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Intervention de Catherine Lemorton

Réunion du 23 mai 2011 à 18h00
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé me pose, et pas seulement à moi, un réel problème d'éthique. Pour moi, le travail législatif en direction des personnes atteintes de troubles psychiatriques devrait être une réflexion de la société sur les moyens médicaux et sociaux à mettre en oeuvre pour leur permettre de vivre au mieux au sein de la cité. Or ce projet de loi semble obéir à une logique différente, logique que l'on retrouve dans de nombreux textes présentés par cette majorité depuis le début de la législature, la logique – que dire, le mythe ! – de la sécurité à garantir face à des individus présentés comme dangereux et coupables. Ce fut le cas avec les lois sur la sécurité intérieure, sur la justice et sur l'immigration, ça l'est à nouveau avec ce projet. D'un point de vue sémantique, le glissement est important entre le texte de 1990 et celui qui nous est présenté aujourd'hui. La personne était «atteinte d'un trouble mental », la voici définie comme « faisant l'objet de soins psychiatriques ». Elle n'est donc plus une personne susceptible de bénéficier de soins à définir lors d'un protocole, mais est considérée comme devant être encadrée dans le cadre d'un programme, car potentiellement dangereuse pour la société. La différence entre protocole et programme, je m'en suis expliquée en commission, est réelle. L'instrumentalisation de faits divers pour justifier la mise à l'index de ces malades est l'outil qu'utilise le Président de la République pour s'assurer le soutien des franges les plus conservatrices, voire radicales, de son électorat, ce qui est un tort, à mon sens. Je l'affirme très solennellement, cette utilisation de la peur et de l'émotion pour tenter de maintenir dans le giron de l'UMP une part de son électorat, est inutile politiquement – comme nous l'avons constaté lors des élections intermédiaires – et surtout irrespectueuse pour le patient et pour son entourage. En effet, comment ne pas s'inquiéter de la notion de « soins ambulatoires sans consentement », complément efficace à la loi HPST, pour pallier le manque de lits et de places dans les hôpitaux psychiatriques ? Le «protocole technique d'assignation à résidence », quant à lui, ne traite à aucun moment du rapport entre le patient, son entourage – famille et amis – et les autorités. Comment associer à un véritable soin le simple contrôle des prises de médicaments à domicile par un infirmier et l'obligation de se rendre aux consultations mensuelles du psychiatre ? Quels seront les moyens mis en oeuvre pour inciter, grâce à un véritable dialogue, les patients à se soigner ? Ces patients ont besoin d'un dialogue au cours d'un colloque réellement singulier, car à chaque malade doit correspondre une réponse. Tout comme certains juges d'application des peines doivent trancher une remise en liberté sans avoir une totale connaissance du dossier psychiatrique d'un individu, parce qu'un médecin n'aura pas tout communiqué par respect du secret médical, les juges des libertés et de la détention – et l'on ne peut que saluer la réelle avancée qu'est l'implication imposée au Gouvernement par le Conseil Constitutionnel – devront-ils exercer leurs prérogatives dans les mêmes conditions ? Ne va-t-on pas se retrouver devant le même type de problème : des juges devront prendre la décision de libérer un interné hospitalisé d'office sans connaître totalement le dossier psychiatrique, le psychiatre respectant le secret professionnel ? Comment proposer un texte qui n'instaure pas un véritable « droit à l'oubli », pour que des informations intimes et délicates ne figurent pas trop longtemps dans un fichier consultable par on ne sait qui ? Je me rappelle les propos de M. Garraud, en première lecture, qui tenait un discours du XIXe siècle. Nous avions, à l'entendre, le sentiment que les traitements mis au point aujourd'hui, notamment les traitements de suivi, cette relation individuelle que noue le psychiatre avec le malade, que toute cette recherche dont vient de parler M. Le Guen n'avait pas évolué et qu'au XXIe siècle, un malade psychiatrique était, quelque part, marqué du sceau de cette maladie pendant toute sa vie. Dix ans, c'est long dans une vie ! Des traitements ont amélioré la santé des patients et ont leur ont permis de réintégrer une vie dans la cité dans des conditions quasi-comparables à ceux qui ne sont pas atteints de troubles psychiatriques. Je regrette les propos alors tenus par M. Garraud, propos apparemment partagés par d'autres membres de la majorité.

Mes chers collègues, vous avouerez que ce texte pose un problème. Déshumanisation, judiciarisation des soins, cette vision de l'aide aux malades atteints de troubles psychiatriques n'est pas la mienne, n'est pas la nôtre.

J'ai participé, vendredi dernier, en présence d'un juge, à une réunion avec du personnel soignant, notamment des psychiatres, de l'hôpital psychiatrique de Toulouse, et j'ai pu me rendre compte de leur déception à l'évocation de votre plan de santé mentale prévu à l'automne prochain, madame la secrétaire d'État. J'ai essayé de présenter ce problème avec objectivité, leur expliquant qu'il y aurait un plan de santé mentale. Je peux vous assurer que leur réaction n'a pas été celle que vous attendiez sans doute. Ils n'espèrent pas un tel plan, mais bel et bien une véritable réforme de la psychiatrie en France, accompagnée d'une véritable volonté politique et des moyens conséquents. « Il s'agira d'un cautère sur une jambe de bois », m'ont-ils répondu !

Mes chers collègues, je terminerai mon propos par une citation du romancier suisse Michel Campiche : « Les deux sciences les plus tristes : la psychiatrie et l'histoire ; l'une étudie les faiblesses de l'individu, l'autre les faiblesses de l'humanité ». C'est bien à l'aune de l'histoire que notre travail de ce soir sera jugé. Alors n'hésitons pas à sereinement venir en aide aux faiblesses de l'individu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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