Je tiens tout d'abord à rappeler que la sûreté des installations nucléaires repose sur deux piliers. Le premier est le plan technique, qui prend en considération toutes les situations anormales, incidentelles ou accidentelles. Le second est la chaîne décisionnelle et opérationnelle qui doit être, a fortiori en cas de crise, robuste et réactive : elle va de l'exploitant sur site, qui est au plus près du problème, jusqu'aux responsables gouvernementaux, en passant par le directeur du centre, le préfet du département et le préfet de région.
Le principe de défense en profondeur est appliqué dans toutes les installations nucléaires françaises. Il est particulièrement contraignant car il vise non seulement à assurer la prévention des défaillances des installations et à surveiller leur fonctionnement mais également à limiter les conséquences de l'accident le plus improbable, au cas où il se produirait. Ce principe structure notre mode de fonctionnement quotidien, y compris dans la culture de sûreté de nos opérateurs, au plus près de la matière nucléaire ou des installations.
Le CEA a également la possibilité de gréer un centre national de crise – le centre de coordination en cas de crise (CCC) –, situé à Saclay. Ce centre, qui entretient un contact visuel permanent avec le poste de commandement local du site en difficulté, permet de confronter l'action menée sur le terrain avec l'expertise qui doit être effectuée avec le recul nécessaire. Action et expertise constituent en effet les deux phases essentielles du diagnostic et du pronostic.
Le CEA, l'ASN et le préfet de région participent à la prise de décision, s'agissant notamment de la mise à l'abri des personnes, de leur évacuation éventuelle ou des mesures compensatoires à prendre en termes d'alimentation. Nous entretenons également une liaison permanente avec les équipes de l'IRSN : comme nous ne disposons pas des mêmes logiciels de calculs d'évolution, nous confrontons nos arguments techniques pour trouver la meilleure solution à la crise.
Nous avons volontairement réduit notre chaîne de responsabilité interne pour gérer nos soixante-dix-neuf installations nucléaires de base et installations nucléaires de base secrètes (qui comprennent des installations individuelles) : la chaîne, courte, comprend, outre les soixante-dix-neuf chefs d'installations, les directeurs des neuf centres entre lesquels les installations sont réparties et le responsable au plan national, l'administrateur général du CEA. Avant même Fukushima, nous avions déjà mis en place des fiches d'information immédiate d'une seule page, qui permettent de faire remonter l'information de manière sécurisée. Cette organisation est applicable non seulement au secteur nucléaire mais également à la chimie – en tant qu'organisme de recherche, le CEA doit faire face à des incidents dans ce domaine.
Notre organisation de crise est régulièrement testée au cours de nombreux exercices internes et externes. Nous en avons réalisé dix-neuf en 2010 et quinze en 2009. Ils impliquent très souvent les responsables locaux des départements, voire des régions.
Cette organisation est également confrontée à des crises réelles – cinq au cours de l'année 2010 –, dont celle du tritium de Saint-Maur-des-Fossés, évoquée par M. Jacques Repussard : notre centre de crise a été gréé durant plus d'un mois de 7 heures 30 à 22 heures 30.
Nous avons dû également faire face à un accident dont l'occurrence était jugée très improbable : la perte totale, le 30 août 2006, de l'alimentation électrique sur le site de Cadarache. Les vingt et un groupes électrogènes fixes accolés à chacune des installations nucléaires se sont automatiquement mis en fonctionnement. Trois de ces groupes, qui n'étaient pas liés à une installation nucléaire, ont rencontré des difficultés et nous aurions pu, si nécessaire, recourir aux neuf groupes électrogènes mobiles que nous avions en réserve. Trois heures plus tard, nous avons pu rétablir une des deux lignes électriques de 63 000 volts défaillantes.
Il est important de mutualiser les moyens lourds et de les prépositionner si nécessaire. Le GIE intra a été mis en commun entre EDF, le CEA et Areva, ce qui est essentiel pour gérer le mieux possible les crises à venir.
Il ne s'agit pas tant de prévoir l'imprévisible que de s'entraîner à lui faire face. Fukushima nous incite à persévérer dans ce sens. Comme l'a rappelé le chef du bureau des risques de la Direction de la sécurité civile, procéder à des exercices répond à une impérieuse nécessité, pour pouvoir profiter d'un retour d'expérience important.
Notre devise, en cas de crise, est : « prévoir en stratège mais agir en primitif », c'est-à-dire avoir des réflexes immédiats et efficaces.
Nous participons évidemment au groupe de réflexion du CODIRPA.