À juste titre, les parlementaires de tous les groupes et de tous les territoires, proches du terrain, soulignent les difficultés de mise en place d'un dispositif cohérent et efficace de réponse aux urgences psychiatriques. Les médecins, les familles et les patients – j'oublie à dessein les adolescents dont nous avons décidé de ne pas parler dans ce texte – se plaignent des urgences actuelles.
Par le biais d'un amendement, nous avons obtenu que l'ARS organise un dispositif efficace afin d'apporter enfin aux malades et à leurs familles de la lisibilité au circuit de l'urgence psychiatrique.
Monsieur le rapporteur, nous avons assisté tous les deux à de nombreuses réunions avec des élus locaux qui nous disaient leur désarroi, leur angoisse et leur crainte d'avoir à gérer ce type d'événements en pleine nuit, ou un 15 août ou pendant un week-end, en ces moments de vacances où le dispositif est un peu évanescent et où surviennent toujours les problèmes.
Les élus vivent dans l'angoisse de ne pas bien gérer de telles situations alors qu'ils voudraient s'impliquer dans ce dispositif d'urgence. Il faut donner des outils financiers mais aussi imposer des obligations car nous savons que parfois tout le monde se défile : le commissariat refuse d'envoyer des agents ; la gendarmerie dit qu'elle n'est pas concernée ; les pompiers expliquent qu'ils sont débordés par des urgences avec des victimes. Finalement, restent les familles qui essaient maladroitement de convaincre un proche d'aller à l'hôpital, ce qui est souvent très pénible.
Cet exemple montre ce qui manque à la prise en charge des malades : des moyens toujours promis – nous attendons le plan de santé mentale de l'automne, madame la secrétaire d'État – mais trop rarement donnés pour la psychiatrie publique dans ce pays.
De ce point de vue, ce texte est bien loin de l'attente légitime des professionnels de la santé mentale, des patients, de leurs familles. Il ne traite la question de la psychiatrie que par un petit bout de la lorgnette : il concerne certes 72 000 personnes par an, mais ce chiffre reste modeste comparé aux 600 000 patients qui passent tous les ans dans les hôpitaux psychiatriques ou les services de psychiatrie des hôpitaux généraux.
Ces 600 000 concitoyens y font d'ailleurs des séjours de plus en plus courts parce qu'il faut libérer des lits. Prenons un exemple qui sera peut-être cité para d'autres collègues : l'hôpital Paul Guiraud de Villejuif, très gros établissement desservant tout le Val-de-Marne et la partie sud des Hauts-de-Seine, refuse plusieurs centaines de malades tous les ans faute de place ; il y a soixante personnes en liste d'attente pour l'une des soixante-dix places de l'UMD. Dans ce dernier cas, ce sont des malades adressés par la justice, l'administration pénitentiaire ou d'autres hôpitaux où ils ont eu un problème. Soixante personnes sont en liste d'attente à l'UMD de Villejuif !
Il est très difficile de faire de la psychiatrie publique dans ces conditions, comme le constate un observateur non spécialisé mais au regard très aigu : le contrôleur général des lieux de privations de liberté. Dans son rapport de 2010, consacré en partie à la situation des hôpitaux psychiatriques, il signale les insuffisances d'effectifs tant dans les services de psychiatrie des hôpitaux généraux que dans les établissements spécialisés, comme par exemple la vacance de 800 postes de psychiatres dans les hôpitaux publics qui s'ajoutent aux difficultés de prise en charge des malades.
Tout ce qui nécessite plus de personnel, comme une sortie collective accompagnée, des repas pris entre les malades et les soignants, tous ces progrès essentiels des cinquante dernières années, qui sont devenus partie intégrante du mode de vie et du mode de soins dans les services psychiatriques – j'allais dire du secteur psychiatrique à la française –, sont remis en cause dès lors qu'il y a une dégradation du rapport entre le nombre d'agents et le nombre de patients. Cela ne permet plus de dégager les effectifs nécessaires.
Faute d'un personnel suffisant pour accompagner les patients dans des activités, comme l'ergothérapie, on observe davantage de contention et de maintien des malades dans leur chambre et une administration plus massive de médicaments. Il y a également moins de monde dans les bibliothèques des hôpitaux, et même dans les cafétérias. Or, dans un hôpital où les malades n'ont rien à faire de toute la journée, la lecture et la télévision étant très vite fatigantes étant donné leur traitement, les moments de socialisation sont suffisamment rares pour ne pas être désertés par manque de personnel.
Dans son rapport, M. Delarue note que même les visites et les contacts avec les familles sont rendus plus problématiques alors que nous savons tous qu'ils sont essentiels.
Tous ceux d'entre vous, mes chers collègues, qui avez visité des hôpitaux psychiatriques, vous êtes rendu compte que les malades s'y ennuient.