Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Serge Blisko

Réunion du 23 mai 2011 à 18h00
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lever les obstacles à l'accès aux soins, simplifier et sécuriser le dispositif d'hospitalisation sur demande d'un tiers, permettre à plus de patients d'être mieux pris en charge, mieux encadrer le dispositif de sortie, garantir encore davantage les droits des malades, comment ne pas être d'accord avec ces bonnes intentions, maintes fois affichées, tant par le Gouvernement que par vous, monsieur le rapporteur ? Hélas ! il y a un fossé considérable entre ces bonnes idées et la réalité du texte qui nous est soumis aujourd'hui.

J'insiste sur le fait que ce texte a vécu un parcours parlementaire étonnant, créant au sein de la Haute Assemblée – vous l'avez pudiquement rappelé, monsieur Lefrand – un psychodrame. En effet, la commission des affaires sociales du Sénat, après avoir travaillé très sérieusement, n'a pas voté le texte issu de ses travaux, entraînant de ce fait un changement de rapporteur – un changement effectué dans la mauvaise humeur, ai-je cru comprendre –, donc du coup un travail bâclé, moins approfondi et plus proche des voeux du Gouvernement. C'est ce texte sur lequel a travaillé notre commission des affaires sociales la semaine dernière.

La commission des affaires sociales du Sénat, lorsque sa rapporteure était encore Mme Dini, avait rejeté la notion de soins ambulatoires sous contrainte. Cette commission s'était beaucoup interrogée sur la possibilité de soigner sans consentement, et avait conclu négativement sur ce point. Comment peut-on obliger quelqu'un à se soigner ? C'est une question essentielle, une question philosophique. À côté de la tradition médicale française, il y a d'autres voies choisies en Europe, où on ne contraint pas, ou alors on contraint à l'hospitalisation mais sans aller jusqu'au stade des soins.

Examinons la situation telle qu'elle existe en France depuis près de deux cents ans. Le soin ambulatoire sans consentement est une mesure qui pose problème. La commission des affaires sociales l'a rétablie, mais vous venez de nous dire, monsieur le rapporteur, que vous allez défendre des amendements qui visent à gommer la formulation « sans consentement » quand elle est apparue superfétatoire suite à nos travaux. Nous nous réjouissons de cette correction sémantique et linguistique, mais nous aurions aimé une autre philosophie du soin sans consentement que celle que vous proposez. Vous savez d'ailleurs que la vôtre a suscité le rejet de nombreux professionnels de la psychiatrie.

Madame la secrétaire d'État, vous avez déclaré que le psychiatre est au centre de ce texte, mais s'il est aussi au centre de l'opposition, au centre du refus et de la contestation, comment comptez-vous en pratique arriver à faire vivre cette loi, alors que nos hôpitaux sont déjà bien en peine, du fait de leurs dotations budgétaires et en personnels ? Comment allez-vous faire pour inculquer une nouvelle culture médicale ? Je la crois nécessaire, mais ce n'est pas gagné d'avance...

Ne vous méprenez pas sur le sens de mes propos. Nous savons tous que le refus des soins fait souvent partie de la pathologie de ces malades. La dénégation des symptômes les protège de l'angoisse. « Je ne suis pas fou, je suis vraiment menacé, c'est la réalité ! » vous disent-ils. Ce déni les empêche d'avoir ce doute envers eux-mêmes qu'il faut précisément créer en leur disant : et si ce n'était pas possible, et si c'était une autre voix, alors il faudrait vous soigner. C'est à partir de là que le dialogue pourrait s'établir.

Je ne vais pas simuler une consultation ici. C'est extrêmement difficile et nous savons qu'il faut de nombreuses années aux professionnels, infirmiers, médecins et spécialistes, pour arriver à ce résultat. Cette forme de dénégation est fréquente, particulièrement dans les maladies les plus lourdes. Si un déprimé connaît son état, un paranoïaque aura beaucoup de mal à admettre que le danger est totalement imaginaire ou inventé.

Les soignants doivent se montrer convaincants et leurs efforts peuvent parfois aboutir temporairement à une contrainte, voire à une contention que l'on espère la plus rare possible mais qui a tendance à augmenter par manque de moyens en matériel et surtout en êtres humains dans nos hôpitaux psychiatriques.

La motion de rejet préalable que j'ai l'honneur de défendre au nom du groupe SRC est justement fondée sur le respect de la liberté des patients. Selon l'article L.1110-2 du code de la santé publique « La personne malade a droit au respect de sa dignité. » L'article 3211-3 du même code dispose : « En toutes circonstances, la dignité de la personne hospitalisée doit être respectée et sa réinsertion recherchée. »

Attenter à la liberté d'une personne malade ne va pas de soi. C'est pourquoi, depuis 1838, les procédures d'admission dans un lieu de soins psychiatriques sont si précises et si contrôlées, même si ce n'est pas encore suffisant. Depuis 1838, tous les législateurs qui se sont penchés sur la question ont eu une obsession : faire en sorte que les restrictions à la liberté d'aller et de vernir qui peuvent être imposées à des gens dans un lieu de soins soient prises à cause de l'état de santé de ces personnes et non pas pour d'autres mauvaises raisons. Je vous renvoie à Balzac et à 1838, le moment le plus extraordinaire à cet égard.

Il y a toujours eu un double mouvement : assurer la préservation de la santé voire la guérison de la personne ; mais aussi lui laisser la possibilité de contester la mesure de privation de liberté, ce qui est particulièrement important en cas d'hospitalisation sans consentement.

Il faut assurer des soins aux personnes qui arrivent à l'hôpital psychiatrique ou aux urgences d'un hôpital général car le malade n'est pas forcément en crise à côté d'un établissement spécialisé. Malheureusement, dirai-je, car seuls de bons professionnels peuvent comprendre ce qu'est un état de crise, or il n'y en a pas de bons spécialistes dans tous les hôpitaux généraux de notre territoire.

Il faut aussi leur indiquer toutes les voies de recours possible, et je suis moins sûr de la validité du texte sur ce point. Je crains que dans le service d'accueil des urgences, ce ne soit pas la partie la plus fréquemment exposée, M. Jean-Marie Delarue y insistait dans son rapport d'il y a quelques semaines. C'est un vrai problème de culture médicale qui se pose, y compris dans les services d'accueil des urgences.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion