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Intervention de Guillaume Dederen

Réunion du 5 mai 2011 à 9h00
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Guillaume Dederen, chef du bureau des risques à la Direction de la sécurité civile :

Je suis sous-préfet, chef du bureau des risques majeurs (BRM) à la Direction de la sécurité civile, au sein du ministère de l'intérieur. A l'intérieur de cette direction de la sécurité civile, existe une sous-direction de la gestion des risques et à l'intérieur de cette sous-direction, plusieurs bureaux, dont le mien, anciennement appelé « bureau des risques naturels et technologiques ».

Je tiens par ailleurs à excuser M. le préfet Alain Perret, directeur de la sécurité civile, qui m'a demandé de le représenter.

Le BRM accueille une mission d'appui aux risques nucléaires, qui comprend trois personnes : M. Marc Leurette, ingénieur EDF, ancien patron de grandes centrales nucléaires ; Mme Catherine Guénon, mon adjointe ; enfin, le lieutenant-colonel Bertrand Domeneghetti, officier de sapeurs pompiers professionnels. M. Leurette et Mme Guénon participent l'un et l'autre aux travaux du CODIRPA et Mme Guénon interviendra demain matin sur l'intégration des recommandations du guide de sortie de la phase d'urgence dans le dispositif de gestion des crises au niveau local.

En premier lieu, je souhaite vous entretenir de ce qu'a fait la Direction de la sécurité civile à l'occasion de la crise du Japon.

La mission d'appui aux risques nucléaires (MARN), au nom du préfet Perret, a rédigé deux fois par jour, le matin et l'après-midi, des points de situation que l'on a voulu les plus concrets et les plus exploitables, notamment à la demande expresse du ministre de l'intérieur puis du Président de la République ?

La crise a fait l'objet d'un suivi permanent, non seulement par les deux experts de la mission d'appui, mais également par Mme Catherine Guénon – je l'ai moi-même suivie le vendredi de sa survenue dans le cadre plus large du séisme et du tsunami.

La Direction de la sécurité civile a enfin envoyé des personnels sur place, en particulier des formations militaires de la sécurité civile. Bien entendu, elle a instauré une procédure de contrôle et de décontamination au retour de ces personnels.

En deuxième lieu, j'évoquerai l'implication de la MARN dans le nucléaire, en France, non seulement en cas de crise, mais aussi en phase post-accidentelle.

D'abord, la mission d'appui – donc le bureau des risques majeurs – a participé aux réunions de préparation de la circulaire interministérielle qui définit, avec le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), l'ASN, le ministère de la défense, l'IRSN, les exercices d'urgence nucléaire et radiologique. La DSC insiste particulièrement sur l'impérieuse nécessité de faire des exercices, évidemment à partir de modélisations. Il faut bien reconnaître, malheureusement, que l'accident nucléaire de Fukushima va nous aider à avancer sur le sujet.

Comme l'a mentionné le président Lacoste, douze exercices d'urgence nucléaire sont prévus chaque année. La mission d'appui contribue à la planification, à la préparation, à l'observation et au retour d'expérience de tels exercices. Elle apporte de l'aide aux préfectures en matière de connaissances théoriques et pratiques, ainsi qu'en matière d'observation des exercices et de restitution, particulièrement à chaud. Je précise qu'en cas de crise, dans les faits, en France, les directeurs des opérations de secours du dispositif ORSEC sont les préfets de département. Voilà pourquoi nous mettons particulièrement l'accent sur la formation des préfets, du corps préfectoral et, plus largement, des services interministériels de protection civile des préfectures et des services déconcentrés de l'Etat.

Nous mettons en avant la nécessité d'élaborer des scénarios réalistes ; de travailler la communication entre le Centre opérationnel de défense (COD), c'est-à-dire la cellule de crise présidée par le préfet ou, au nom du préfet par le directeur de cabinet, et le Poste de commandement opérationnel (PCO) qui est généralement dirigé par un sous-préfet d'arrondissement ; enfin, de mieux exploiter les « balises fixes », dont Mme Guénon pourra vous reparler demain.

Nous insistons également sur la distribution préventive d'iode autour des centrales nucléaires de production d'électricité (CNPE). Une circulaire est en préparation. La DSC a participé activement à la campagne préventive de distribution d'iode stable autour des CNPE, avec l'ASN, la Direction générale de la santé et EDF. Nous avons d'ailleurs tout lieu d'être satisfaits : le nombre de boîtes distribuées, soit un peu plus de 500 000, est supérieur à celui de la précédente campagne, soit 409 000 ; enfin, le taux de couverture est d'environ 93 %, ce qui signifie que le nombre de comprimés retiré par foyer est à peu près stable.

La position de la DSC à propos de la refonte de la circulaire iode est très claire. Elle considère que la distribution d'iode intervenant dans le cadre de la crise, donc de l'urgence, sous la direction du préfet, doit être intégrée au dispositif ORSEC, gérée selon des critères et par les services ressortissant à la sécurité civile et à la sécurité publique, et passer à l'échelon local – dont le maire est un acteur incontournable – par le plan communal de sauvegarde.

Je terminerai par la phase post-accidentelle d'une crise nucléaire, donc par le CODIRPA, auquel participent Mme Guénon et M. Leurette. Pour le Comité, la sécurité passe par la vision la plus pragmatique possible de la gestion de la crise, mais aussi de la post-crise.

Nous considérons, pour parler comme Edgar Morin, que nous avons affaire à une boucle récursive et qu'il n'est pas possible de gérer la crise sans penser à la post-crise. Il faut s'efforcer de préparer une situation gérable après la crise. Cette préparation au post-accidentel doit donc s'intégrer à la phase d'urgence, qui est le coeur du dispositif ORSEC.

Le post-accidentel, pour la DSC, ne se planifie pas : il se prépare. Très concrètement, la planification est la mise en place de moyens permanents ou mobilisables à discrétion ; c'est ainsi que l'on pense souvent à préempter les terrains autour des installations nucléaires de base pour stocker du matériel, à réserver et à entretenir des espaces ou des salles. Le problème est que toutes ces solutions reviennent cher et ne présentent aucune garantie de pérennité. En revanche, on pourrait décider que les lieux d'accueil mis en place dans un cadre de mise à l'abri en cas d'accident nucléaire pourraient servir en cas de crise naturelle ou technologique. Ce serait plus intéressant.

De la même façon, il vaut mieux avoir sous la main un paquet de fiches d'information pédagogique à destination de la population ou des médecins, plutôt que d'organiser des distributions préventives de fiches d'information ou des formations individuelles. En effet, le turn over de la population comme des médecins peut être important et en cas d'accident, certaines distributions et certaines formations auront été faites en vain. Par ailleurs, les pertes de documents ou les oublis auront tôt fait de réduire à néant les efforts de planification.

En conclusion, la DSC considère que la planification du post-accidentel, telle qu'on l'entend actuellement, risque d'être hors de prix et vouée à l'échec si elle n'est pas rationnelle et si on ne réfléchit pas à des solutions très concrètes, en se mettant à la place des gens et en se demandant ce qu'il faut faire, au moment de l'accident.

La préparation consiste à donner les moyens de savoir comment agir sur des sujets essentiels. Par exemple, la DSC milite pour un seuil de libération des déchets qui, sur le terrain, peut considérablement aider à la gestion post-accidentelle de ce que l'on appelle les produits « gris ». Ainsi, au moment de la crise japonaise, il a bien fallu que la DSC, qui avait envoyé des hommes et du matériel, établisse une distinction entre les déchets propres et les déchets sales, pour savoir quel matériel pouvait être rapatrié et celui qu'il fallait laisser sur place. C'est un exemple parmi d'autres. Nous sommes conscients que sur la libération des déchets, cette opinion n'est pas forcément partagée. En tout cas c'est la nôtre, et elle a le mérite de la clarté.

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