Je vous remercie vivement pour votre accueil. Nous avons incontestablement un certain nombre d'intérêts communs à discuter.
Je vais d'abord dire un mot du contexte dans lequel se placent mon action et mon séjour à Paris. J'occupe ce ministère depuis un mois et j'ai pour mission de renforcer les liens du Mali avec ses partenaires sous-régionaux et extra-régionaux, aux premiers rangs desquels la France et les Etats-Unis.
Les défis auxquels le Sahel est confronté sont la conséquences de plusieurs crises imbriquées les unes dans les autres. Au niveau interne, la zone est traversée par la persistance de rébellions, de revendications identitaires et de mouvements terroristes qui constituent des causes structurelles de vulnérabilité : il faut parvenir à reconstruire la paix civile. En outre, elle connaît une explosion de la criminalité organisée et du trafic de drogue, qui sont le résultat d'une transformation « génétique » de l'économie informelle très développée à certains endroits. La menace terroriste se développe, la présence d'AQMI faisant de la zone l'une des pointes de l'arc de crise qui va jusqu'au Pakistan. En dépit de la crise actuelle du djihadisme, il conserve des bases d'appui essentielles au Sahel. La réponse à ces crises imbriquées ne peut être qu'internationale, mais doit aussi tenir compte de la complexité régionale.
J'estime que cette réponse doit articuler un volet national, un volet régional et un volet extra-régional.
Au niveau national, il faut avoir pour objectif de renforcer immédiatement la sécurité mais aussi d'atteindre une stabilité durable, ce qui passe par le développement. Un programme pour la sécurité, la paix et le développement a été élaboré en faveur du nord du Mali. La France contribue à son financement à hauteur de 2 millions d'euros. Il a conduit au redéploiement de l'appareil sécuritaire autour de onze pôles. Sur ce volet, les autorités maliennes souhaitent une aide permanente de la France. En effet, les interdictions de voyager décidées par la France se sont traduites par l'interruption de l'aide, alors que le pays a absolument besoin de celle-ci et que son retrait a laissé des zones entières en déshérence. Tout le pays a finalement souffert, notamment à cause de l'interruption de la coopération décentralisée. La stabilité doit être un défi commun au Mali et aux pays qui le soutiennent : quitter le Mali ne saurait être la solution.
Au niveau régional, j'ai effectué de nombreux déplacement afin de faire le point sur la situation sécuritaire et l'opérabilité des outils disponibles, comme l'état-major conjoint mis en place par le Mali, l'Algérie, la Mauritanie et le Niger, et les efforts de coordination en matière de renseignements. Ces outils doivent conduire à planifier des actions afin d'assurer une présence durable des forces de sécurité sur le terrain, alors que les opérations ponctuelles et les dispositifs ad hoc ont montré leurs limites. Cette action sécuritaire durable doit s'accompagner de mesures en faveur du développement, afin d'éloigner les populations du joug des terroristes.
La dimension extre-régionale concerne les Etats-Unis, mais surtout l'Union européenne. Nous en attendons un appui pour la formation, la logistique et le partage de renseignements. Le Sahel s'étend sur 8 millions de km2 et le nord du Mali qui en fait partie représente plus de 800 000 km2. Il s'agit de 60 % de notre territoire, sur lequel vivent seulement 10 % de la population nationale. Il faut parvenir à une présence de la puissance publique suffisante pour garantir la sécurité et le développement, mais sans apparaître comme coercitive. Nous avons besoin d'un partenariat et de concertation avec les puissances extérieures à la sous-région pour relever ces défis, qui sont communs : aujourd'hui, le Sahel constitue de fait la frontière sud de l'Europe ! Il est une source de menaces pour la sécurité de tous !