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Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 18 mai 2011 à 15h00
Débat sur la mise en oeuvre des décisions du conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre 2009

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVictorin Lurel :

Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais commencer mon propos en présentant à la ministre chargée de l'outre-mer mes condoléances pour le deuil qui a frappé sa famille. Je tiens à la remercier particulièrement d'avoir fait l'effort d'être parmi nous aujourd'hui. Nous n'ignorons pas le sacrifice qu'elle a dû faire.

L'exercice auquel nous allons nous livrer aujourd'hui ne consiste pas à nourrir des polémiques. Outre celui de voter la loi, la Constitution donne au Parlement le pouvoir de contrôler et d'évaluer les politiques gouvernementales. C'est ce travail, désormais très classique dans notre assemblée, que les parlementaires du groupe SRC ont patiemment conduit durant de longues semaines pour évaluer la mise en oeuvre des mesures annoncées le 6 novembre 2009 par le chef de l'État.

Il y a déjà plus de deux ans, une crise sociale de grande ampleur se faisait jour dans les outre-mer et singulièrement en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte. Après la tenue, dans chacun de nos territoires, des états généraux – que nous avions d'ailleurs été quelques-uns à proposer pendant la crise –, le chef de l'État avait annoncé des mesures, qualifiées à l'époque d'historiques, au cours d'un conseil interministériel de l'outre-mer, une instance intergouvernementale créée spécialement, avec solennité, pour répondre à l'ampleur de la crise.

Dix-huit mois après ces annonces, l'heure n'est certes pas encore aux bilans définitifs. Mais, compte tenu de l'urgence des situations auxquelles ce CIOM prétendait répondre, il nous est apparu possible, mais plus encore nécessaire, de mettre dès aujourd'hui en regard les promesses et les actes, afin de comprendre pourquoi, en dix-huit mois, un si faible nombre de mesures a été effectivement mis en oeuvre.

Nous avons noté que le Gouvernement avait très tôt perçu le risque de voir critiquer le rythme d'exécution des mesures annoncées par le chef de l'État. En effet, le 6 novembre 2009, lors de la réunion du CIOM, les « fiches action » publiées par le Gouvernement recensaient en tout 639 mesures : 539 spécifiques à chaque territoire, et 100 qualifiées de transversales. Sept mois plus tard, lors d'un premier bilan d'étape, la communication gouvernementale ne retenait plus que 137 mesures globales qui, dès lors, ne représentaient plus l'intégralité des décisions du CIOM.

Certains croient encore que fausser le thermomètre peut suffire à faire baisser la fièvre et, au prétexte de rationaliser sa communication pour la rendre plus avantageuse, le Gouvernement a ainsi fait passer à la trappe plusieurs dizaines de mesures annoncées en novembre 2009. L'une d'entre elles était si importante pour nos territoires qu'elle figurait en bonne place dans le discours du chef de l'État : la mise en oeuvre dans les DOM d'un fonds d'investissement de proximité, un FIP-DOM, afin de fixer sur nos territoires l'épargne locale au profit de nos petites et moyennes entreprises, principales pourvoyeuses d'emplois dans nos économies. Oublié, enterré sans bruit : tel est le sort qui a hélas ! été réservé au FIP-DOM.

Pour que notre regard ne soit pas influencé par la rationalisation de la communication gouvernementale, une fois l'orage de la crise passée, nous avons fondé notre analyse sur les « fiches action » directement issues du CIOM, remises le 6 novembre aux ministres, aux élus locaux et à la presse. Ces fiches ont été mises en ligne sur le site du ministère et elles sont toujours consultables.

À partir de ces fiches, nous pouvons aujourd'hui affirmer, avec regret, que le meilleur taux d'exécution des mesures du CIOM est atteint à La Réunion avec 25,6 % et le pire à Saint-Martin avec moins de 6 %. En Guadeloupe, il atteint 19,8 % ; en Guyane, 22,2 % ; en Martinique, 18,3 % ; à Saint-Pierre-et-Miquelon, 11,8 %. Dans l'hexagone, il est d'à peine 16 %. Pour ce qui relève des mesures transversales, seul un quart de celles-ci a été véritablement mis en oeuvre. Après dix-huit mois, ces chiffres parlent d'eux-mêmes, serais-je tenté de dire. Mais rien ne remplace les exemples précis, même si je ne peux, et vous le comprendrez, en dresser ici une liste exhaustive.

Cela figure dans notre rapport. Je vous ferai remettre, dans un instant, une fiche synthétique des mesures non mises en oeuvre par le Gouvernement.

Parmi les mesures transversales, il était prévu de lutter contre la fracture numérique en favorisant le lancement d'offres attractives pour l'accès à internet des populations à faibles revenus. Rien n'a été fait en ce sens, et ce sont les régions de Guadeloupe, Martinique et Réunion qui ont fait baisser sur leur territoire le prix de gros du haut débit afin de permettre aux opérateurs de baisser leurs tarifs.

Il était prévu de relancer les prêts participatifs pour les entreprises : aucun prêt n'a été octroyé par l'AFD. En Guadeloupe, c'est la région qui a créé un fonds d'investissement pour renforcer les fonds propres des entreprises locales qui veulent investir pour se développer. Même chose en Martinique.

Il était prévu de rendre l'outre-mer autonome sur le plan énergétique d'ici à vingt ans et de revaloriser le tarif de rachat de l'électricité « propre » de 20 %. Or c'est le moment qu'a choisi le Gouvernement pour baisser ce tarif et pour supprimer dans le budget 2011 les dispositifs fiscaux soutenant le développement de l'énergie photovoltaïque.

Il était prévu un grand plan contre l'illettrisme, qui touche 25 à 30 % de la population chez moi. Cette compétence d'État, c'est la région qui l'a incluse dans son plan d'urgence de 6,5 millions d'euros pour la jeunesse en difficulté.

Il était prévu de sanctuariser la LBU pour financer le logement : elle a, au contraire, perdu 22 millions en crédits de paiement cette année.

Pour lutter contre les pratiques abusives en matière de prix, il était prévu la création d'un groupe d'intervention régional « concurrence ». Ce GIR a été créé mais, faute de moyens supplémentaires, il n'a mené à ce jour aucune action significative. Même chose pour le plan séisme dont nous nous épuisons à pointer, avec la Cour des comptes, les retards d'exécution et l'insuffisance des moyens, alors que la Guadeloupe et la Martinique sont en grand danger.

Il en est de même pour les ressources nouvelles promises aux communes, pour le sommet des chefs d'État annoncé pour relancer la coopération régionale dans la zone Caraïbe, pour la création d'un système d'échanges universitaires entre l'outre-mer, l'hexagone et l'environnement régional, pour le renforcement des chambres d'agriculture, pour la reconnaissance du fait syndical outre-mer, pour la reconnaissance de la pharmacopée antillaise dans la pharmacopée française, et j'en passe : ces mesures-là sont au point mort.

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