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Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 11 octobre 2007 à 9h30
Contrats d'assurance-vie non réclamés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Vidalies :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la proposition de loi visant à permettre la recherche des bénéficiaires de contrats d'assurance-vie non réclamés ou en déshérence constitue une initiative intéressante. Ce n'est pas la première fois que notre assemblée aborde cette question, déjà évoquée lors de l'examen du projet de loi sur la réforme des droits de succession ; aucune des différentes options envisagées – notamment la proposition que je soutenais, visant à la création d'un fichier central – n'avait alors pu s'imposer et nous en étions donc restés au statu quo.

La question des contrats non réclamés n'est pas sans importance si l'on considère le montant des avoirs correspondants. Le chiffre régulièrement avancé par les compagnies d'assurance est de 1 milliard d'euros, mais il est sujet à caution : on peut en effet s'étonner qu'il soit resté inchangé alors que le montant total des avoirs est passé de 500 à 1 000 milliards d'euros. La plupart des observateurs, notamment le Médiateur de la République, estiment que le montant des avoirs non réclamés doit aujourd'hui se situer dans une fourchette comprise entre 2 et 4 milliards d'euros.

L'absence de réclamation peut être due à plusieurs causes, bien connues, qui résultent soit des aléas de la vie, soit de règles spécifiques au contrat d'assurance-vie. En l'état actuel du droit, l'assureur n'est pas toujours informé du décès ou du changement de domicile du souscripteur. Tant que le décès du souscripteur n'est pas avéré, l'assureur a l'interdiction d'informer le bénéficiaire de la stipulation faite à son profit. Comme on le sait, la règle de l'irrévocabilité incite le souscripteur à ne pas informer le bénéficiaire de l'existence d'une stipulation à son nom.

Pour répondre à ce problème, le législateur est déjà intervenu, en tentant dans un premier temps d'améliorer l'information du souscripteur comme du bénéficiaire : la loi de sécurité financière du 1er août 2003 a ainsi instauré l'obligation pour les assureurs d'envoyer chaque année au souscripteur une information relative à l'existence de son contrat. La loi du 15 décembre 2005 a, quant à elle, imposé de faire figurer dans le contrat une information relative aux conséquences de la désignation du bénéficiaire ; elle a par ailleurs précisé, à l'article L. 132-8 du code des assurances, que lorsque l'assureur est informé du décès de l'assuré, il est tenu d'aviser le bénéficiaire de la stipulation faite à son profit si les coordonnées de celui-ci sont portées au contrat. Chacun comprendra que cette mention de l'existence des coordonnées du bénéficiaire limite considérablement la portée de l'obligation mise à la charge des assureurs, et que la suppression de cette mention se trouve aujourd'hui au coeur de notre débat.

En vertu de la même loi du 15 décembre 2005, en particulier de l'article L. 132-9-2 du code des assurances, les fédérations professionnelles ont mis en place un dispositif pour la gestion des informations relatives au risque en assurance. Connu sous le nom d'AGIRA, ce dispositif instaure la possibilité pour toute personne supposant être bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie souscrit par une personne physique d'interroger AGIRA afin de le vérifier – à la condition d'apporter la preuve du décès du souscripteur. Ce système, mis en place avec l'aval des compagnies d'assurance, trouve sa principale limite dans l'ignorance où se trouvent les éventuels bénéficiaires de l'existence d'une stipulation à leur profit, ce qui lui confère un caractère largement aléatoire.

Ce dispositif porte en lui-même ses limites dès lors qu'il ne vise que l'initiative du bénéficiaire potentiel, lequel doit subodorer cette qualité. Or la nature même du contrat d'assurance-vie implique que de nombreux bénéficiaires ignorent totalement cette qualité, et par voie de conséquence, ne se manifesteront jamais.

Dès lors, il n'est pas surprenant que, sur 6 000 demandes étudiées par AGIRA, seuls 625 bénéficiaires aient été retrouvés. Ces résultats sont à comparer avec ceux d'un grand groupe d'assurance qui, par anticipation, d'une certaine façon, a pris l'initiative, au-delà de ses obligations légales de rechercher les souscripteurs ou les bénéficiaires des contrats non réclamés. Sur un premier test portant sur 200 dossiers, il s'est avéré que deux tiers des assurés étaient toujours vivants, pour la plupart en maison de retraite et souvent sous tutelle. On comprend donc que ces personnes ne se soient pas manifestées dans le cadre du dispositif AGIRA. Quant aux gérants de tutelle, ils n'ont pas le réflexe d'effectuer ces démarches. En outre, le groupe d'assurance a affirmé que, sur 500 dossiers supplémentaires soumis à une recherche systématique, 90 % d'entre eux avaient abouti à un résultat positif. Cette comparaison, même en prenant les chiffres avancés avec précaution, montre tout l'intérêt de la proposition de loi.

Saisi par de nombreuses réclamations, le Médiateur de la République a souhaité, dans son rapport annuel déposé début 2007, appeler l'attention du législateur sur la nécessité de prendre des mesures pour résoudre ce problème.

À l'origine, la proposition de loi de nos collègues Jean-Michel Fourgous et Yves Censi ne reprenait qu'une des propositions du Médiateur afin de permettre aux sociétés d'assurance de consulter les données figurant au répertoire national d'identification des personnes physiques et relatives au décès des personnes qui y sont inscrites. Les amendements de notre rapporteur ont amélioré la rédaction du texte et étendu sa portée, en visant aussi la recherche des bénéficiaires. Nous approuvons ces améliorations.

J'avais souligné la portée limitée de la rédaction initiale du texte dès lors qu'elle prévoyait que les sociétés d'assurance avaient le droit de consulter le fichier mais n'avaient aucune obligation de le faire ni d'engager des recherches pour retrouver les bénéficiaires ou les souscripteurs. Nous voulons que les sociétés ne se contentent pas d'avoir accès à ce fichier, il faut aussi qu'elles s'en servent. J'avais indiqué que le groupe socialiste, qui trouvait cette initiative parlementaire intéressante, souhaitait qu'il y ait une sorte d'obligation générale de recherche à la charge des sociétés d'assurance.

Ayant fait part de notre position dès l'ouverture du débat en commission, j'observe que notre approche en a convaincu d'autres et que, grâce à une rédaction habile, c'est un autre amendement qui aboutit au même résultat. N'ayant aucune revendication d'auteur, je me félicite que notre point de vue ait prévalu et qu'à la possibilité de consulter le fichier s'ajoute une obligation générale de moyens. Nous soutiendrons donc cette proposition de loi.

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