Un grand débat a lieu en ce moment en Tunisie, comme nous avons pu encore le constater lors de la dernière interview du Premier ministre. Ces dernières semaines, des frictions se sont produites entre le Gouvernement et la Haute instance présidée par M. Ben Achour autour de l'article 15 du projet de loi visant à préparer les élections, lequel interdit aux anciens membres du parti unique de se présenter. Si la seconde y était favorable, le premier a considéré que c'était abusif parce qu'au-delà des prochaines élections c'est à la réconciliation nationale qu'il faut tendre. Selon le Gouvernement, si l'ancien président, sa famille, certains hauts responsables doivent être exclus d'un tel processus, la généralisation d'une telle interdiction à l'ensemble des membres du parti serait antidémocratique et pourrait même poser des problèmes devant les instances internationales. Les droits de l'homme, en effet, garantissent à tout un chacun le droit de voter et de se présenter aux élections. La durée de cette discussion a donc influé sur le calendrier électoral jusqu'à ce qu'un modus vivendi ait finalement été trouvé mercredi dernier : une liste sera établie par la Haute instance et soumise au Gouvernement, sur laquelle figureront les noms des quelques milliers de personnes exclues.
Certains partis ont en effet demandé le report des élections, arguant de leur impréparation – ni leurs programmes, ni leurs leaders ne sont connus –, mais le Président, le Premier ministre, l'ensemble du Gouvernement ont quant à eux pris des engagements solennels et, au premier chef, celui de ne pas se présenter aux élections et de quitter le pouvoir le 24 juillet. L'alternative devant laquelle nous nous trouvons est donc la suivante : ou le Gouvernement tient parole et les élections se dérouleront – mais sera-ce dans de bonnes conditions ? –, ou les partis politiques parviennent à influencer l'opinion publique de manière à imposer le report d'une consultation jugée ni démocratique, ni fiable, ni transparente. C'est l'avenir de notre pays qui, alors, se décidera et le Gouvernement sera obligé de rester jusqu'au mois d'octobre. Cela dit, il ne faut pas qu'une telle décision soit perçue comme un recul ou un reniement gouvernemental et il convient d'éviter que la situation ne dégénère au point de faire descendre la population dans la rue.
Nous serons donc confrontés à un exercice d'équilibre, mais je suis persuadé que, si la commission électorale commence à travailler, les huit semaines qui nous séparent du 24 juillet suffiront largement pour préparer ce processus électoral. Je suis naturellement optimiste mais je considère que ce peuple, qui a réussi un tel miracle en se débarrassant du joug de l'ancien régime, est également capable de réussir à organiser des élections durant cette brève période.