L'enfermement sécurisé et les chambres d'isolement seront-ils, faute de personnels suffisants, l'avenir des hôpitaux psychiatriques ? En fait d'avenir, cela ressemblerait fort à un préoccupant retour en arrière.
Enfin, ce texte est inapplicable parce que la notion même de soins en ambulatoire sans consentement, qui en est le pivot, pose d'insolubles problèmes aussi bien en termes thérapeutiques qu'en termes judiciaires.
Peut-on imposer un traitement psychiatrique, sauf à le réduire à un traitement médicamenteux et à abandonner la psychothérapie, qui est pourtant la base de la psychiatrie? Peut-on, légalement, forcer un individu libre à se soigner, qui plus est dans l'intimité de son domicile ? Comment le suivi du traitement en ambulatoire sera-t-il contrôlé, sachant que la tentation d'arrêter son traitement est un trait commun à tous les patients, et pas seulement à ceux qui souffrent de troubles psychiatriques ? L'arrêt du traitement signifiera-t-il le retour à l'internement ? Cela conduirait à une situation juridiquement très bancale, puisque cette privation de liberté serait motivée non pas par des faits objectifs, par la détérioration de l'état de santé du patient, par un comportement délictueux ou dangereux, par des troubles à l'ordre public, ni même par des menaces avérées de tels comportements, mais uniquement par le fait de n'avoir pas pris ses pilules ; c'est un peu court pour justifier une privation de liberté, c'est même tellement peu convaincant que cela peut s'assimiler à de la détention arbitraire.
Troisième raison pour laquelle nous nous y opposons, ce texte n'aborde qu'un aspect de la psychiatrie, celui des soins sans consentement, qui ne concernent que 12 % des patients. Or, ce dont la psychiatrie a besoin dans notre pays, comme d'un préalable qui rende applicables ces dispositions sur les soins sans consentement, c'est avant tout d'une grande loi de santé mentale faisant l'objet d'une large concertation et d'un débat dans cet hémicycle, non pas d'un simple plan de santé mentale concocté dans le secret des cabinets ministériels.
Par ailleurs, on peut raisonnablement s'inquiéter, à la suite des propos que vous tîntes la semaine dernière en commission, du contenu à venir de ce plan de santé mentale. Vous avez effectivement déclaré, madame la secrétaire d'État, que vous n'envisagiez pas une grande loi de santé mentale parce que vous ne sauriez pas quoi y faire figurer. Si nous prenons acte de l'ignorance du Gouvernement, nous ne saurions accepter que vous y associiez les professionnels. Selon vous, ils n'auraient, eux non plus, aucune proposition à formuler. Comment peut-on aujourd'hui prétendre cela ? N'avez-vous donc pas lu, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs de la majorité, les rapports d'Hélène Strohl, d'Édouard Couty et d'Alain Milon que nous avons cités lors de l'examen de ce texte en première lecture ?