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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 23 mai 2011 à 18h00
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

Mais ce n'est pas en les braquant, en leur proposant une vision de leur exercice totalement opposée à la pratique qu'ils revendiquent et aux besoins qu'ils identifient pour les patients, que vous allez les conduire à s'impliquer davantage dans l'accompagnement en milieu ouvert de malades psychiatriques parfois assez lourds, qui ne sont pas des personnes simplement confrontées à un mal-être ou à des difficultés passagères.

Madame la secrétaire d'État, votre façon d'aborder le problème me paraît donc paradoxale. Vous expliquez que vous faites une loi attendue par les professionnels de santé, alors que vous allez à l'opposé de ce qu'ils demandent. Nous pourrions comprendre si vous aviez fait le choix des familles contre les professionnels, ce qui n'est pas même le cas. Pourtant, vous affirmez que tel est votre choix. Dans ce cas, madame la secrétaire d'État, il faut choisir : si vous prétendez choisir l'accompagnement des familles plutôt que le soutien ou la réponse aux attentes des professionnels de santé, assumez-le et dites à ces derniers qu'en réalité, la loi que vous présentez n'est pas du tout celle qu'ils attendaient. Mais c'est le discours inverse que vous tenez ! Je suis donc perplexe pour ce qui est des motivations de votre texte puisque vous nous expliquez d'abord qu'il s'agit d'une loi désespérément attendue par les médecins, pour nous dire ensuite que vous avez fait le choix des familles contre les professionnels de santé !

Nous sommes tous d'accord ici pour considérer que seule une loi globale de santé mentale peut avoir un sens. Cette loi est attendue depuis longtemps, elle est absolument nécessaire et elle est la seule qui puisse donner un sens au choix que vous avez fait des soins sans consentement.

Qu'est-ce que votre loi ? Elle met en avant le rôle de la prévention, depuis le plus jeune âge pour certains, et le soutien à la parentalité. Elle décline l'ensemble du processus et de la prise en charge d'un éventuel patient depuis la prévention jusqu'au suivi après un éventuel traitement.

Nous savons bien qu'il faut arrêter de stigmatiser les malades et valoriser les actions faites en milieu ouvert. Nous savons qu'il faut des mesures incitatives, notamment par le biais du conventionnement avec la sécurité sociale, en direction des psychiatres libéraux pour les amener, comme je le disais tout à l'heure, à participer plus largement au service public de la santé mentale et à prendre en charge les patients psychiatriques.

Nous savons tout cela, mais nous le constatons avec ce texte, vous refusez de mettre en place le dispositif dans lequel viendrait s'insérer, le cas échéant, avec des aménagements, du soin sans consentement. Je ne suis ni pessimiste ni optimiste, car ce n'est pas le sujet : mon état d'âme personnel a peu d'importance ! Cela étant, je ne vois pas quand vous pourriez présenter une telle loi : quelle place, en effet, nous laisse le temps politique avant l'élection présidentielle pour porter une loi ambitieuse et forte sur la prévention des maladies psychiatriques, l'accompagnement des malades, la révision des conditions d'hospitalisation, l'étude de ces maladies ? Aucune, et je pense que vous-même, madame la secrétaire d'État, ne pensez pas être en mesure de nous présenter un tel texte. Or c'est de ce texte-là dont nous avons besoin.

Enfin, je ne reviens pas sur la manière dont vous faites jouer un rôle majeur aux préfets ni sur les soixante-douze heures d'observation en établissement avant une décision définitive. Comme cela a été excellemment rappelé, ce délai pourrait être ramené sans difficulté à quarante-huit heures. L'allongement de la période d'enfermement montre bien le signe sous lequel vous entendez placer cette loi. Pour nous, c'est une préoccupation, mais aussi un regret, parce que les malades, et surtout les familles, méritent mieux. D'un côté, nombre de familles ne parviennent pas à obtenir des soins ou l'hospitalisation pour des patients confrontés à une crise ; de l'autre, on observe parfois la tentation de contraindre des patients qui, n'en ont peut-être pas besoin : ce paradoxe-là n'est pas résolu par votre texte.

Ce sera une déception, une de plus, car, sur un tel texte, nous aurions pu arriver à un consensus politique transpartisan. Mais vous n'êtes même pas arrivée, madame la secrétaire d'État, à obtenir le consensus au sein de vos propres rangs. Il était donc illusoire d'imaginer y parvenir avec l'opposition ! Je le regrette, mais une fois de plus, ce sont les patients qui vont trinquer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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