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Intervention de François Pupponi

Réunion du 18 mai 2011 à 15h00
Mesures d'urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Monsieur le président, monsieur le ministre de la ville, mes chers collègues, le groupe SRC a déposé une proposition de loi visant à prendre des mesures d'urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté. Cette proposition n'a pas l'ambition de réformer l'ensemble de la politique de la ville – ambition qu'il nous faudra pourtant un jour avoir car, à l'évidence, les politiques publiques conduites depuis quarante ans n'auront pas réussi à sortir les quartiers défavorisés et leurs habitants de la situation dramatique dans laquelle ils se trouvent toujours aujourd'hui. Mais, face à l'urgence, elle préconise des mesures fortes, immédiates et cohérentes, qui ciblent les principaux symptômes de ces quartiers.

En premier lieu, nous souhaitons élever cette politique au rang de priorité nationale. Nous sommes convaincus que changer profondément l'image de ces quartiers nécessite de reconnaître enfin l'enjeu national qu'ils représentent.

Pour cela, nous proposons, d'une part, que cette politique soit directement rattachée au Premier ministre, afin qu'il conduise l'ensemble des grands ministères de notre pays à se réinvestir dans ces territoires. D'autre part, il faut réformer les outils de cette politique pour la rendre plus lisible et plus efficace. Il faut en terminer avec les ZUS, les ZFU, les ZEP, les ZRU, qui la complexifient et la stigmatisent. Nous proposons donc un unique périmètre, pour un unique contrat signé entre le maire ou le président de l'agglomération et le préfet. Ce contrat souple, adapté à la réalité des territoires, doit associer dans une démarche contractuelle les acteurs locaux, les associations, le milieu économique et les habitants.

C'est encore la cohérence que nous recherchons quand nous proposons la fusion de l'Agence nationale de la rénovation urbaine et de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Réunir ces deux agences, c'est résoudre la contradiction entre l'urbain et l'humain, c'est croire que doivent se construire conjointement les immeubles et le lien social dans ces quartiers.

En second lieu, nous vous appelons à une véritable solidarité financière à l'égard des communes en difficulté qui ont des populations en grande souffrance. Répondre à cet enjeu, c'est s'attaquer durablement aux inégalités territoriales. Comment accepter que, dans notre pays, le pouvoir d'achat de 1 % des communes les plus riches soit quarante-cinq fois plus élevé que celui de 1 % des plus pauvres ?

La péréquation est aujourd'hui insuffisamment dotée et fléchée, même si, bien entendu, des avancées sont intervenues – il faut le reconnaître et le signaler. Pour en réformer le système, il faut d'abord nous fixer un objectif annuel de réduction des inégalités de ressources entre collectivités. Pour atteindre cet objectif, chaque commune devrait disposer d'un SMIC communal, c'est-à-dire d'une ressource par habitant suffisante pour conduire les politiques essentielles dont nos concitoyens ont besoin et auxquelles ils sont en droit de prétendre.

La péréquation doit ensuite avoir les moyens de ses ambitions. Nous proposons que son montant actuel de 3,8 milliards soit quasiment doublé. Affecter 3 milliards d'euros supplémentaires pour la solidarité dans notre pays permettrait de régler les déséquilibres budgétaires les plus importants des communes les plus pauvres. Nous proposons qu'ils soient répartis entre le futur Fonds national de péréquation, le Fonds de solidarité de la région Île-de-France et un rééquilibrage de la dotation globale de fonctionnement en faveur des dotations de péréquation. L'État, sur ce point, devra réaffirmer son rôle de garant de la solidarité nationale et territoriale.

En troisième lieu, l'urgence sociale commande une véritable politique de l'emploi à destination des habitants de ces quartiers, notamment des jeunes.

Tout d'abord, il est essentiel de continuer à créer des emplois à l'intérieur de ces quartiers. Sur ce point, la fin du dispositif des zones franches urbaines est une erreur. Grâce aux ZFU, des dizaines de milliers d'entreprises et d'emplois durables ont été créés dans ces quartiers. Nous proposons donc de prolonger ce dispositif incitatif, en corrigeant, bien entendu, les effets d'aubaine auxquels il a parfois pu conduire. Nous attendons d'ailleurs le rapport de la commission Raoult pour prendre position et exprimer plus précisément notre point de vue.

Cela n'est toutefois pas suffisant. Il faut également désenclaver ces territoires par l'emploi, en favorisant l'embauche de leurs habitants à l'extérieur des quartiers. Nous proposons donc que de nouveaux dispositifs permettent de faciliter le recrutement, en particulier par les grandes entreprises situées dans le bassin d'emploi. Un accompagnement individualisé du demandeur d'emploi – en termes de logement, de permis de conduire, d'achat d'une voiture ou de garde d'enfants – permettrait notamment de sécuriser les employeurs.

Enfin, il faut s'attaquer au fléau des discriminations liées à l'origine, dont ces habitants sont trop souvent victimes. La mise en place du CV anonyme et l'obligation d'intégrer une clause d'insertion sociale dans tout projet subventionné par la puissance publique sont des propositions concrètes et immédiatement applicables.

Dernier axe : la rénovation urbaine. Le programme national de rénovation urbaine transforme profondément la physionomie de ces quartiers et le cadre de vie de ceux qui y habitent et y travaillent. Cette réussite ne sera complète que si un nouveau programme est lancé pour rénover les quartiers n'ayant aujourd'hui pas pu bénéficier du premier. Nous proposons donc le lancement d'un PNRU 2, qui étende ses compétences aux copropriétés, à l'habitat indigne, insalubre et informel, à la rénovation des groupes scolaires et au désenclavement physique de ces quartiers par les transports en commun.

Pour cela, évidemment, l'État devra se réengager financièrement, lui qui a aujourd'hui préféré assécher nos partenaires traditionnels que sont Action logement et les bailleurs sociaux pour financer le premier PNRU.

Enfin, nous proposons de lever deux obstacles majeurs à l'objectif de mixité sociale. Il s'agit, d'une part, de renforcer le pouvoir des préfets quand est constatée une carence des maires en matière de construction de logements sociaux. Nous obligerons ainsi les communes hors-la-loi à participer à l'effort national de construction de logements sociaux plutôt que de préférer payer des amendes pour maintenir l'entre-soi. D'autre part, nous interdirons le recours au droit au logement opposable dans les ZUS, qui a pour effet pervers de ghettoïser un peu plus les ghettos existants et conforte de surcroît la stratégie des communes qui ne respectent pas la loi SRU.

Ces premières mesures, mes chers collègues, aussi symboliques qu'essentielles, seront le prélude à une prise de conscience partagée des enjeux de cohésion sociale et nationale qu'implique la reconnaissance de ces territoires marginalisés. En effet, se joue dans nos banlieues l'effectivité d'une promesse républicaine qui n'a jamais été tenue.

Les députés du groupe SRC veulent porter haut cette exigence, c'est pourquoi ils voteront évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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