Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, M. le ministre vient de vous exposer deux des grandes lignes de ce projet de loi bioéthique et a souligné combien il respectait les valeurs de liberté, de libre arbitre, de respect de l'autonomie de l'individu, de protection des plus fragiles et de la dignité humaine qui fondent notre vivre ensemble. Comme lui, je me félicite que ce projet de loi s'inscrive résolument dans un choix de continuité avec les lois de 1994 et de 2004, et de cohérence avec l'ensemble des dispositions relatives à l'embryon et garantissant sa protection.
Permettez-moi de revenir sur certains aspects de ce projet de loi, qui me paraissent particulièrement importants.
Nous ne pouvons, d'abord, considérer que les embryons surnuméraires ont vocation à entrer dans la recherche, même si nous devons autoriser ces recherches dans certains cas, si leur finalité le justifie, et seulement dans le cadre de dérogations strictes. Je tiens à souligner que le bilan de l'Agence de la biomédecine démontre que ce régime juridique de l'embryon n'a pas pénalisé la recherche française. Il n'y a donc pas de raison d'en changer, surtout si l'on opte pour un régime d'autorisation encadré. Cela peut sembler symbolique mais, dans le domaine si sensible du respect de l'embryon, et donc de la vie humaine dès son commencement, les symboles ont toute leur importance.
Il convient toutefois de veiller à ce que les contraintes imposées ne soient pas excessives et n'empêchent pas, de fait, toute recherche. Certains proposent de distinguer les recherches concernant l'embryon des recherches sur les cellules souches embryonnaires, et de faire bénéficier ces dernières d'un régime d'autorisation. Cette proposition peut paraître séduisante mais, à l'examen, elle n'est ni justifiée ni pertinente.
Elle n'est pas justifiée, parce que le prélèvement de cellules souches embryonnaires aboutit, dans les faits, à détruire l'embryon. On ne peut donc mettre en place ce régime d'autorisation sans remettre en cause la protection due à l'embryon.
Elle n'est pas non plus pertinente, parce qu'elle alimente la défiance vis-à-vis des recherches sur l'embryon in toto. Or certaines de ces recherches, par exemple sur l'embryogenèse, sont porteuses de progrès médicaux décisifs et menées par des équipes renommées.
Au total, il n'y a pas lieu, comme le souligne Xavier Bertrand, de modifier le régime instauré en 2004, car ce régime a permis de concilier le haut degré de protection accordé à l'embryon avec une qualité de recherche internationalement reconnue.
Permettez-moi de revenir sur le transfert post mortem des embryons, qui est une question délicate.
Il convient de supprimer une cause de souffrance individuelle. Il ne s'agit pas de n'importe quelle souffrance. Celle qui est en jeu, c'est de ne plus pouvoir donner la vie, alors même qu'il existait un projet de maternité du vivant du conjoint.
Toute souffrance mérite d'être entendue, accompagnée et soulagée dans la mesure du possible. Cependant, la souffrance ne peut être créatrice de droits. Dans le cas du transfert post mortem, la souffrance de la veuve est à mettre en balance avec celle de l'enfant, délibérément privé de père et condamné à être orphelin. La vocation de la loi doit rester de protéger les plus vulnérables. Il s'agit d'un enjeu particulièrement lourd, que je vous demande de bien peser.
Toujours dans le même esprit – s'assurer que l'enfant bénéficiera d'un foyer stable –, le Gouvernement reste attaché à la notion de n'autoriser l'assistance à la procréation médicale que si une durée de vie commune peut être authentifiée par les futurs parents.
Les dons d'organes ont également fait l'objet d'une réflexion qui a progressivement évolué.
Alors que les techniques chirurgicales et les traitements antirejet ont fait la preuve de leur efficacité, le nombre de greffes n'a que très faiblement augmenté depuis 2004, de 3 900 à 4 600, avec un nombre très réduit et stable de donneurs vivants.
La pratique du don croisé d'organes peut permettre d'augmenter le nombre de greffes, mais tant l'Agence de la biomédecine que le Conseil d'État, dans son rapport d'avril 2009, avaient insisté sur le fait que cette pratique devait être rigoureusement encadrée, dans la mesure où elle rompt le lien direct entre le donneur et le receveur. Il est impératif d'empêcher toute possibilité de pression quelconque sur le donneur.
Le texte de loi présente une avancée significative, car il prévoit la possibilité d'organiser la pratique de dons croisés entre donneurs vivants, en ne réservant donc plus ce type de greffe à la seule parentèle proche, mais en assurant un encadrement renforcé de ce type de prélèvement. Dans ce cadre, et avant d'engager une telle procédure, il paraît important de s'assurer de l'existence d'un lien permanent et stable entre le donneur et le receveur.
Les donneurs vivants ont représenté, en 2009, moins de 8 % des donneurs au total, et constituent en fait un complément aux dons post mortem.Il convient donc de tout faire pour augmenter le nombre de dons post mortem. La procédure est délicate. Elle doit consister à mieux accompagner les équipes hospitalières dans un moment éprouvant pour les proches, afin de développer la confiance à l'égard des dispositifs de greffes d'organes et d'augmenter ainsi les dons, ainsi qu'à renforcer l'information sur le don d'organes.
Pour ce qui concerne le diagnostic prénatal, le projet de loi a évolué dans un sens conforme au souhait du Gouvernement. Le texte adopté par votre commission propose de renforcer l'accompagnement et l'information de la femme enceinte, en particulier lorsqu'une affection particulièrement grave du foetus est suspectée, et de faciliter la qualité du diagnostic prénatal. Ces notions ont fait l'objet de nombreuses discussions et de débats très riches, en raison, notamment, du risque de dérive eugénique. Il s'agit là d'un sujet majeur.
Le projet de texte actuel vise à renforcer l'accompagnement et l'information de la femme enceinte en insistant sur le fait qu'il conviendra de recueillir son consentement écrit, après une information adaptée sur les objectifs, les modalités, les risques et les limites de l'examen de diagnostic prénatal ; en précisant qu'une information documentée lui sera donnée sur les associations de patients présentant des anomalies génétiques, afin de l'informer au mieux sur la maladie et sur les possibilités d'accompagnement dont elle pourrait bénéficier ; en précisant que la femme est libre de ne pas souhaiter les examens de dépistage.
Le projet tel qu'il est rédigé supprime la clause de révision de la loi. S'il faut, bien sûr, exercer toute la vigilance nécessaire à l'égard des avancées biomédicales et apporter des réponses aux nouvelles attentes de la société, une clause de révision périodique n'est pas le seul moyen d'y parvenir.
Réviser les lois de bioéthique tous les cinq ans présente de sérieux inconvénients. Le législateur peut être exposé à un manque de réactivité face à de nouvelles menaces. Tous les ajustements utiles et nécessaires pourraient se trouver différés à l'échéance de la révision. Cela nécessite une procédure lourde qui, dans les faits, aboutit à allonger sensiblement les délais prévus. En outre, nous pourrions encourir le risque de radicaliser les positions des uns et des autres, alors que la bioéthique nécessite, au contraire, de cheminer sereinement vers de justes compromis.
De plus, les lois de bioéthique constituent aujourd'hui un socle juridique abouti et équilibré, comme vient de le rappeler Xavier Bertrand, qui ne nécessite plus de remise en chantier récurrente.
Enfin, le projet de loi prévoit d'organiser une procédure de veille et de suivi, et d'organiser des débats publics autour des questions soulevées, notamment, et probablement, la très délicate question de la recherche sur l'embryon, qui obéit à des critères sociétaux, éthiques, religieux, mais aussi scientifiques. Le Parlement disposera ainsi de tous les éléments d'éclairage pour proposer, le cas échéant, et probablement, des ajustements et des novations, avec toute la fluidité requise.