur affectation ».
Les principes affichés par le Gouvernement pour justifier cette modification de la loi sont manifestement de pure opportunité. J'en veux pour preuve qu'à l'automne 2009, lors de l'épisode malheureux de l'EPAD, l'Élysée s'est opposé à un projet de décret de Matignon qui prévoyait précisément de repousser la limite d'âge au-delà de soixante-cinq ans, afin de permettre au président de l'EPAD de l'époque de conserver sa présidence. Pour les raisons que l'on sait, l'Élysée défendait alors une application stricte de la limite d'âge, ce qui ne l'empêcha pas, quelques mois plus tard, à l'été 2010, d'accepter de repousser cette fois la limite d'âge pour permettre l'accession de son candidat à la présidence du conseil d'administration de la société du Grand Paris.
La question est donc posée : à qui profite ce projet de loi ? L'étude d'impact réalisée par le Gouvernement reconnaît que l'option proposée « n'est susceptible de concerner que quelques unités tout au plus chaque année », soit en théorie, pour l'année 2011, deux préfets, six ambassadeurs et trois recteurs !
En réalité, il est maintenant de notoriété publique que le projet de loi n'a d'autre but que de sauver le préfet Lambert, qui fêtera ses soixante-cinq ans le 5 juin.