Avant de vous exposer le projet CAPES France, je voudrais remettre en perspective la place de l'externalisation dans le chiffre d'affaires de l'économat.
Avant que la loi de finances rectificative de décembre 2002 n'élargisse la compétence de l'EdA au soutien logistique et à la fourniture de services, de denrées et de marchandises diverses aux formations militaires en France et à l'étranger, et que le décret du 11 mars 2004 ne fasse de l'EdA une centrale d'achat, l'économat fonctionnait selon le modèle traditionnel du négoce. À cette époque, l'externalisation représentait 30 % de son chiffre d'affaires. Aujourd'hui, elle représente 80 % de son budget pour 2011. L'EdA assure l'externalisation de certaines activités, non seulement en achetant des prestations, mais surtout en jouant un rôle essentiel d'intégrateur, chargé de synthétiser ces différentes prestations pour produire du service.
CAPES France a d'abord été une expérimentation sur cinq ans, de 2006 à 2010, avant d'entrer dans la phase actuelle d'industrialisation. Le principe en a été défini avec l'état-major des armées, notamment le général Bansard et le général Huguet. Il s'agissait de confier à un intégrateur – celui-ci se distinguant d'un simple acteur par une obligation forte de résultat – la réalisation de l'ensemble des prestations de soutien afin de libérer des effectifs militaires pour les consacrer à d'autres missions. Cette initiative s'inspirait de modèles étrangers tels que le Canadian Forces Contractor Augmentation Program (CANCAP), ou le Contractors on Deployed Operations (CONDO) du Royaume-Uni. Il s'agissait de mettre en oeuvre une capacité dite additionnelle aux missions des armées – en réalité, cette capacité, bien qu'extérieure aux armées, concourt directement à la réussite de leurs missions. Dans ce cadre, les armées nous ont également confié la gestion de certains équipements lourds – groupes électrogènes, stations d'épuration ou de traitement d'eau –, à charge pour nous d'assumer les coûts de maintenance.
Le statut de l'EdA, à la fois extérieur aux armées et sous tutelle de la Défense, faisait de lui l'organisme idoine pour la mise en oeuvre de ce projet. Il ne s'agit pas en effet de faire de l'externalisation ordinaire : on n'externalise pas des fonctions de soutien aux armées, notamment en OPEX, comme on externalise du Facility Management d'entreprise.
Les modalités de ces externalisations ont contribué à l'instauration de véritables partenariats entre « supportés » et « supportants », dans un cadre juridique original, celui d'une convention de services avec obligation de résultat, comportant des ordres d'intervention équivalant à des bons de commande extrêmement détaillés par fonction, et un certain nombre de protocoles déclinant le dispositif sur le théâtre d'opérations. À la différence des forces armées, structurées par chaînes de métiers, les métiers, à l'intérieur du dispositif de soutien, sont structurés en missions, confiées à un seul responsable, interlocuteur unique des forces. L'expérimentation portait initialement sur deux théâtres d'opérations, les bases du Kosovo et du Tchad, avec quatorze fonctions réparties en trois domaines : l'ingénierie ou la gestion de projet, l'acheminement, à la fois stratégique et intrathéâtre, et la gestion des camps.
Notre premier retour d'expérience (RETEX), peut servir pour l'ensemble des opérations d'externalisation, notamment sur six points.
Premièrement, en ce qui concerne la gouvernance, le bon fonctionnement du dispositif a été assuré par la symétrie entre les compétences de l'économat et celle des forces, aussi bien au niveau de la décision qu'à celui de l'exécution. Deuxièmement, la communication, volet essentiel du projet, a été extrêmement forte, puisque le commandement lui-même s'est déplacé pour présenter CAPES. Troisièmement, le transfert de responsabilités a été particulièrement étudié. Quatrièmement, la conduite du changement demande un délai de quatre à six mois ; pour éviter des crises sociales dans les pays accueillant des bases, notamment au Tchad, où la situation est très sensible, les armées nous ont demandé de reprendre les personnels locaux qu'elles avaient recrutés. Cinquièmement, la réversibilité est prévue dans les ordres d'intervention : il est prévu que certaines fonctions doivent être reprises par les militaires dans le cas d'une montée en intensité des opérations sur certains théâtres, le seul socle inamovible étant la restauration. Sixièmement, il faut aussi parler du bilan budgétaire et financier de l'expérimentation.
S'agissant de la procédure budgétaire, nous avons fait de la facturation, comme tout prestataire, sans rencontrer de problème particulier, une ligne budgétaire étant consacrée au financement des opérations d'externalisation, même si la procédure a été un peu plus compliquée pour les opérations au Kosovo.
Quant à l'évaluation des résultats financiers de l'expérimentation, les opérateurs et les armées ne s'accordent pas, notamment en raison de l'absence de comptabilité analytique. En outre, le niveau du service demandé à l'EdA est radicalement différent de celui offert par les armées : celui du combattant n'est pas celui de l'homme en opération. Enfin, l'évolution du format n'a pas permis d'établir de référentiel financier.
Il est en revanche un point incontestable et qui figure au rapport de l'EMA : le dispositif a permis de dégager 260 équivalents temps plein nets (ETP), sur les théâtres d'opération.
L'apport de CAPES est indéniable en tant que laboratoire de l'externalisation. De l'aveu même de l'EMA, l'expérimentation a permis de préparer les forces à cette nouveauté radicale que constituait une externalisation aussi poussée. Elle a également permis à l'EdA de passer à la phase d'industrialisation. Par ailleurs, elle nous a permis, dans nos rapports avec l'EMA, notre principal donneur d'ordre, d'affiner le modèle de la « boucle courte » entre l'expression du besoin et la production du service. De plus, le passage récent à un régime de forfaitisation des prix imposait une expression très claire des besoins et une production de services précisément ciblée.
Cette initiative constituera également un tremplin pour entamer la phase d'industrialisation de CAPES, ouverte par l'accord-cadre qui a été signé fin novembre 2010. Nous avons décidé, avec l'EMA, de développer l'harmonisation de l'évaluation de la performance, en choisissant des référentiels de coût identiques, afin de pouvoir comparer le coût de la régie directe à celui de l'externalisation par l'économat. Nous comptons également développer une facturation plus rapidement exploitable.
L'expérimentation nous a surtout incités à établir un benchmark partagé, en comparant le coût des opérations de l'EdA avec celui d'autres opérateurs. Ce sera l'objectif des cinq prochaines années.