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Intervention de Jacqueline Fraysse

Réunion du 24 mai 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

S'agissant de l'autorisation pour les personnes nullipares de donner leurs gamètes et de bénéficier en contrepartie d'un stockage pour elles-mêmes, je ne vous cache pas que cette disposition nous préoccupe. Au reste, les deux chambres parlementaires n'ont pas exprimé le même avis. Si l'on peut comprendre, compte tenu de la pénurie de gamètes et notamment d'ovocytes, les motivations d'une telle disposition, nous pensons néanmoins qu'elle n'apporte pas une bonne réponse à un véritable problème. Certes, les délais d'attente pour obtenir un ovocyte – autour de trois ans – sont trop longs : actuellement, en France, on enregistre 2 000 à 3 000 demandes pour environ 300 donneuses d'ovocytes par an, ce qui nécessite que l'on élargisse le cercle des donneurs.

Il nous semble cependant que, plutôt que d'élargir le cercle aux personnes sans enfant, il serait plus pertinent et plus efficace, compte tenu des risques qu'un tel geste fait courir à ces jeunes femmes, de lancer une grande campagne d'information auprès de celles et ceux qui ont déjà des enfants, et parmi lesquels il se trouverait sans doute nombre de personnes disposées à faire un don pourvu qu'elles en mesurent l'importance. N'oublions pas qu'en vingt-cinq ans, seulement deux campagnes d'information ont été conduites sur ce sujet, la dernière ayant été lancée après l'adoption de la loi de 2004 sur la bioéthique. Nous pourrions sans doute faire beaucoup mieux dans ce domaine et, puisque de grandes campagnes sont organisées dans le cadre du Téléthon, il doit être possible de faire la même chose pour le don de gamètes.

Notons par ailleurs que les progrès réalisés grâce aux nouvelles techniques de conservation enlèvent à l'argument de la jeunesse de la donneuse beaucoup de sa pertinence, la technique de congélation ultrarapide ayant rendu les échecs beaucoup moins fréquents. Pour toutes ces raisons, nous pensons que c'est vers une campagne d'information audacieuse que nous devrions orienter notre démarche pour remédier à la souffrance des couples stériles, plutôt que vers les dons de nullipares et la brèche qu'ouvre dans nos règles éthiques – je pense au principe d'anonymat et de don altruiste – la possibilité de conserver des gamètes pour soi-même.

Enfin, je voudrais aborder un sujet qui, à nos yeux, est sans doute le plus crucial, celui de la recherche. S'agissant des recherches sur les embryons et les cellules souches embryonnaires, nous sommes actuellement dans un régime d'interdiction, avec des dérogations autorisées par l'Agence de biomédecine pour des projets précis et de durée limitée, la plupart des demandes déposées dans ce cadre étant acceptées.

Si ce régime se justifiait, au moins pour certains d'entre nous, par la nécessaire prudence dans le cadre de l'expérimentation décidée lors de l'adoption de la loi de 2004, nous n'en sommes plus là aujourd'hui, justement parce que le recul de toutes ces années nous a permis de mesurer les enjeux et les limites à fixer, et nous sommes désormais en mesure de passer à un système d'autorisation encadrée.

Y renoncer serait grave pour la recherche. Dans une première phase, la recherche n'a pas été trop gênée par le régime auquel elle était soumise, mais, après avoir beaucoup progressé, nous sommes entrés dans une phase d'application plus concrète, que le maintien du régime pénaliserait, notamment en termes d'investissements.

Notre pays risque de se trouver pénalisé au sein de la communauté scientifique internationale. Le Sénat a eu l'intelligence et la sagesse d'adopter le régime d'autorisation encadrée. Il serait vraiment dommage que notre assemblée n'ait pas le courage de prendre la même décision.

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