Cet argument était d'autant plus fallacieux que nous ne l'entendons plus aujourd'hui. En réalité, nos amis britanniques ont bien compris que nous avons abandonné ce projet. Voilà le sens historique que contiennent nos accords aujourd'hui ! Ils ne recouvrent pas d'autres ambitions que celui de rapprocher nos deux États pour le maintien de notre défense. Ils ne dessinent aucun projet pour l'Europe. Nous devons retrouver l'esprit des artisans de l'Europe en procédant, comme ils le firent dans d'autres domaines, à la définition d'une stratégie claire, volontariste – grâce à une démarche politique forte – et qui associe toutes les bonnes volontés. La première étape consiste à nous accorder sur ce que nous voulons. Elle passe par la rédaction d'un Livre blanc européen autour d'une analyse commune des menaces, mais aussi des changements profonds qui se profilent dans le monde, en particulier dans notre voisinage immédiat.
La deuxième étape consiste à nous accorder sur ce dont nous avons besoin. Pour cela, l'Agence européenne de défense semble être la mieux placée, si nous consentons cependant à la doter de moyens suffisants.
L'étape finale de cette politique réside dans une programmation militaire européenne, qui, seule, peut nous contraindre à accepter des dépendances communes et à partager utilement les coûts d'acquisition de nos équipements comme nous sommes en train de le faire avec les Britanniques.
Ce programme, je le sais bien, n'est pas encore à l'ordre du jour. Bien sûr, les accords qui nous lient aux Britanniques ne sont pas contraires à l'esprit européen. Des militaires et des scientifiques français et britanniques vont apprendre à travailler ensemble, et c'est une bonne chose. Qu'on le veuille ou non, il s'agit bien d'Europe de la défense. Je souhaite cependant que ces accords ne nous conduisent pas à négliger nos autres partenaires.