Je ne voudrais pas que d'autres demandes françaises, tout aussi légitimes que celles des industries culturelles, leur soient sacrifiées.
S'agissant précisément de l'application de cette loi aux distributeurs étrangers, je vois mal comment nous allons nous en sortir.
Dès la première application qui en sera faite, une question préjudicielle sera posée à la Cour de justice de l'Union européenne. Celle-ci répondra plus ou moins vite, et, en attendant, l'application de cette loi sera suspendue. Comme on peut s'y attendre, car le droit communautaire est très clair, la réponse nous sera défavorable, et nous aurons tout perdu.
Ainsi, les acteurs français ne bénéficieront d'aucune protection, nos relations avec Bruxelles se seront dégradées et nous aurons perdu nos monnaies d'échange.
En tant que législateur français, je commence à en avoir assez de voter des lois que l'on sait contraires au droit communautaire. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, il y a quelques semaines, lors des débats sur le projet de loi relatif à l'immigration. La loi n'était même pas encore définitivement votée qu'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 28 avril 2011 la rendait déjà en partie obsolète. L'arrêt indique clairement que la directive « Retour » n'autorise pas les peines d'emprisonnement pour les sans-papiers qui n'auraient pas respecté l'obligation de quitter le territoire qui leur a été signifiée. Cela implique qu'il n'est pas possible de les placer en garde à vue. La police peut tout au plus les retenir pendant une durée maximale de quatre heures, afin de vérifier leur identité. Cela limite grandement les moyens de l'administration – je l'avais dit alors – pour faire exécuter les mesures de reconduite à la frontière. L'article 15 de la directive était pourtant déjà très clair, mais nous n'en avons absolument pas tenu compte.
Nous avons choisi d'intégrer l'Union européenne. Cela implique de reconnaître la supériorité du droit communautaire sur notre droit national, et je ne comprends toujours pas pourquoi nous nous obstinons encore à ignorer cela dans cette enceinte.
Vous comprendrez donc que l'Européen convaincu que je suis ne peut pas accepter de valider un texte qui contrevient ouvertement et sciemment au droit communautaire. Je voterai donc contre ce texte, et j'attends avec impatience le verdict de la Commission européenne et la Cour de justice de l'Union européenne.