Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 23 mai 2011 à 18h00
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, si ce projet de loi a été amélioré en première lecture, aussi bien dans cet hémicycle qu'au Sénat, il n'en demeure pas moins un très mauvais texte.

Des députés comme des sénateurs n'ont pourtant pas ménagé leurs efforts, mais ils se sont heurtés à l'obstination du Gouvernement qui n'a permis que quelques modifications à la marge.

Nous avons notamment obtenu l'obligation pour le directeur de l'établissement d'informer le patient sur l'évolution de sa prise en charge, ce qui pourrait sembler aller de soi mais ne figurait pas dans la version initiale du texte.

Nous sommes également parvenus à faire adopter l'organisation par l'agence régionale de santé d'un dispositif de réponse aux urgences psychiatriques et l'introduction d'un « droit à l'oubli» pour les personnes reconnues pénalement irresponsables ou ayant séjourné en unités pour malades difficiles.

Après un épisode inédit à la commission des affaires sociales du Sénat, qui n'a pas approuvé le texte qu'elle avait profondément amendé, le Sénat n'a pu également procéder qu'à quelques améliorations marginales. Ainsi, la formule « sans son consentement » a systématiquement été remplacée par la formule : « auxquels la personne n'est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux ». Le délai au-delà duquel s'exerce le droit à l'oubli a été fixé à dix ans et le contentieux en matière d'hospitalisation sous contrainte – jusqu'alors éclaté entre le juge administratif, compétent pour examiner la seule régularité de la procédure d'admission en soins, et le juge judiciaire, compétent pour statuer sur le bien-fondé de la mesure d'hospitalisation sous contrainte – sera d'ici à 2013 unifiée sous l'égide du juge judiciaire.

Si nous ne mésestimons pas ces avancées, elles ne suffisent évidemment pas à modifier notre opinion générale négative sur ce texte ; elle ne tient effectivement pas à quelques aspects de son contenu, elle tient à son essence même.

Tout d'abord, je considère toujours qu'il s'agit d'un texte plus sécuritaire que sanitaire. Comment pourrait-il en être autrement, puisqu'il s'inscrit dans la suite de la circulaire des ministères de l'intérieur et de la santé du 11 janvier 2010 relative aux sorties d'essai des patients hospitalisés sous contrainte, qui demande aux préfets d'« apprécier les éventuelles conséquences en termes d'ordre et de sécurité publics » avant d'autoriser ces sorties ?

Cet aspect sécuritaire transparaît dans le fait que ce projet de loi accorde toujours une place prépondérante au préfet, et ce malgré la décision du Conseil constitutionnel dont il devait être la transcription. Certes, il y a bien eu judiciarisation, mais a minima, en quelque sorte sous contrainte, puisque le juge des libertés et de la détention n'intervient qu'à la marge, seulement au bout de quinze jours d'hospitalisation. C'est toujours le préfet qui décide de l'hospitalisation et du protocole de soins, qui peut s'opposer à l'arrêt des soins sans consentement, qui peut transformer les soins ambulatoires en hospitalisation et vice versa, et qui donne son aval aux sorties de courte durée.

Notre opposition à ce texte se fonde également sur le fait qu'il est inapplicable en raison de l'état dans lequel se trouve la psychiatrie de secteur. Aujourd'hui, de trop nombreux secteurs psychiatriques manquent de tout : de psychiatres, de psychologues, d'infirmiers. Comment pourront-ils suivre demain les patients faisant l'objet de soins sans consentement en ambulatoire, alors qu'ils ne parviennent déjà pas à suivre les patients qui consentent à se soigner ? Je connais très bien cette situation dans mon département des Hauts-de-Seine.

Il est inapplicable du fait de l'état de nos hôpitaux publics que vous ne cessez de fragiliser. Les obligations administratives et les nombreux certificats médicaux qu'impliquera cette loi incomberont ainsi à des médecins déjà débordés. Or je n'ai pas cru entendre que ce gouvernement envisageait d'augmenter les effectifs du personnel des hôpitaux.

Au Sénat, vous avez, madame la secrétaire d'État, balayé cet argument en affirmant que les députés avaient voté un objectif national des dépenses d'assurance maladie hospitalier en progression de deux milliards d'euros. La belle affaire ! La Fédération hospitalière de France, dirigée par notre collègue Jean Leonetti, a fait remarquer que la progression de l'ONDAM ne suivait même pas l'augmentation naturelle des charges des hôpitaux, liée à la hausse statutaire des salaires dans la fonction publique hospitalière, à la hausse du prix de l'énergie et à la hausse de quelques coûts de fonctionnement.

Surtout, quand le Gouvernement alloue des moyens supplémentaires aux hôpitaux psychiatriques, c'est principalement pour mettre des barreaux aux fenêtres.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion