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Intervention de Alain Claeys

Réunion du 24 mai 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Claeys, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi bioéthique :

Chacune et chacun d'entre nous a fait preuve d'un très grand sens des responsabilités. Avons-nous, une seule fois, eu un débat sur le respect de la dignité de la personne humaine ? Avons-nous, une seule fois, eu un débat sur les risques de la marchandisation du corps humain ?

Aucun parlementaire n'est acheté par un groupe pharmaceutique, aucun parlementaire n'est sous l'emprise de je ne sais quel groupe de pression. C'est l'honneur du Parlement d'avoir débattu librement.

Permettez-moi d'aller un peu plus loin.

Chacun a une vision propre de l'origine de la vie, qui relève de la sphère privée. Avec le rapporteur, durant la mission d'information, nous avons auditionné des représentants de toutes les grandes religions monothéistes – catholiques, protestants, musulmans, juifs – et de tous les courants philosophiques : chacun a exposé sa conception de l'origine de la vie. En tant que parlementaire, avons-nous à arbitrer entre ces positions, toutes parfaitement respectables ? Rappelons ici que si nous avons l'obligation de nous informer et d'écouter, nous n'avons pas à trancher, nous avons simplement à revenir aux fondements de ce qu'est une loi bioéthique.

Ce qui s'est passé durant la deuxième Guerre mondiale a montré que les expérimentations sur le corps humain pouvaient aboutir aux pires dérives. À Nuremberg, des principes ont été établis, qu'il nous appartient à tous aujourd'hui de respecter. C'est en quelque sorte une charte qui doit nous guider quand nous faisons évoluer, à intervalles réguliers, les lois bioéthiques. Entre nous, ce débat ne se pose donc pas et, quelles que soient les formes qu'il prend à l'extérieur de cet hémicycle, je voudrais qu'il ne vienne pas salir tel ou tel d'entre nous.

Il n'y a pas non plus l'obscurantisme d'un côté et le scientisme de l'autre. C'est une opposition totalement dépassée. Restent néanmoins certains sujets sur lesquels nous avons encore des points de désaccord.

Concernant la procréation médicalement assistée, nous en resterons, très probablement, aujourd'hui à des justifications médicales. Mais, demain, devrons-nous aller plus loin et en faire une réponse à des questions sociétales ? C'est la volonté de certains : mon groupe a ainsi déposé des amendements pour l'ouvrir à des couples de femmes ; d'autres souhaitent aller vers la gestation pour autrui. Ce sont des débats qui sont naturels et importants. Nous avons considéré, majoritairement, que la gestation pour autrui constituait un risque de marchandisation du corps humain. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas pris de décision en ce sens. Mais je respecte totalement ce débat, qui doit être poursuivi et approfondi.

Concernant la trisomie 21 et le diagnostic prénatal, j'engage ceux qui mettent sur la place publique de tels débats à peser leurs mots et à bien réfléchir aux critiques qu'ils formulent. Avons-nous, au détour d'une phrase, eu des mots qui auraient pu être blessants pour les personnes handicapées ? Un député a-t-il, un seul instant, remis en cause l'intégration des personnes handicapées, sujet central dans notre société ? Nous avons, au contraire, abordé ces sujets avec une grande responsabilité, et je souhaite que nous parvenions à un compromis acceptable par tous, corps médical compris.

Concernant la recherche, monsieur le ministre, il n'est pas question de poursuivre je ne sais quel dialogue singulier mais je voudrais, une dernière fois, préciser les choses. Il y a cinq ans, lors de la première lecture du projet de loi sur la bioéthique, la recherche sur les cellules souches embryonnaires a été autorisée pour les embryons surnuméraires. De grandes personnalités de votre formation, dont rappeler le nom n'a pas grande importance, ont voté – je crois, en conscience – en faveur de cette mesure. La deuxième lecture a abouti à ce système compliqué assortissant l'interdiction d'une dérogation et d'un moratoire – mais vous n'y êtes pour rien. Malgré la complexité de ce dispositif et grâce à l'Agence de la biomédecine, il est vrai que des recherches ont pu avoir lieu et être soumises à évaluation. Je peux témoigner ici que ces protocoles de recherche – et je parle sous votre contrôle, monsieur le ministre – ont été obtenus non pas grâce au lobby des laboratoires pharmaceutiques, mais grâce au travail sérieux d'évaluation mené par des spécialistes au sein de l'Agence de la biomédecine

Je vous demande, chers collègues, quelle que soit votre position sur les cellules souches embryonnaires, de ne pas laisser courir des arguments selon lesquels cette recherche serait déterminée par je ne sais quel lobby. C'est intolérable ! C'est insultant pour l'Agence de la biomédecine, insultant pour la recherche et, d'une certaine manière, insultant pour nous-mêmes.

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