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Intervention de Éric Straumann

Réunion du 11 octobre 2007 à 9h30
Contrats d'assurance-vie non réclamés — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Straumann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le contrat d'assurance sur la vie, associé au votum mortis, a longtemps joui d'une réputation d'immoralité. En 1804, Portalis lui-même reprit la condamnation de cette « loterie funèbre » : « Ces espèces de pactes sur la vie ou la mort d'un homme sont odieux et ils peuvent n'être pas sans danger. La cupidité qui spécule sur les jours d'un citoyen est souvent bien voisine du crime qui peut les abréger. »

Nous n'en sommes plus là et l'assurance-vie est devenue le principal instrument de placement de nos concitoyens. Susceptible de répondre à de nombreuses préoccupations successorales, patrimoniales ou assurantielles, mais aussi souple, rentable et bénéficiant d'un encadrement légal strict, cet instrument offre désormais toutes les garanties pour justifier l'oubli de ce passé sulfureux.

Tout n'est pas satisfaisant pour autant. Faute d'avoir connaissance du décès de l'assuré, faute pour le bénéficiaire de savoir s'il possède précisément cette qualité – il faut en effet rappeler que le souscripteur n'est pas obligé d'informer le bénéficiaire qu'il a désigné –, de nombreux contrats, pour des sommes sans doute non négligeables, ne sont pas réclamés. Ils risquent alors de se retrouver in fine en situation de déshérence. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a prévu que, au bout de trente ans, les fonds concernés viennent abonder le Fonds de réserve des retraites.

Face à cette situation, le législateur n'est pas resté inerte. À l'occasion de l'adoption de la loi du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance, il a renforcé les obligations des assureurs et amélioré l'information du souscripteur au moment de la rédaction des clauses de désignation du bénéficiaire. Ainsi, lorsqu'il a connaissance du décès de l'assuré, l'assureur est désormais tenu d'avertir le bénéficiaire, si les coordonnées de ce dernier figurent au contrat, de la stipulation effectuée à son profit.

Cependant, les coordonnées du bénéficiaire ne sont pas toujours portées au contrat par le souscripteur, soit que ce dernier ne le souhaite pas, soit que l'assureur ne l'y ait pas invité. Il est donc essentiel que le souscripteur ait été informé des conséquences de la désignation des bénéficiaires. C'est ce que prévoit l'article 8 de la loi du 15 décembre 2005, qui précise que le contrat doit comporter une information sur les conséquences de la désignation du ou des bénéficiaires et sur les modalités de cette désignation. Le souscripteur est averti qu'il doit désigner de la façon la plus précise et complète possible le bénéficiaire – nom, prénom, date et lieu de naissance, profession, adresse – et qu'il doit faire connaître à l'assureur tout changement de ces coordonnées en cours de contrat. L'engagement que prend l'assureur d'avertir le bénéficiaire au moment du décès doit également être indiqué dans le contrat. Enfin, l'assureur doit mentionner dans le contrat que si le souscripteur fait connaître au bénéficiaire la stipulation à son profit, la clause risque d'être rendue irrévocable, ce qui interdit tout rachat ultérieur. Cette mention devrait permettre d'attirer l'attention du souscripteur sur l'enjeu de la désignation du bénéficiaire.

Le cas où l'assureur n'est pas informé du décès de l'assuré ou ne connaît pas les coordonnées du bénéficiaire a également été envisagé. Désormais, toute personne peut demander par lettre à un organisme professionnel représentatif si elle est bénéficiaire d'un contrat souscrit par une personne dont elle apporte la preuve du décès. L'organisme représentatif dispose alors de quinze jours pour transmettre la demande aux entreprises agréées pour proposer des contrats d'assurance-vie. Ces dernières ont ensuite un mois pour avertir la personne, dans le cas où il existerait une stipulation à son bénéfice.

Pour répondre à cette obligation légale, les professionnels du secteur se sont regroupés dans une association dénommée AGIRA qui, depuis le 1er mai 2006, répond à toutes les demandes des bénéficiaires potentiels et les transmet aux organismes gestionnaires des contrats. Néanmoins, ce dispositif a permis de dénouer un nombre de contrats relativement faible : sur près de 10 500 demandes, un peu moins de 700 contrats ont été soldés, pour un montant légèrement supérieur à 12 millions d'euros. C'est bien, mais ce n'est pas assez. Il faut pouvoir agir de manière plus volontariste et donner aux professionnels les moyens de faire réellement exécuter les contrats. La commission des lois estime que la proposition de loi de nos collègues est, à cet égard, une voie utile.

Puisque le bénéficiaire ne sait pas nécessairement qu'il a été couché sur un contrat d'assurance-vie, puisque l'assureur ne sait pas nécessairement que le souscripteur d'un contrat est décédé, il faut permettre aux organismes qui gèrent des contrats d'assurance-vie de savoir de manière relativement simple si l'assuré dont elle n'a plus de nouvelles est décédé ou encore en vie. Pour ce faire, l'autoriser à accéder au répertoire national d'identification des personnes physiques géré par l'INSEE paraît de bonne méthode, dès lors que les renseignements qui seront collectés sont strictement nécessaires à la finalité du traitement mis en oeuvre.

Confier cette mission au filtre constitué par les organismes professionnels que sont la Fédération française des sociétés d'assurance, le Groupement des entreprises mutuelles d'assurance et le Centre technique des institutions de prévoyance accroît la garantie du respect de la finalité du fichier. On peut très bien imaginer que cette mission soit confiée à l'association AGIRA, déjà constituée pour répondre aux bénéficiaires potentiels.

La commission des lois a souhaité renforcer l'efficacité du dispositif prévu dans le texte initial de la proposition de loi. Il lui a tout d'abord semblé opportun d'étendre ce dispositif aux mutuelles. En effet, pour un même produit, le contrat d'assurance-vie, il ne semble pas incongru d'imposer les mêmes obligations aux mutuelles et aux sociétés d'assurance. Aux mêmes problèmes, les mêmes réponses. Cette extension concerne non seulement les dispositions de la proposition de loi initiale relative à la recherche des assurés décédés, mais aussi celles, adoptées en 2005, qui visent les seules sociétés d'assurance et leur imposent de rechercher les bénéficiaires.

La commission a également estimé nécessaire d'étendre la possibilité de consulter le fichier de l'INSEE à la recherche d'éventuels bénéficiaires décédés. Cette mesure permettra assurément de faciliter les recherches de bénéficiaires, dans le cas où ceux-ci seraient plusieurs à bénéficier de la stipulation du contrat. Selon la même logique, la commission des lois a accepté tous les amendements qui allaient dans le sens du renforcement des droits de l'assuré et des bénéficiaires.

Enfin, dans la droite ligne des préoccupations qui animent, plus particulièrement depuis le début de cette législature, notre commission des lois, nous entendons limiter la loi à la seule énonciation d'une norme, à l'exclusion des dispositions figurant hors du domaine de la loi, qu'il s'agisse de dispositions non normatives, superfétatoires ou réglementaires. C'est pourquoi je vous propose de supprimer le renvoi au décret simple figurant dans le texte initial de la proposition. En effet, cette disposition n'est pas nécessaire pour qu'un tel décret soit pris et pour que la loi soit effectivement précisée par une disposition réglementaire.

En conclusion, je souhaiterais mettre l'accent sur un problème qui concerne l'économie des contrats d'assurance-vie. Compte tenu des délais dans lesquels les fonds sont mis à disposition du bénéficiaire après la mort de l'assuré, il ne me paraît pas de bonne méthode d'arrêter de faire courir les intérêts au jour du décès. Je vous proposerai donc, à titre personnel, un amendement pour y remédier.

Au bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi à l'unanimité, à l'instar de la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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