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Intervention de Jacques Repussard

Réunion du 5 mai 2011 à 9h00
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jacques Repussard, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire :

L'interpellation de M. Barbey est tout à fait légitime. Je ne suis ni médecin, ni spécialiste de la thyroïde.

Cela dit, il a été démontré de manière déterministe que des expositions assez fortes à de l'iode radioactif génèrent des cancers de la thyroïde. Cela s'est révélé exact en Biélorussie, en Russie et en Ukraine.

À la suite de l'accident de Tchernobyl, des dépôts radioactifs ont été détectés dans les Vosges, le Jura, une partie des Alpes et en Corse : ils atteignaient plusieurs dizaines de milliers de becquerels par mètre carré.

Pour autant, on ne peut déduire de la quantité de dépôt au sol la dose de radioactivité reçue par les habitants de lieux. Cette erreur de raisonnement, fréquente, a créé nombre de polémiques.

Aurait-il fallu, au nom du principe de précaution, prendre des mesures de limitation ? Je n'entre dans ce débat.

En France, il existe plusieurs types de cancers de la thyroïde, mais aucun d'entre eux n'a une signature radiologique automatique. Les cancers radio-induits ont la même forme que des cancers spontanés, pour des raisons que l'on ne comprend pas.

On peut calculer le nombre de cancers de deux façons.

D'abord, à partir d'une estimation des doses de radioactivité reçues par la population, en appliquant les règles de la CIPR et les données théoriques sur la radioprotection – la relation linéaire sans seuil, qui est la doctrine de la radioprotection. On arrive ainsi à la conclusion – et c'est tout le travail qui a été validé par le Conseil scientifique de l'IRSN – que les doses de radioactivité que reçoit la population en France sont davantage gouvernées par l'alimentation que par l'exposition directe aux dépôts. En France, où les gens se nourrissent généralement de produits achetés au supermarché, la dose se situe en moyenne à des niveaux très bas. Par ailleurs, les personnes qui vivaient sur des territoires plus contaminés que d'autres n'avaient pas forcément reçu des doses significativement plus élevées.

En partant de ces doses, reconstituées de manière théorique, et en appliquant la relation linéaire sans seuil, on a calculé que le nombre de cancers de la thyroïde liés à Tchernobyl est compris entre 50 et 70 sur une période de vingt-cinq ans. On a même des prévisions jusqu'en 2025. Il se trouve que ce nombre de cancers est le même que celui de la variation naturelle. Cette conclusion a été validée scientifiquement. On ne peut donc pas, d'un point de vue épidémiologique, parler d'un effet attendu.

Ensuite, on peut calculer le nombre de cancers en constatant les cas. À cet égard, le rapport de l'Institut de veille sanitaire, dont les conclusions ont été établies à partir des registres relatifs aux cancers des enfants, conforte les prévisions calculées par l'IRSN. Ce rapport mentionne une tendance à l'accroissement de l'incidence du cancer de la thyroïde dans la population française – incidence antérieure à Tchernobyl et dont on ne comprend pas la cause –, mais il indique aussi que la densification équipements permettant de détecter les cancers doit être pris en compte. Toutefois, je ne m'avancerai pas sur ce dernier point qui ne relève pas de mon domaine de compétences. Or les médecins généralistes n'ont pas eu accès à toutes ces données.

Nous ne prétendons pas qu'il n'y a pas eu de cancers radio-induits. Nous disons seulement qu'une épidémie de cancers de la thyroïde liée aux dépôts de Tchernobyl n'est pas avérée.

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