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Intervention de Catherine Génisson

Réunion du 24 mai 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Génisson :

Le sujet qui semble fondamental dans cette révision de la loi bioéthique est celui de la relation de nos concitoyens à la recherche. C'est vraiment là le coeur du débat, comme l'a très bien rappelé dans son propos le président de la commission spéciale.

Très clairement, si transgression il y a, elle date de 1994. Bien que très respectueuse de l'opinion de certains, qui refusent l'expérimentation sur la cellule embryonnaire – et je ne peux que respecter cette position –, je dois dire que la dérogation ne protège pas. Ce n'est pas la solution. Si l'on est vraiment opposé à la recherche sur la cellule embryonnaire, il faut voter contre la dérogation. Certains amendements, présentés par plusieurs de nos collègues, tendent d'ailleurs à ce but, conformément à l'opinion et à l'engagement de leurs auteurs. Je ne partage évidemment pas cette position, mais je la respecte, même s'il est par ailleurs important que la représentation nationale travaille dans le cadre d'une République laïque.

En 2004, nous avions interdit la recherche sur la cellule embryonnaire et permis la dérogation. Nous avons donc derrière nous six ans d'expérience, au cours desquels des recherches ont pu être effectuées dans d'excellentes conditions, en particulier grâce à la qualité de l'encadrement par l'Agence de la biomédecine. C'est à la lumière de ces six années d'évaluation que je pense pouvoir dire que l'interdiction avec dérogation n'est pas satisfaisante pour ceux qui sont opposés à la recherche sur la cellule embryonnaire.

Celle-ci, au demeurant, peut apporter beaucoup d'informations sur ce que nous sommes et sur nos dysfonctionnements, avant même d'imaginer des avancées thérapeutiques, comme l'a excellemment dit tout à l'heure notre président. Il me semble aujourd'hui tout à fait important de concilier éthique et progrès scientifique et d'avoir un contrat clair avec le monde de la recherche.

On peut me dire que l'interdiction avec dérogation est la même chose que la recherche avec encadrement. Le résultat, certains l'ont dit, peut effectivement être similaire, mais la nature du contrat n'est pas du tout la même. Dans le cas de l'interdiction avec dérogation, nous sommes dans une relation de suspicion par rapport aux chercheurs, que ce soit au niveau national ou international. À l'inverse, dans le cas de l'autorisation avec encadrement – d'ailleurs très strict –, nous sommes dans une relation de confiance avec la recherche.

En ce qui me concerne, je pense que c'est vraiment là le contrat citoyen que nous devons avoir avec nos chercheurs. Cela me semble tout à fait fondamental pour concilier les règles éthiques que nous nous imposons et l'accompagnement du projet scientifique. Mais nous aurons certainement l'occasion d'y revenir dans le cours du débat.

En tout état de cause, il me semble vraiment important d'adopter la position du Sénat, que nous avions soutenue pour notre part en première lecture et qui a d'ailleurs été adoptée lors des travaux de notre commission spéciale en seconde lecture. J'interpelle donc avec force le Gouvernement pour que nous adoptions une position claire par rapport au monde de la recherche, au niveau tant national qu'international. Ce n'est pas du laxisme de notre part : nous voulons, encore une fois, la dignité de la personne humaine et le respect de cette dignité, et nous refusons la marchandisation du corps humain.

Le deuxième sujet que je voulais aborder concerne le don du sang. Tout d'abord, je veux évoquer l'aspect discriminatoire de l'arrêté du 12 janvier 2009 qui exclut les donneurs de sang homosexuels en raison de leur orientation sexuelle, alors qu'aucune raison médicale ne justifie plus cette exclusion.

Le Sénat, en première lecture, a d'ailleurs voté une modification de cet arrêté en prévoyant que « nul ne peut être exclu en dehors de contre-indications médicales ». Mais, sur cet enjeu crucial de discrimination éventuelle, l'incertitude demeure, puisque l'arrêté du 12 janvier 2009 inclurait l'existence de rapports homosexuels entre hommes dans les contre-indications médicales en raison du risque de transmission d'une infection virale. La modification du Sénat ne change donc pas toutes les données du problème. L'amendement présenté par notre collègue Catherine Lemorton vise à clarifier dignement ce débat.

Je voudrais également mettre l'accent sur l'un des amendements que défend le groupe socialiste. La disposition en question est d'ailleurs sollicitée par l'Établissement français du sang. En effet, je rappelle que le don du sang en France respecte des principes éthiques stricts, à savoir le caractère anonyme et gratuit du don. Ce n'est pas le cas dans d'autres pays, y compris en Europe. Au cours du débat, nous proposerons donc que le sang importé dans notre pays respecte ces principes éthiques. C'est très important quand on sait que la commercialisation du sang et de ses dérivés n'est quant à elle pas gratuite, tant s'en faut !

Toujours en ce qui concerne le don du sang, je voudrais aborder la question de la réduction du nombre de centres dits de qualification biologique des dons, c'est-à-dire des lieux où l'on valide la qualité des poches de sang prélevé.

L'Établissement français du sang souhaite diminuer le nombre de ses centres en le faisant passer de quatorze à quatre, ce qui suscite naturellement des inquiétudes quant aux risques potentiels liés à une telle décision. En effet, le transport des tubes de sang est aléatoire. L'hiver dernier, par exemple, il aurait pu être empêché du fait du blocage de toute activité. Cela n'aurait pas de conséquence pour la transfusion d'hématies, mais le problème se pose pour la transfusion de plaquettes. Le passage de quatorze à quatre du nombre de centres risque d'être préjudiciable à la qualité des travaux de l'Établissement français du sang. Il faudra aussi penser au reclassement du personnel, qui est très inquiet de son avenir.

Enfin, l'Établissement français du sang a pris une décision importante : la réduction drastique des lieux et du nombre de prélèvements, en particulier dans les petites communes. Je voudrais rappeler que la France est autosuffisante en matière de prélèvements et de dons du sang, mais que l'on se dépanne d'une région à l'autre ou à l'intérieur d'une même région, et qu'il est très important de respecter le côté militant du donneur de sang, qui peut permettre d'augmenter de façon substantielle le nombre de dons en période de crise. La politique actuelle consistant à limiter le nombre de prélèvements, en particulier dans les petites communes, est très préjudiciable à l'expression de la solidarité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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