Appliquons au ministère de l'intérieur les questions que chacun, et vous-même, monsieur le ministre, a posées.
L'État est-il plus efficace dans le domaine de l'administration territoriale ? Il est difficile de se prononcer déjà en toute honnêteté, puisque la réorganisation n'est pas parvenue à son terme. Je souhaite néanmoins vous interroger sur deux points. Il s'agit d'abord du pilotage du dispositif : il me semble grippé par l'incapacité à résoudre la contradiction permanente entre l'administration centrale et les échelons déconcentrés. Le fait que ce soit le secrétariat général du Gouvernement qui a la charge de cette réforme l'explique sans doute en partie. D'un côté, la logique ministérielle verticale s'appuie sur des programmes budgétaires, sous votre houlette, monsieur le ministre du budget, avec notamment la règle de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux Parallèlement, une logique interministérielle horizontale s'applique au niveau des services déconcentrés, et c'est la mission interministérielle de réforme de l'administration territoriale, créée par le Premier ministre, qui bâtit ces équilibres. Les deux architectes ont des visions différentes, d'où des dysfonctionnements que l'on constate sur le terrain. J'ajoute que la dimension des ressources humaines me paraît avoir été totalement sous-estimée, puisque l'État employeur s'est montré sous son plus mauvais jour en refusant d'appliquer les règles qu'il impose aux entreprises, et notamment la stricte information. Bernard Derosier l'a très bien dit.
Ensuite, l'État est-il plus économe ? Là encore, si l'on regarde le ministère de l'intérieur, une étude de l'Inspection générale de l'administration a mis en lumière le fait que les gains étaient très limités au regard des mutualisations entreprises. Selon cette enquête, 21 % des projets réalisés n'ont procuré aucun gain financier et les économies hors dépenses de personnel, soit le titre II du budget du ministère, sont réalisées grâce à seulement 24 % des opérations menées. La Cour des comptes a souligné qu'au ministère de l'intérieur, la masse salariale avait augmenté en raison des mesures catégorielles, à savoir notamment le protocole « corps et carrières » qui concerne les personnels actifs de la police nationale. Dans son rapport de gestion sur le ministère de l'intérieur pour 2009, Gilles Carrez soulignait aussi la baisse continue et sensible des effectifs et l'envolée des dépenses de personnel.
Dans ces conditions, l'État a-t-il vraiment fait des économies au ministère de l'intérieur en appliquant la RGPP de manière aussi brutale ?
Enfin, l'État est-il plus proche des attentes des citoyens ? Dans l'administration territoriale, 2 107 emplois ont été supprimés et on est allé au-delà du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux, ce qui a aggravé la situation. Dans la police et la gendarmerie, 10 792 emplois ont disparu, ce qui n'est pas sans conséquence sur la qualité du service rendu à l'usager. Je ne reviens pas sur les chiffres de la délinquance, puisque le Premier ministre lui-même a dit que c'était un échec du Gouvernement. Mais s'agissant de l'administration territoriale, la sénatrice Michèle André a observé, dans un rapport sur la qualité du service rendu à l'usager, que pour la constitution du passeport biométrique, non seulement un agent passe plus de temps sur chaque dossier, mais le coût a augmenté de 35 %. Là encore, monsieur le ministre, l'État est-il plus près des citoyens, sans parler des économies ?
Il faut enfin déplorer que la RGPP ait dévoyé la démarche de la LOLF, qui était une démarche de performance, alors que vous n'avez appliqué qu'une règle strictement comptable.