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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 24 mai 2011 à 15h00
Bioéthique — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Nous sommes là pour en délibérer ; c'est notre rôle de législateur. Mais rien ne nous empêche de dire que certains avis ont été émis, de nous en servir lorsqu'ils peuvent nourrir notre argumentation ou de ne pas les combattre lorsqu'ils ne l'alimentent pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Chacun est à sa place lorsqu'il défend ses idées. Je me suis permis de le faire en commission à propos de la GPA ; je le fais à nouveau aujourd'hui, même si je sais que, dans mon camp, tout le monde n'est pas d'accord. Il est normal que le débat ait lieu, il est sain que des parlementaires le formalisent politiquement, car de nombreuses associations le demandent.

Je le répète, pour ma part, je pense en conscience que ne pas légiférer, c'est laisser prospérer la marchandisation du corps des femmes. En effet, l'interdiction ne résout absolument pas le problème de la marchandisation et de la prolifération internationale de telles pratiques, qui sont condamnables. Les couples qui souhaitent recourir à cette technique continueront donc malheureusement de se rendre à l'étranger afin d'en bénéficier, et leurs enfants nés d'une GPA continueront de venir grossir la masse des sans-papiers juridiquement orphelins.

La loi encadre, la loi protège, surtout les plus faibles. C'est pour cela que nous sommes allés devant les électeurs, c'est pour cela que nous siégeons : pour améliorer et développer l'État de droit, et pour protéger les plus faibles. Sans loi, non seulement les maux ne cessent pas d'exister, mais ils prospèrent.

J'en viens aux hésitations du texte et aux problèmes qu'il ne traite ou ne précise pas assez.

En ce qui concerne la levée de l'anonymat du don de gamètes en faveur des enfants majeurs qui souhaiteraient connaître leurs origines, le texte initial présenté par le Gouvernement constituait, de mon point de vue, un compromis équilibré. Il permettait de lever l'anonymat, sous réserve de l'accord du donneur. Il constituait une étape du processus qui permettra de satisfaire le besoin, qu'éprouvent de plus en plus de personnes, d'associer à la reconnaissance éducative la connaissance de leurs origines biologiques. Il s'agit de répondre à la question qui nous anime tous : « À qui dois-je d'être né ? »

Les pays qui ont abandonné le principe d'anonymat ont décidé d'en finir avec ce vieux modèle, ses dénis et ses mensonges, pour lui substituer une autre idée de l'AMP, considérant qu'il revient au droit de fixer la règle du jeu, afin que chacun puisse désormais assumer sa place et répondre de ses actes. Ce modèle est fondé sur la responsabilité.

Ces pays ne traitent plus le recours au don comme une façon plus ou moins honteuse de faire des enfants ; ils savent valoriser les donneurs et donneuses pour le sens de leur geste, au lieu de les réduire au rôle de fournisseurs anonymes de matériaux pour laboratoires. Ils revendiquent enfin d'avoir su répondre à la détresse des couples en inventant une troisième voie pour devenir parent, entre la procréation et l'adoption : l'engendrement avec tiers donneur. On passe d'une logique de la rivalité à une logique de la complémentarité des rôles et des places. On comprend alors pourquoi ces mêmes pays ouvrent aussi très souvent l'assistance médicale à la procréation aux couples de même sexe : on ne juge la demande de ceux-ci irrecevable qu'aussi longtemps qu'on maquille le recours au don en pseudo-procréation charnelle.

Sur l'accès à l'assistance médicale à la procréation, je salue la disparition dans le texte du critère de durée minimale de vie commune. Mais l'interdiction faite aux couples de femmes d'avoir accès à l'assistance à la procréation médicale est, je crois, une erreur. L'homoparentalité est une réalité, et pourtant elle semble effrayer le Gouvernement et sa majorité. Sur ce point, le projet se trouve en décalage avec la société civile actuelle, qui n'est plus celle de 1994, notamment quant à la reconnaissance des couples de même sexe et au droit de fonder une famille. Il s'agit bien là d'une vision conservatrice de la famille. Nous savons qu'il existe un « tourisme procréatif » pour les couples de lesbiennes ; on parle même de « bébés Thalys ». Nous savons aussi qu'il est possible pour une célibataire d'adopter. Comment justifier, dès lors, le refus d'élargissement de l'aide médicale à la procréation aux couples de lesbiennes et aux femmes seules ?

J'en viens maintenant à la question fondamentale de la recherche sur les cellules souches embryonnaires à partir d'embryons surnuméraires destinés à la destruction. Le glissement de la notion – assez curieuse, d'ailleurs – d'interdiction sauf dérogation au principe d'autorisation sous conditions est un pas insuffisant.

Coupons court à l'hypocrisie ! La recherche génétique doit être autorisée. Nous effacerons alors la sémantique peureuse de l'interdiction sauf dérogation, qui se solde, depuis 2004, par 90 % de suites favorables accordées aux demandes d'autorisation.

La France a la chance de disposer d'un système universitaire de recherche qui nous préserve assez bien des logiques purement économiques.

La liberté de recherche et le respect de la personne humaine ne s'opposent pas, surtout lorsque la perspective ultime du travail scientifique donne corps au droit des malades à espérer un traitement pour les maux dont ils souffrent. Ne privons pas d'espoir ceux qui sont en attente de soins, ceux qui souffrent d'être laissés sans solution.

La science progresse, la famille se transforme, la société change et le simple catalogue de pratiques permises, tolérées, conditionnées ou interdites, ne correspondrait pas à ces bouleversements ? La société a besoin de lois adaptées à son temps, pas d'une pensée figée et conservatrice ! Ce texte n'est pas à la hauteur des attentes, il ne tient pas compte des changements, il ignore des revendications légitimes. Pour toutes ces raisons, je vous invite, chers collègues, à voter la motion de renvoi en commission.

Monsieur le ministre, vous pouvez enfin partir, puisque vous n'attendiez pour cela que la fin de mon intervention – ce dont je vous remercie.

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