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Intervention de préfet Philippe Deslandes

Réunion du 18 mai 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

préfet Philippe Deslandes :

Les débats publics sur le projet de réseau de transport public du Grand Paris et sur le projet Arc Express, lancés conjointement conformément à l'article 3 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, se sont déroulés du 30 septembre 2010 au 31 janvier 2011. Organisés à l'échelle de la région, ils concernaient près de 11 millions de Franciliens et constituaient pour la Commission nationale du débat public une expérience tout à la fois novatrice et enrichissante.

La gestation des deux débats ne fut pas sans tension. Initialement, le projet de loi relatif au Grand Paris, préparé par le secrétariat d'État chargé du développement de la région capitale, avait prévu de confier au préfet de région l'organisation d'une concertation sur le réseau du Grand Paris et de suspendre la procédure du débat public sur le projet Arc Express, porté par le syndicat des transports d'Île-de-France (STIF). Les réactions à cette première version entraînèrent quelques modifications : le débat sur le projet Arc Express n'était plus supprimé mais coordonné avec le débat public sur le réseau de transport public du Grand Paris, dont la loi confiait l'organisation à la Commission nationale du débat public.

Deux débats valent mieux qu'un. Ils étaient tout à la fois attendus et nécessaires ; attendus, puisque plus de 17 500 personnes se sont déplacées pour s'informer et s'exprimer à l'occasion de 67 réunions publiques, dont 12 communes aux deux projets, ce qui dépasse très largement le nombre habituel de participants et de réunions par débat ; nécessaires puisque, écoutant les arguments développés au fil du déroulement des débats, l'État et la région ont croisé leurs chemins. Les débats ont conduit au compromis.

Avant d'expliciter les différents arguments entendus, je voudrais brièvement rappeler les objectifs et caractéristiques des deux projets.

Le projet Arc Express est un projet de métro automatique sur fer en rocade autour de Paris, entièrement souterrain, situé en proche couronne et comportant une quarantaine de stations nouvelles, espacées de 1 à 1,5 km pour assurer une desserte fine et un maillage serré entre les territoires, grâce à l'interconnexion des gares nouvelles avec les réseaux existants ou en projet. Roulant à 40 kmh (contre 25 kmh pour les métros actuels), il vise à transporter un million de voyageurs par jour. Le débat a porté sur l'opportunité de la rocade et les caractéristiques des arc Sud et Nord, jugés prioritaires, les arcs Est et Ouest étant encore en cours d'étude lors du lancement du débat. Les arcs Sud (d'Issy-les-Moulineaux ou Meudon à Fontenay-sous-Bois ou Noisy-le-Grand) et Nord (de La Défense ou Nanterre à Bobigny ou Pantin) comprenaient chacune trois variantes. Le coût du projet, estimé à l'origine à 5 milliards d'euros pour les arcs prioritaires, a évolué en cours de débat pour se situer entre 7,1 et 8,3 milliards pour la rocade entière, réalisée par phases.

Le projet de double boucle du réseau de transport public du Grand Paris, d'une longueur de 155 km, est destiné à desservir aussi bien le coeur de l'agglomération parisienne que les territoires de proche, moyenne et grande couronnes, et à relier huit pôles majeurs de développement : Paris-Saclay, Roissy-Villepinte, Paris-Le Bourget, Plaine Saint-Denis, La Défense, la Cité Descartes, Paris-Sud, l'Est de la Seine-Saint-Denis. A cette fin, trois liaisons ont été présentées : l'une de l'aéroport de Roissy à celui d'Orly via Saint-Denis Pleyel et Paris (dite ligne bleue) ; une deuxième de Roissy à Orly via La Défense et Saclay (ligne verte) ; une troisième du Bourget à La Défense par l'Est et le Sud. Ces trois lignes de métro automatique sont jalonnées d'une quarantaine de gares nouvelles, espacées de 4 km en moyenne, dont 85 % assurent une correspondance avec un autre mode de transport en commun existant ou prévu. Roulant à une vitesse moyenne de 65 kmh, ce métro sur pneu (en tout cas dans le projet d'origine) vise à transporter 2 à 3 millions de voyageurs par jour. Le coût prévisionnel de ce projet, principalement en souterrain, est estimé entre 21,4 et 23,5 milliards d'euros. Les travaux commenceraient fin 2012 pour une mise en oeuvre progressive, l'ensemble du réseau étant disponible en 2023 et remis clés en main par la Société du Grand Paris (SGP) au Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF).

Lors des premières semaines de débat, encore marquées par les tensions antérieures entre l'État et la région, les représentants des deux maîtres d'ouvrage se sont efforcés de marquer leur territoire et de mettre en avant les avantages de leur propre rocade face aux insuffisances ou à l'inadaptation du projet concurrent intéressant le même territoire. La controverse s'est portée sur le financement des projets, les calendriers de leur réalisation, la vitesse des métros automatiques, l'espacement des gares et l'opportunité de la desserte du plateau de Saclay par le métro automatique. Cette première étape du débat a pu laisser craindre un temps que l'on assiste pendant quatre mois à un duel entre les deux maîtres d'ouvrage et que les deux débats se limitent à l'opposition des deux réseaux.

En réalité, on a entendu rapidement les mots de complémentarité, de convergence, d'articulation entre les deux projets aux motifs soit des difficultés d'assurer leur financement, soit de leur large convergence en termes de tracé. Ce souhait de rapprochement s'est exprimé de plus en plus souvent au fil de l'avancement du débat, jetant ainsi les bases d'un possible compromis.

Les arguments avancés pendant les débats reposaient en majorité sur les réalités de la vie quotidienne et une connaissance aiguë des conditions de déplacement des Franciliens et des projets susceptibles de les faire évoluer. Pour les tangentielles, les projets en débat étaient les projets de tramway et de tram-train, ceux de prolongement de lignes de métro et surtout celui de la modernisation des RER, tous projets inclus au sein du plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France, au même titre que le projet Arc Express. C'est au regard de ces réalités que l'on a entendu le mot sans doute le plus fréquemment prononcé pendant le débat, celui de maillage, et la revendication la plus fréquemment formulée, celle de l'amélioration de l'existant. A ce propos les représentants et habitants de certains territoires, comme les départements du Val-d'Oise et de Seine-et-Marne ou le sud de l'Essonne, se sentant ignorés, ont évoqué les insuffisances du système de transport actuel et les nécessaires et urgentes améliorations à lui apporter.

Les participants ont par ailleurs débattu de la place de la région dans la compétition internationale, de l'intermodalité des moyens de transports, des effets de rocade sur la vie économique et le développement urbain, des modalités de financement – avec la crainte que le financement d'un projet ne pénalise l'autre – des modes d'exploitation, du réseau, du type de roulement (fer ou pneu), de la longueur des quais ou la largeur des trains.

Si les questions environnementales ont été moins abordées qu'on aurait pu initialement le penser, au vu notamment de l'étude environnementale publiée par la Société du Grand Paris et analysée par l'Autorité environnementale, il n'en demeure pas moins que les aspects fondamentaux ont été évoqués : la contribution à la lutte contre l'effet de serre, les conséquences en termes de densification ou d'étalement urbain, la protection des espaces agricoles, la sauvegarde des paysages et du patrimoine, les nuisances sonores et les vibrations, les risques d'inondation et bien évidemment, comme dans tout débat sur les réseaux de transport, l'implantation des gares et la demande de gares supplémentaires, dont la liste figure aux comptes rendus des deux débats.

D'une manière générale, le projet Arc Express a été considéré comme plus adapté aux liaisons de banlieue à banlieue et à la satisfaction à court terme des besoins qui s'expriment de longue date en proche couronne. Le projet de réseau de transport public du Grand Paris a quant à lui été jugé plus à même de répondre à des besoins à plus long terme pour l'organisation et le développement de l'espace francilien en grande couronne. Ces deux objectifs sont jugés complémentaires et non exclusifs.

A mi-débat, tirant les premiers enseignements des réunions publiques et au vu de très nombreux commentaires ou prises de position, la Commission nationale notait que le souci du public d'un projet commun d'évolution des modes de transport collectif en Île-de-France s'exprimait parmi d'autres propositions. Déjà le 15 novembre, le président de la région proposait au Premier ministre un rapprochement des deux projets ainsi que de nouvelles modalités de financement relatives au plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France.

Cette démarche s'accompagnait d'une préfiguration des arcs Est et Ouest du projet d'Arc Express. Dès septembre 2009, le rapport établi par le député Gilles Carrez à la demande du Premier ministre posait le principe d'une synthèse entre les deux projets et identifiait les ressources fiscales nécessaires à leur réalisation. Pour sa part, l'Atelier international du Grand Paris, dans une contribution rendue publique début décembre, établissait que la cohérence du territoire du Grand Paris pouvait être améliorée sur la base de trois principes : interconnecter tous les modes de déplacements, s'appuyer sur l'existant, desservir tous les territoires.

Les ingrédients d'un accord étaient jetés, il ne manquait plus que le liant. A l'issue des deux premiers mois et demi de débat, toutes les informations avaient été fournies sur les deux projets et tous les arguments émis à propos de leur opportunité, de leurs objectifs et de leurs caractéristiques.

Hors des débats stricto sensu, mais à la lumière de ce qu'ils avaient permis d'apporter, l'État et la région se sont retrouvés, entre autres partenaires, au sein du comité de pilotage crée par le nouveau ministre en charge du Grand Paris. Les échanges qui s'y sont développés ont jeté les bases d'un projet de vision partagée de l'État et de la région s'articulant autour d'un schéma de rocade unique prenant en compte des éléments communs aux deux itinéraires et ajoutant dans chaque projet des éléments qu'il n'incluait pas mais que prévoyait l'autre, à l'exception de la desserte du plateau de Saclay. Cette vision partagée, souhaitée par la majorité du public, a fait l'objet d'un protocole entre l'État et la région relatif aux transports publics en Île-de-France, signé le 26 janvier 2011, soit cinq jours avant la clôture des débats. Aux termes de ce protocole, qualifié d'historique, l'État et la région ont décidé de porter ensemble à la connaissance de la Commission, comme elle l'avait souhaité, ainsi que du public une contribution conjointe sur les évolutions qui pourraient être apportées aux projets soumis aux débats publics en cours. Cette contribution concerne les tracés du projet de rocade, intitulé « Grand Paris Express », le financement des investissements, la coordination entre la Société du Grand Paris et le Syndicat des transports d'Île-de-France, la mise en oeuvre du schéma directeur de la région Île-de-France, la gouvernance de la Société du Grand Paris et les modalités de suivi du protocole. Cet accord, qui apporte des éléments de décision, qui devront être désormais confirmés par les deux maîtres d'ouvrage, dresse également la liste des gares retenues, en précisant leur caractère définitif ou optionnel, et répond à l'un des soucis primordiaux de la région et du public en arrêtant les modalités de participation financière de l'État au plan régional de mobilisation pour les transports.

A l'instar du protocole entre l'État et la région, ces deux débats peuvent être aussi qualifiés d'exemplaires et historiques. Ils sont exemplaires d'abord par l'exceptionnelle participation du public : 17 500 personnes, 67 réunions publiques, 280 000 connexions internet, 272 cahiers d'acteurs – dont 94 communs aux deux projets – 260 contributions, 1 151 avis du public, 1 600 questions. Ils le sont ensuite par la participation sans précédent des élus – parlementaires, conseillers régionaux et généraux, maires et conseillers municipaux. Ils le sont enfin par leur issue. Comme l'atteste le protocole, le public, par sa participation, a réellement pesé sur le processus décisionnel ; je ne peux que m'en féliciter.

Il appartient désormais aux maîtres d'ouvrage de décider des conditions et des modalités de la poursuite de leurs projets. Il s'agit de confirmer les engagements du protocole entre l'État et la région relatif aux transports publics en Île-de-France, de définir la clé de répartition de la maîtrise d'ouvrage entre le STIF et la SGP, de lever ou confirmer le caractère optionnel de diverses gares et de déterminer le site d'implantation de certaines d'entre elles, notamment à La Défense, de répondre de manière argumentée aux demandes de liaisons et de gares supplémentaires ou de modification du site d'implantation de certaines stations émises pendant le débat public, et enfin de définir les caractéristiques d'un arc Est proche depuis Saint-Denis Pleyel ou Le Bourget jusqu'à Champigny via Val-de-Fontenay ou Villiers-sur-Marne, à la suite de la mission d'étude mandatée par le ministre chargé de la ville. Cet arc, dont l'opportunité a été reconnue, devra une fois défini être soumis à concertation pour son tracé, soit par le STIF, soir par la SGP. Enfin, une solution pour la desserte du plateau de Saclay doit être dégagée.

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