Il faut donc muscler les activités. Trop peu de personnels travaillent sur cette question. Je veux leur rendre ici un hommage particulier, qui sera, je crois, unanime, car ils exercent dans des conditions difficiles et font souvent des prouesses pour des malades qui sont tout sauf faciles.
Fait plus grave, qui m'avait été signalé et que j'avais moi-même constaté dans les hôpitaux psychiatriques que je suis amené à fréquenter quasiment toutes les semaines : des contraintes matérielles obligent nombre de services hospitaliers, même quand il y a des personnes volontaires – « en placement libre », comme on disait autrefois –, c'est-à-dire des personnes qui sont rentrées à l'hôpital de leur plein gré, à être clos. Ces personnes, qui sont des malades comme les autres, même si leur pathologie est un peu particulière, souhaiteraient profiter du parc et faire des sorties. Mais, comme la tradition médicale de notre pays – qui, en cela, me paraît juste – tend à mélanger non seulement les malades en placement libre et les malades se trouvant en hospitalisation sous contrainte, mais également toutes les pathologies – il n'y a pas de services par maladie, les schizophrènes dans un pavillon spécial, les déprimés dans un autre, les paranoïaques dans un autre encore –, du coup, on est obligé de tout boucler, en gardant généralement une cour de promenade. Les malades en placement libre pâtissent, ce qui est pour le moins paradoxal, de cette situation. C'est pourquoi nous souhaitons vivement que ces questions soient examinées de près et que les conditions de vie des malades soient vérifiées par le juge des libertés et de la détention – JLD – quand il viendra le quinzième jour ou le sixième mois.
De ce point de vue, j'espère que les assurances que nous a données le ministre de la justice sur le nombre de recrutements se concrétiseront. J'ai personnellement des doutes à ce sujet. Mais si tel n'était pas le cas, ce serait extrêmement dommageable.
Je souhaite vivement – je le dis solennellement – que le maximum de malades puissent être vus par le JLD, y compris par le biais de la vidéoconférence ou de la visioconférence – nous avons quelques points de désaccord à ce sujet mais ils ne sont pas essentiels.
Je sais que cela n'est pas facile. Il faut organiser des transports de malades jusqu'au tribunal d'instance, les autres solutions se heurtant à de nombreux obstacles.
En tout cas, je ne voudrais pas qu'il n'y ait que les seuls malades volontaires qui soient amenés devant le JLD et que le cas des autres soit étudié uniquement sur dossier, sans présence physique des personnes concernées, avec un avocat, commis d'office ou volontaire, qui ferait défiler quinze dossiers en deux heures. Cette possibilité est évoquée par certains tribunaux de grande instance débordés. Or ce serait la pire des choses et, assurément, un détournement total de l'esprit de la loi que vous nous proposez.
Enfin, permettez à un élu parisien, madame la secrétaire d'État, de vous demander de faire diligence, après l'adoption de ce texte, pour que le fameux article 8 ter prévoyant la remise d'un rapport au Parlement sur le statut et les modalités de fonctionnement de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police – I3P – soit appliqué. Sans remettre en cause la qualité professionnelle des équipes médicales, le département de Paris ne peut conserver cette exception aux règles constitutionnelles qui place un lieu de soins sous la coupe de l'institution policière, ce qui est quand même assez étonnant et ne nous apparente guère à une démocratie moderne.
En conclusion, l'imprécision de nombreuses mesures de ce projet de loi, l'introduction de notions aussi étrangères à l'humanisme médical et à la pratique psychiatrique française que le soin sans consentement, l'absence de réponses aux difficultés d'exercice psychiatrique nous conduisent à nous méfier et à demander le rejet du texte.
Il est encore temps, madame la secrétaire d'État, de revoir cette copie. Les 600 000 personnes qui rentrent, chaque année, pour un séjour en hôpital psychiatrique et les 72 000 personnes hospitalisées sans leur consentement méritent plus qu'une série de mesures. Ils ont besoin, nous l'avons tous reconnu à un moment ou à un autre, lors de l'examen du texte en première lecture, d'une véritable loi de santé mentale. Celle-ci manque cruellement, pour le plus grand dommage des malades et de leurs familles.