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Intervention de préfet Philippe Deslandes

Réunion du 18 mai 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

préfet Philippe Deslandes :

La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a transformé la CNDP en autorité indépendante. Celle-ci a donc montré son indépendance. Le jour même du passage en Conseil des ministres du projet de loi relatif au Grand Paris, elle s'est étonnée que l'organisation du débat soit confiée au préfet de région, et a fait valoir ses attributions. L'Assemblée nationale puis le Sénat lui en ont en conséquence attribué la responsabilité.

L'article 246 de la loi dite « Grenelle II » a porté l'effectif de la Commission de 21 à 25 membres, en y ajoutant deux représentants de syndicats et deux représentants des entreprises. Les personnalités correspondantes n'ont cependant pas encore été nommées par le Premier ministre.

La CNDP ne dispose pas du droit d'autosaisine. Sur des thèmes tels que le schéma national d'infrastructures de transport ou les gaz de schistes, elle ne peut être saisie que par le ministre chargé de l'environnement.

Lorsque s'est dessiné un premier débat sur un parc éolien en mer au large du Tréport, j'ai écrit au ministre chargé de l'environnement, au nom de la CNDP, pour demander la tenue d'un débat public par façade maritime et non par parc. Une concertation par façade maritime était déjà organisée par chacun des préfets de région. L'élaboration des prochains projets donnera lieu, j'en suis certain, à des demandes de débats publics, projet par projet. Il nous semblait plus intéressant qu'un débat soit tenu sur le principe même des parcs éoliens en mer, après quoi de simples présentations publiques auraient permis d'affiner chaque projet.

Le budget de la CNDP est de 2 millions d'euros, ou plus exactement, après diminution – comme partout – des crédits, de 1,9 millions d'euros cette année.

Les gaz de schistes, ainsi que la politique énergétique dans son ensemble, constituent bien le champ d'un véritable débat public.

Des débats publics ont été tenus sur l'EPR de Penly et sur les terminaux méthaniers. Le ministère chargé de l'énergie y a participé chaque fois. Il est très clairement apparu au cours du débat sur l'EPR de Penly que si la nécessité de celui-ci était très clairement fondée pour favoriser l'exportation de centrales nucléaires françaises, la consommation française n'appelait pas la construction immédiate d'un nouveau réacteur.

Les débats publics ont pour intérêt de mettre publiquement sur la table un certain nombre d'arguments et de faire état d'éléments parfois mal ou insuffisamment exprimés. En matière d'énergie, par exemple, les programmations pluriannuelles d'investissement sont systématiquement remises en cause et des demandes d'expertises complémentaires sollicitées auprès de la CNDP. Celle-ci donne alors en général une suite favorable.

La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite loi « Grenelle II », a élargi l'objet même du débat public. Celui-ci portait sur l'opportunité du projet, ses objectifs et ses principales caractéristiques. La loi « Grenelle II » y a ajouté les conditions de la concertation après le débat. En effet, jusqu'ici, le public avait l'impression que s'il était bien mobilisé à l'occasion du débat public, il ne se passait plus rien entre celui-ci et l'enquête publique, alors qu'un laps de temps allant jusqu'à cinq ans peut séparer ces deux événements. Sans attendre les textes d'application, la CNDP applique d'ores et déjà les dispositions de la loi. Elle souhaitait très fortement une telle modification.

L'une des modifications les plus essentielles de la loi « Grenelle II » concerne les débats dits « d'options générales », autrement dit celles qui portent sur les plans, les politiques et les programmes. Jusqu'ici, le champ de ces options générales était limité à l'environnement et à l'aménagement du territoire. La loi « Grenelle II » l'a élargi au développement durable. Ce champ assez vaste devrait permettre d'organiser nombre de débats de fond.

Lors de la préparation des lois « Grenelle I » et « Grenelle II », il a semblé normal à la CNDP qu'à la suite de la réforme constitutionnelle, les deux assemblées du Parlement puissent la saisir directement sur les thèmes relevant de sa compétence. Cette proposition n'a pas été retenue.

À quelle étape du projet fixer le débat ? C'est une question récurrente pour la CNDP. En tout état de cause, celui-ci doit intervenir au moment des études préliminaires, et, conformément à la convention d'Aarhus, à un stade où toutes les solutions sont encore possibles. C'est là la différence majeure entre le débat public et l'enquête publique. Alors que, au moment de l'enquête publique, le projet est bouclé, tel n'est normalement pas le cas au moment du débat public. Le débat sur le Grand Paris l'a montré. Le projet, tel qu'il ressort du débat, fusionne les deux projets initiaux, tout en en modifiant les éléments. Cette évolution un peu inattendue, qui est finalement un peu la conséquence de l'intelligence d'une construction collective, montre que, en permettant à ceux qui y ont participé, élus comme simples citoyens, d'émettre des avis, le débat public a été utile.

Les plus courants des avis entendus ont fait état d'une très grande souffrance en matière de moyens et de réseaux de transport. Cette souffrance a, je crois, été entendue tant par la région que par l'État.

Dans l'accord entre l'État et la Région, le financement du plan de mobilisation est arrêté. Tel n'était pas le cas avant le débat. Les deux projets s'ignoraient alors. C'est le débat qui a permis que les arguments des uns et des autres soient entendus, et qu'à la demande du public, les deux projets soient fusionnés. Cette demande, entendue presque à chaque réunion, a fini par convaincre aussi bien les représentants de la SGP que ceux du STIF.

Le coût du débat public à la charge de la SGP était de 4 millions d'euros ; celui d'Arc Express représentait 2 millions d'euros. Le budget confondu des deux était donc de 6 millions d'euros. Un débat public classique coûte 1 million d'euros pour 12 réunions publiques. Un budget de 6 millions d'euros pour 67 réunions publiques est donc tout à fait dans les normes. C'est aussi une gouttelette d'eau au regard du coût final du projet, qui est de 32 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 2 milliards d'euros d'études. Cette petite goutte d'eau a permis la fusion de deux projets au profit de l'intérêt général

Au début du débat, la participation des élus était très forte, tandis que les non élus avaient le plus grand mal à accéder à la parole. La CNDP a rappelé aux deux commissions particulières qu'il importait de rappeler aux élus que, dans un débat public, tous les citoyens sont égaux. Au fur et à mesure du déroulement du débat, cette règle d'équivalence entre les participants a été de mieux en mieux observée. En seconde partie du débat, les élus ont parfaitement joué le jeu.

Le débat public n'est ni le moment de la décision en elle-même, ni un référendum ; C'est le moment de l'exploration des controverses suscitées par les projets et des difficultés qu'ils posent. Le débat, je crois, a largement montré que ce projet était opportun. Il a d'abord établi la nécessité de la mise à niveau du réseau existant. Il a ensuite montré celle d'une rocade en proche banlieue et, à plus long terme, d'un réseau vers d'autres départements de l'Île-de-France.

La souffrance exprimée par les usagers des transports d'Île-de-France a, je crois, largement influencé ce qui est devenu la contribution commune.

L'objet du débat – éclairer la décision publique – a été atteint. Certes, la décision est intervenue un peu tôt. Cinq jours avant la fin du débat, les deux maîtres d'ouvrage ont rendu public un accord indiquant leur compréhension dudit débat et présentant leurs actions futures. En général, les décisions n'interviennent qu'après le débat. Faut-il pour autant relancer un nouveau débat ? La réponse est non. La contribution de la CNDP est le résultat du débat ; nous n'allons pas recommencer. La question de l'opportunité d'un arc Est proche – entre Saint-Denis et Fontenay –, a été tranchée : cette liaison avait été demandée dans le débat. Ce que la CNDP demande, c'est que le maître d'ouvrage qui sera désigné pour réaliser cet Arc Est court – les discussions sont toujours en cours entre la SGP et le STIF – la saisisse, en vue d'une concertation, sur l'emplacement des gares et les différentes communes traversées. Le STIF est habitué à ce type de concertation : chaque fois qu'une ligne de métro est prolongée, il en est réalisé une.

La CNDP n'avait aucune marge de manoeuvre en matière de calendrier. Celui-ci avait en effet été arrêté par la loi « Grand Paris ». Il était aussi extrêmement serré : la loi prévoyait que le débat devrait commencer quatre mois après sa promulgation. Or, lors de celle-ci, le dossier du Grand Paris était loin d'être rédigé : nous avons travaillé tout l'été pour permettre le début du débat le 30 septembre.

Le site internet lancé par le préfet de la région Île-de-France concernait non pas le réseau de transport du Grand Paris, mais l'idée même du Grand Paris ; il traitait aussi bien de culture que d'économie ou des réseaux de transport. Quoique sans information particulière, je fais confiance au préfet de région pour en avoir tiré les meilleurs enseignements.

Plusieurs débats ont en effet été conduits en Île-de-France en même temps : le débat Arc Express, celui sur le réseau de transport public du Grand Paris, celui sur l'interconnexion sud des lignes de TGV en Île-de-France et celui relatif au prolongement de la ligne Eole vers l'ouest. Comme ces projets interagissaient les uns sur les autres, nous nous sommes attachés à ce que les débats les concernant puissent être connectés. Ainsi, à Orly, le projet d'interconnexion sud prévoit une gare TGV et le projet du Grand Paris une gare spécifique. Il nous semblait utile que le débat permette de dégager une solution de liaison entre les deux. À La Défense, une réunion sur Eole a réuni plus de 700 personnes. La grande difficulté à La Défense est qu'il y est prévu à la fois une gare du Grand Paris, une gare Eole et une gare pour des TGV venant de Normandie.

Il reste que coordonner l'ensemble des débats est difficile, et ce d'autant plus que la CNDP n'est pas maîtresse de sa saisine. De plus, dès qu'elle est saisie, la loi l'oblige à se prononcer dans les deux mois, faute de quoi il n'y a pas de débat.

La commission particulière « réseau de transport public du Grand Paris » avait prévu d'organiser des débats en province. Le nombre de demandes de réunions formulées en Île-de-France ne l'a pas permis. Une réunion a néanmoins eu lieu à Nantes dans le cadre du débat sur l'interconnexion sud ; contrairement aux prévisions, elle a rencontré un assez grand succès ; des intervenants sont venus parler de l'intérêt d'une connexion directe avec Orly, et essayé de relancer le débat sur l'aéroport de Notre-Dame des Landes : dès lors que l'accès à Orly serait direct, pourquoi le réaliser ?

Cependant, ce débat n'a pas été relancé. Une fois qu'il a eu lieu, un débat est clos ; il n'est pas possible de le rouvrir. Débattue pendant le débat public, l'opportunité n'est plus traitée lors des concertations qui le suivent.

Il est certes vrai que des personnes opposées à un projet pendant le débat profitent de la concertation qui lui fait suite pour essayer de relancer la question même de son opportunité. C'est assez manifeste dans le cas de la ligne à grande vitesse entre Poitiers et Limoges. Chaque fois que, dans les réunions de concertation, cette question revient, nous rappelons que l'opportunité a été débattue. Autrement, la discussion de l'opportunité serait sans fin. Une fois le débat tenu, un compte rendu et un bilan sont réalisés. Sur leur base, le porteur de projet doit se prononcer . Sa décision est publiée. La force du débat public, c'est que tout est publié ! Nous conservons le texte des verbatim sur notre site et en archives, lesquelles sont publiques. Il est toujours possible de se reporter à ce qui a été dit.

Très récemment, à l'occasion d'une séance au Conseil d'État sur le débat public, en vue de la publication du rapport public de celui-ci sur la démocratie environnementale, j'ai rappelé que la France était le seul pays partie à la convention d'Aarhus à avoir développé une procédure aussi aboutie que celle du débat public. Alors que bien des pays se limitent à l'enquête publique, qui n'intervient qu'à un moment où tous les dés sont jetés, le débat sur le Grand Paris est intervenu à un stade préalable. L'expérience a montré que le débat public était utile, souvent opportun : si cette procédure n'existait pas, il faudrait l'inventer.

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