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Intervention de Jacqueline Fraysse

Réunion du 23 mai 2011 à 18h00
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Cet article 1er introduit deux éléments importants par rapport à la loi de 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation : les soins en ambulatoire sans consentement et l'intervention du juge des libertés et de la détention.

Les soins en ambulatoire sans consentement posent de nombreuses questions d'ordre médical, pratique et juridique. D'un point de vue médical, et plus encore en psychiatrie, l'absence du consentement est antinomique avec la démarche de soins. Le consentement du malade est à rechercher en permanence, il est la condition d'une amélioration de son état à tel point que l'on pourrait considérer que c'est seulement lorsque le consentement est acquis que les soins en ambulatoire peuvent être envisagés. D'un point de vue pratique, le développement des soins en ambulatoire, sans, mais de préférence avec le consentement du patient, nécessitent toujours un suivi médical dans le cadre des hôpitaux de jour ou des CMP. Or, aujourd'hui, ces structures sont en nombre très insuffisant et celles qui existent peinent à remplir correctement leurs missions, faute de moyens. Commencez par leur donner les moyens de fonctionner avant de leur ajouter des missions.

D'un point de vue juridique, enfin, comment allez-vous contrôler qu'un patient renvoyé chez lui prend bien son traitement ? Tous les patients sont tentés d'interrompre prématurément leur traitement, particulièrement en psychiatrie. Un patient faisant l'objet d'une injonction de soins en ambulatoire, car c'est bien de cela qu'il s'agit, qui aura interrompu son traitement sera-t-il pour cette seule raison interné sans son consentement, sans même que son état se soit aggravé ou qu'il ait troublé l'ordre public ? Une telle disposition, je le répète, pose énormément de problèmes.

Second élément, l'introduction du juge des libertés et de la détention. La France est le dernier pays de l'Union européenne à faire intervenir le juge dans les internements psychiatriques sous contrainte, et c'est peu dire que, pour cette judiciarisation de la psychiatrie, selon l'expression consacrée, le Gouvernement a agi à reculons. Le juge était totalement absent de la première version du projet de loi présenté il y a presque un an et il a fallu la décision du Conseil constitutionnel de décembre dernier pour que le Gouvernement, sous contrainte, se fende d'une lettre rectificative.

En la matière, vous vous êtes vraiment contenté du service minimum. Le Conseil constitutionnel ayant considéré qu'en prévoyant que l'hospitalisation sans consentement peut être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire, la loi de 1990 n'était pas conforme à la Constitution. Vous avez donc fait intervenir le juge, mais surtout pas avant quinze jours d'hospitalisation. Pourquoi ne pas le faire intervenir plus tôt ? Je crains fortement que la raison ne soit ni médicale, ni juridique, mais bassement financière. Vu son état de délabrement, notre justice n'est sans doute pas en mesure de faire face au surplus de travail qu'entraînerait une intervention immédiate du juge.

Voilà où nous conduit votre politique, notamment la révision générale des politiques publiques, qui sacrifie pour des raisons financières des principes fondamentaux comme la liberté individuelle et l'interdiction de la détention arbitraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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