Ce ministère va supprimer près de 54 000 emplois d'ici 2015, engendrant des économies de fonctionnement extrêmement significatives, et cela en garantissant non seulement le contrat opérationnel résultant du Livre blanc mais également l'efficacité de notre défense nationale, dans un contexte incertain où, de plus en plus souvent, nos forces sont amenées à intervenir sur le théâtre des opérations extérieures.
J'insisterai en particulier sur trois sujets : la réduction très significative des effectifs et les économies qui doivent en résulter ; les aspects immobiliers et la rationalisation des emprises immobilières dont on attend des ressources financières non négligeables ; la réalité enfin et la sincérité budgétaire de la réforme.
Pour ce qui concerne la déflation des effectifs, je l'ai dit, 54 000 emplois vont être supprimés, 36 000 emplois au titre de la RGPP et 18 000 emplois au titre du Livre blanc. Cette réduction très sensible des effectifs doit produire une économie d'un peu plus de 4 milliards d'euros, desquels doivent être retranchés le montant du plan d'accompagnement des restructurations, c'est-à-dire les mesures d'accompagnement social, et le coût des infrastructures nécessaires au réaménagement de la carte militaire, ce qui se solderait, selon le modèle du Gouvernement, par une économie finale de 2,7 milliards d'euros.
Cette déflation des effectifs pose plusieurs questions. En premier lieu s'agissant de son aspect social. Les armées, pour être plus muettes que les autres corps sociaux, n'en souffrent pas moins lorsqu'on leur impose des réformes à répétition, dont la lisibilité est plus qu'aléatoire. J'appuierai mon propos sur un exemple très concret : en 2010, les suppressions supplémentaires d'emplois non programmées ont concerné des personnels dits polyrestructurés, c'est-à-dire qui avaient déjà été restructurés l'année précédente, conduisant ainsi à des traumatismes sociaux non négligeables.
En second lieu, j'aimerais que vous nous garantissiez que, lorsque les effectifs diminuent, les compétences ne partent pas. En effet, la réforme du ministère de la défense a opéré une répartition entre soutien et missions opérationnelles censée garantir le maintien des compétences. Or je ne suis pas sûr que vous ayez les outils permettant de nous le garantir.
Voilà pour ce qui concerne les ressources humaines, volet non négligeable car désespérer nos armées pourrait contribuer à remettre en cause l'efficacité du contrat opérationnel.
Le second sujet sur lequel je voudrais insister, parce qu'il montre que la RGPP et la sincérité budgétaire sont incompatibles, c'est la question des recettes exceptionnelles résultant de la vente des emprises immobilières. Le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, a inscrit en loi de finances pendant trois exercices budgétaires consécutifs des recettes censées garantir l'équilibre mais qui n'ont jamais été réalisées. Vous connaissez ces données mieux que quiconque, puisqu'elles sortent de votre ministère. En 2009, vous avez inscrit 1,7 milliard d'euros de recettes exceptionnelles, dont 1 milliard qui devait résulter de la vente des emprises immobilières : vous n'en avez quasiment pas réalisé. En 2010, vous avez inscrit 1,6 milliard d'euros, dont 700 millions d'euros au titre des emprises immobilières qui, là encore, n'ont quasiment pas été réalisées, le reste devant résulter de la vente de fréquences et de l'usufruit de satellites de communication. Ces recettes portent donc très bien leur nom : elles sont exceptionnelles puisque vous les inscrivez chaque année et que vous ne les réalisez jamais !
Il y a enfin l'affaire de Balard. Je voudrais être sûr que ce « Balardgone », où doivent être rassemblés tous les états-majors, représentera bien les économies attendues. Je rappelle qu'il s'agit de 720 millions d'euros d'investissements privés, d'un loyer annuel de 150 millions d'euros payé par l'État sur vingt-sept ans avec, en contrepartie, la vente des emprises immobilières du ministère pendant la durée du PPP. Quelle est la position de votre ministère sur l'équilibre de ce partenariat public-privé compte tenu de la non-réalisation des recettes exceptionnelles immobilières ? Il ne faufrait tout de même pas qu'il aboutisse à des bénéfices pour des entreprises privées tandis que l'État creuserait son déficit.
Je conclurai enfin en abordant la question des bases de défense, censées être l'instrument de la mutualisation et devant permettre une nouvelle répartition des emplois entre soutien et actions opérationnelles génératrice d'économies. Avez-vous, monsieur le ministre du budget, un seul document qui agrège l'ensemble des économies réalisées grâce à ces bases de défense ? Si ce document existe et qu'il atteste des économies réalisées, je suis prêt à revenir à cette tribune pour admettre que je me suis trompé. Mais aujourd'hui aucun service n'est capable de produire ce document. La Cour des comptes elle-même l'a d'ailleurs souligné de façon extrêmement sévère, tout comme elle s'interroge – à l'instar de M. Cornut-Gentille, qui le fait avec élégance parce qu'il appartient à la majorité cependant qu'étant dans l'opposition je le fais plus perfidement, mais au fond nous disons la même chose – sur la fiabilité des chiffres que vous avancez concernant les économies réalisées dans la défense, grâce à la RGPP : 6,7 milliards d'euros pour 2011, 4,9 milliards en 2010 et 2,7 milliards au moment de son lancement. Voilà qui est révélateur de l'insincérité budgétaire qui préside à cette RGPP, et je voudrais savoir comment la défense, qui a subi une telle cure d'amaigrissement, va pouvoir remplir son contrat opérationnel, alors que vous venez, pour la remercier d'avoir été aussi vertueuse, de la taxer de 3,6 milliards d'euros supplémentaires l'an dernier, ce qui l'oblige à remettre en cause une grande partie des programmes dans lesquels elle s'était engagée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)