La principale difficulté que nous avons rencontrée dans l'application de la règle a concerné la prévisibilité des départs en retraite, même si je souhaite relativiser ce facteur d'incertitude. En effet la principale année sur laquelle nous avons une variation significative par rapport à ce que nous attendions, à savoir l'année 2009, est une année qui était profondément marquée par la crise ce qui, à l'évidence, a influencé les comportements en termes de date de prise de la retraite. Dans un couple biactif, si l'un était fonctionnaire et l'autre rencontrait des difficultés sur le marché privé de l'emploi, on peut très bien imaginer que tel ou tel ait pu souhaiter prolonger de quelques mois sa présence dans les cadres, entraînant une variation de plusieurs milliers d'emplois.
L'imprévisibilité doit d'autant plus être relativisée qu'elle concernait une période particulièrement instable marquée par la réforme des retraites et par l'épisode économique probablement le pire que nous ayons connu depuis la seconde guerre mondiale. Elle ne rend donc pas insoutenable la conduite de la politique décidée. Les départs en retraite ne représentent qu'une partie seulement des départs, même s'ils en constituent une large partie. Je pense à un ministère qui a ainsi un turnover non lié aux départs en retraite très substantiel, ce qui à l'évidence facilite la gestion de la règle du « un sur deux ». L'imprévisibilité relève donc plus d'une difficulté de second ordre – il est vrai irritante – que de l'empêchement. Les chiffres en valeur absolue auxquels sont parvenus les arbitrages rendus sur la base de cette règle du « un sur deux » ont été tenus : le Gouvernement n'a pas modifié le taux de non-remplacement en fonction de la variation du taux de départ en retraite, ce qui est sage ; cela induirait sinon des rattrapages brutaux et relativement dépourvus de sens car l'on ne peut rendre compte de la variation du taux de non-remplacement qu'ex post. Les chiffres arrêtés pour les non-remplacements de départs en retraite sont tout de même pris sur la base de réformes décrites en termes de rendement d'emplois, et il n'y aurait donc pas plus de sens à offrir à un ministère la possibilité de faire moins de suppressions d'emplois qu'à l'obliger à en faire plus alors qu'il est engagé de façon durable dans la conduite d'une réforme, avec des suppressions d'emploi qui correspondent à une logique fonctionnelle qui s'explique quels que soient les départs en retraite. Évidemment, s'il y avait des phénomènes extrêmement brutaux d'accélération ou de décélération, on devrait se reposer la question. Mais j'ai tendance à penser que les années 2009-2010 ont constitué un test de la robustesse de la démarche, et ce d'autant plus qu'il a été assez rude.