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Intervention de colonel François de Lapresle

Réunion du 26 avril 2011 à 10h00
Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

colonel François de Lapresle :

Je suis très honoré de me trouver parmi vous et vous remercie de l'intérêt que vous portez aux travaux de la communauté de Défense sur ce sujet. Je suis accompagné du chef d'escadrons Yannick Prati, en charge de l'important dossier de la privatisation et de l'emploi de la force au sein de la sous-direction de la Politique et de la prospective créée il y a deux ans au sein de la DAS. Trois ans après le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationales, le commandant Prati suit un dossier particulièrement difficile. Il l'est en raison des ambiguïtés et des polémiques autour du périmètre des sociétés militaires privées (SMP). Ce dossier est d'autant plus sensible que la position des Britanniques et des Américains est assez offensive et non retive : Le recours aux sociétés militaires privées est une vraie industrie. Deux récents documents du Sénat et de la Cour des comptes des États-Unis que je vous remets. La politique agressive menée en 2009 et 2010 a été promue à travers une série de conférences et de colloques, auxquels la délégation aux affaires stratégiques représentant le Défense et le ministère des Affaires étrangères ont été associés.

La sous-direction au sein de la communauté de Défense suit le dossier des sociétés militaires privées sous l'angle stratégique qu'il mérite. L'appellation même de ces sociétés donne le sentiment qu'elles relèvent uniquement du domaine militaire, ce qui n'est pas le cas. Il est plus judicieux de traiter cette question sous l'angle de l'externalisation, qui vous intéresse particulièrement.

C'est en 2008 que cette appellation « sociétés militaires privées » – EMSP en anglais – est officialisée dans le document de Montreux. Or ce document traite des obligations juridiques et des bonnes pratiques pour les États en ce qui concerne le recours aux entreprises militaires et de sécurité privées. Validé par 34 États, il décrit le cadre juridique du recours aux SMP dans le respect du droit international et humanitaire. La France suit avec soin la promotion de ce document qui responsabilise les États.

L'enjeu le plus difficile autour de ce sujet est la définition du coeur du métier militaire, et cela nous amène à nous interroger sur la capacité à mesurer la plus-value économique pour les forces armées du savoir-être et de l'investissement en matière de formation, qui va bien au-delà du savoir-faire. Les retours d'expérience des armées étrangères montrent que le recours aux SMP comporte des risques, non pour les 80 % des actions de soutien logistique mais pour les 20 % restant – protection, escortes –, avec des questions extrêmement graves liées au possible recours aux armes et à l'utilisation de la force. La France adopte sur ce sujet une attitude très prudente, vigilante et pragmatique. Sans méconnaître l'ampleur du phénomène, la France est plus attentive à la régularité juridique et stratégique qu'au strict modèle économique. La voix de la France est attendue et écoutée avec beaucoup d'intérêt au plan international, je l'ai constaté lors de colloques et séminaires de l'OTAN.

Ce sujet a aussi fait l'objet d'une série de travaux, dont beaucoup ont été menés en 2009 et 2010 par l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), le Centre des hautes études militaires (CHEM) ou l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire (IRSEM), auxquels la DAS, qui travaille depuis longtemps sur ce sujet, a participé. Au-delà de la vulgarisation, ces travaux ont permis une bonne appropriation des questions clés. La crise financière a aussi fait évoluer la réflexion sur l'externalisation et la place du régalien.

Depuis deux ans, la communauté de la défense élargie a pu dresser un état des lieux au bénéfice des actions interministérielles et est partie prenante des travaux de réflexion autour de la privatisation. Il est cependant évident que la complexité du sujet justifie la prise en compte de tous les volets du périmètre.

Le ministère de la Défense a donc pris acte du développement de ce phénomène et étudie attentivement l'évolution des débats internationaux en étroite liaison avec le ministère des Affaires étrangères et européennes. La France a ainsi exprimé sa réticence vis-à-vis du nouveau code de conduite des Américains qui, à la différence du texte de Montreux, conduit à engager les individus et les organisations sans évoquer le rôle des États. Or ceux-ci doivent conserver autonomie et liberté d'action et surtout pouvoir contrôler le jeu de tous les acteurs sur les théâtres d'opération.

Nous avons aussi pu échanger avec les sociétés privées françaises pour mieux connaître la manière dont elles sont organisées et comment, dans le cadre de l'externalisation, se mettent en place les partenariats et des contrats.

Les sociétés militaires privées n'entrent pas en concurrence avec nos armées car l'État français conserve le monopole de l'usage de la force légitime. Dans le cadre des réflexions stratégiques de l'état major des armées, nous avons mis en avant l'importance de bien appréhender ces sociétés et leur organisation afin de pouvoir planifier en cas de besoin des contrats adaptés et décidés par action. Nous privilégions le cas par cas afin de garantir la réversibilité.

Il nous semble important que les sociétés françaises puissent remporter des marchés à l'étranger. Un certain nombre d'actions sont menées, en accord avec les gouvernements locaux et dans le respect de la loi française, la dimension des perceptions étant sur ce sujet un aspect primordial.

Dans le cadre de sa coopération avec les sociétés militaires privées, le ministère de la Défense doit conserver la maîtrise et le contrôle. Notre travail avec la direction de la Protection et de la sécurité de défense (DPSD) et l'ensemble des acteurs a montré à quel point il est important d'identifier ces sociétés de façon fiable et dans la durée.

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