Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous débattons ce matin d'un sujet très consensuel, qui dépasse les clivages politiques. Véritable outil d'épargne, l'assurance-vie s'est imposée comme le placement préféré des Français. Aujourd'hui, l'encours des 22 millions de contrats souscrits en France s'élève à plus de 1 000 milliards d'euros. Pourtant, une certaine incertitude continue de régner autour de ces contrats, notamment lorsque survient le décès de certains souscripteurs. En effet, une partie non négligeable de cet encours n'est pas redistribuée aux bénéficiaires désignés dans les contrats, car non réclamés, d'où le nom de contrats en déshérence. Selon la Fédération française des sociétés d'assurance, chaque année, de 150 000 à 170 000 contrats seraient en situation de déshérence, ce qui représenterait plus de 1 milliard d'euros en circulation, alors que ces sommes avaient vocation à être reversés aux bénéficiaires des contrats.
Dans son rapport annuel de 2006, le Médiateur de la République a dénoncé cette situation et a proposé d'instaurer une obligation générale d'information et de recherche des bénéficiaires à la charge des assureurs. Je voudrais donc saluer l'initiative et le travail de nos deux collègues, Jean-Michel Fourgous et Yves Censi puisque la présente proposition de loi contribuera à résoudre le problème.
En effet, outre l'obligation générale d'information qui s'impose aux professionnels des assurances, selon l'article L. 132-25 du code des assurances, l'assureur n'a pas, en l'état de notre législation, d'obligation de recherche d'éventuels bénéficiaires d'une assurance-vie dont le souscripteur serait décédé. Si l'assureur de bonne foi n'a pas eu connaissance de la désignation d'un bénéficiaire, il est donc libéré de cette obligation de recherche.
Pour autant, en l'état de notre droit, l'assureur ne peut être soupçonné d'être la cause et l'origine de l'existence de ces contrats en déshérence car il n'a pas de pouvoir d'investigation ni surtout les moyens de savoir si l'assuré est décédé. La Fédération française des sociétés d'assurance a d'ailleurs appelé le législateur à modifier la loi afin de donner à ces compagnies les moyens de connaître les bénéficiaires de ces contrats ou leurs ayants droit.
Le législateur avait déjà tenté de remédier à cette situation. En effet, la loi du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le secteur de l'assurance prévoyait de créer une obligation légale opposable aux assureurs, afin que ceux-ci aient la charge de rechercher les bénéficiaires en cas de décès d'un assuré. Malheureusement, il a été matériellement impossible de mettre en oeuvre cette obligation.
Depuis le 1er mai 2006, l'organisme de recherche des bénéficiaires en cas de décès, baptisé AGIRA, Association pour la gestion des informations sur le risque en assurance, est opérationnel. Ce système permet à toute personne de demander si elle ne serait pas bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie d'une personne décédée. Il est à noter toutefois que sa consultation reste à l'initiative du bénéficiaire éventuel et non de l'assureur.
Le Médiateur de la République a mis en évidence les difficultés découlant du manque d'information à l'égard du bénéficiaire d'une assurance-vie, difficultés très imparfaitement résolues par la mise en place du dispositif AGIRA en mai 2006. Sur les quelques milliers de demandes parvenues à AGIRA et répercutées à l'ensemble des assureurs, les réponses positives n'excéderaient pas quelques centaines. Il existe, note le Médiateur, un frein psychologique à demander à d'éventuels bénéficiaires de faire une telle démarche.
Pour remédier à cette situation, il a été suggéré que les compagnies d'assurance soient tenues d'effectuer une recherche des contrats potentiellement en déshérence, et ce en fonction de différents critères : l'âge du souscripteur, l'absence d'échanges avec ce dernier au cours des années précédentes. En cas de décès avéré, il appartiendrait à la compagnie d'assurance d'informer les bénéficiaires. Si ces derniers ne sont pas dénommés, joignables ou encore en vie, elle devrait alors procéder à une classique recherche d'héritiers. Et ce n'est qu'après avoir franchi ces différentes étapes que le contrat pourrait être déclaré en déshérence.
Actuellement, il n'existe pas d'obligation générale d'information des bénéficiaires à la charge des assureurs. En effet, l'article L. 132-8 du code des assurances, modifié par la loi du 15 décembre 2005, n'impose cette recherche que si les coordonnées du bénéficiaire sont clairement indiquées sur le contrat.
Il est à noter toutefois que de nombreuses sociétés d'assurance ont pris les devants en agissant bien en amont auprès de leurs clients. En effet, nombreux sont les souscripteurs qui désignent des bénéficiaires sans s'assurer de mentionner les données nécessaires à leur recherche future. Il est donc indispensable d'élaborer un cadre juridique précis qui permettrait aux sociétés d'assurance d'effectuer les recherches.
Cette proposition de loi vise à instaurer une meilleure relation de confiance entre les assurés et leurs compagnies d'assurance. Elle contribue à améliorer la recherche des bénéficiaires des contrats d'assurance non réclamés. Elle autorise les assureurs à consulter le répertoire national d'identification des personnes physiques, afin de savoir si le souscripteur est vivant ou non. Elle modifie le code des assurances et y insère un article L. 132-9-3.
Notre collègue Charles de Courson avait, en mars dernier, déposé une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête chargée d'étudier les entraves à la bonne distribution de l'encours des contrats d'assurance-vie. Cette proposition de loi y remédie et rend plus attractif encore l'un des placements préférés des Français, ce dont le groupe du Nouveau Centre se réjouit.
Cette proposition de loi permettra également de mieux évaluer le montant réel des contrats en déshérence, actuellement difficile à déterminer. Elle vient formaliser l'obligation de recherche du bénéficiaire et donne aux sociétés d'assurance la possibilité de se référer aux données du répertoire national d'identification des personnes physiques et aux données relatives au décès des personnes qui y sont inscrites, données indispensables dont les sociétés d'assurance ne disposent pas aujourd'hui.
Vous l'avez dit, monsieur le ministre, l'assurance-vie est un produit qui possède déjà de nombreux atouts : de la souplesse, une fiscalité attractive et la possibilité de sécuriser l'épargne ou de la dynamiser. En votant ce texte, nous accroîtrons encore son attractivité en renforçant la confiance des souscripteurs.
C'est pourquoi le Nouveau Centre apportera sa voix à cette proposition de loi acceptée par le Gouvernement. Et je fais mien le voeu exprimé par notre collègue socialiste, qui espérait qu'une fois adoptée, la loi serait promulguée et appliquée dans les plus brefs délais. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)