Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors du débat sur les effets de la politique de la ville au regard de la réduction des inégalités, qui s'est tenu il y a un an dans cet hémicycle à l'initiative des députés communistes, républicains et du Parti de gauche, j'avais fortement dénoncé la dégradation de la situation dans les quartiers populaires, l'échec de la politique du Gouvernement et les promesses non tenues.
Je rappelle qu'en 2007, le candidat Nicolas Sarkozy s'était engagé, dans son programme, « à consacrer beaucoup d'argent aux banlieues, dans l'éducation, la formation, la rénovation urbaine, les services publics, les transports », regrettant l'existence de « ghettos scolaires et urbains » et promettant le lancement d'un « plan Marshall II pour les banlieues ». À l'heure du bilan, force est de constater qu'à l'instar des promesses sur le pouvoir d'achat, les déclarations tonitruantes du Président de la République concernant les banlieues sont restées du domaine de l'incantation.
La débâcle du plan banlieue – apparemment jeté aux oubliettes depuis le départ de l'ancienne secrétaire d'État à la ville – en témoigne aux yeux de l'opinion publique. Surtout, tous ceux qui vivent ou travaillent à l'amélioration de ces quartiers savent que, depuis 2007, la situation s'y est dangereusement dégradée. Or, je le dis avec gravité, la responsabilité du Gouvernement est grande : sa politique, loin d'avoir apporté des réponses aux enjeux des banlieues, a très clairement contribué à en accélérer la crise. Au reste, comment une politique de la ville, fût-elle la meilleure jamais mise en oeuvre, aurait-elle pu contrecarrer les effets dévastateurs des autres décisions entérinées par la majorité ? Abaissement des plafonds de ressources pour accéder au logement social, refus de faire respecter la loi SRU – et donc concentration des populations en difficulté sur les mêmes territoires –, suppression de la carte scolaire, application de la révision générale des politiques publiques, suppression de postes dans l'éducation nationale, dans les services sociaux, à Pôle emploi, dans la justice et dans la police, débat nauséabond sur l'identité nationale : les exemples sont innombrables des choix effectués par la droite qui renforcent les dynamiques de relégation, de ghettoïsation, de ségrégation et qui participent in fine à la fragilisation de la cohésion sociale.
Le dernier rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles a de nouveau dressé un constat accablant. En matière d'emploi, le taux de chômage des jeunes hommes atteint 43 %, celui des jeunes filles 37 %. Un tiers des cinq millions d'habitants de ces quartiers – dont un mineur sur deux – vivent sous le seuil de pauvreté. Dans les ZUS, le revenu moyen est inférieur de 56 % à celui des villes françaises. Et je n'aborderai pas ici les questions de santé, de transport et de logement, qui sont tout aussi problématiques. La situation est alarmante ! Certes, la crise économique n'a pas contribué à son amélioration. Mais, cumulée à la baisse de 40 % en quatre ans des crédits alloués à la politique de la ville, elle a eu des conséquences désastreuses. Je pense notamment au soutien au monde associatif, pourtant indispensable à la vitalité de nos quartiers.
Ces questions, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche se félicitent de les voir abordées dans cette proposition de loi de nos collègues du groupe SRC, qui vise à prendre des mesures d'urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté. Ainsi, son article 2 pose le principe fondamental selon lequel, si la politique de la ville est « une priorité nationale » qui « a pour but de lutter contre les phénomènes d'exclusion dans l'espace urbain et de favoriser l'insertion professionnelle, sociale et culturelle des populations », c'est bien « l'ensemble des politiques publiques » qui devraient y contribuer « par la mobilisation de leurs crédits d'intervention de droit commun », tandis que des « crédits spécifiques » devraient être « mis en oeuvre en vue de compenser les handicaps économiques et sociaux des territoires prioritaires ». La politique de la ville ne devrait être en effet qu'un complément de l'action de l'État en matière d'emploi, de santé et d'accès au service public, et non un moyen de suppléer les manques ou l'absence des politiques de droit commun.
D'autres dispositions sont toutes aussi opportunes. Je pense notamment au rappel, à l'article 1er, du droit fondamental à l'égal accès au service public sur l'ensemble du territoire ; à la proposition, figurant à l'article 2, de rattacher la politique de la ville directement au Premier ministre ; à la lutte, prévue à l'article 14, contre les cas de discrimination par l'adresse – même si nous aurions souhaité que sa portée ne se limite pas aux seules discriminations liées à l'accès à l'emploi, comme nous l'avions suggéré dans la proposition de loi que nous avions déposée à l'initiative de François Asensi – ; à la fixation, dans le budget, d'objectifs chiffrés et financés en matière de réduction des inégalités et à l'instauration d'un plancher de ressources minimum pour chaque collectivité, prévues à l'article 8.
Ces mesures supposent évidemment des choix financiers : l'égal accès de tous au service public et une politique de la ville ambitieuse ne sont pas compatibles avec un plan de rigueur et de restriction des dépenses publiques.
Par ailleurs, la disposition relative à la géographie prioritaire laisse planer un doute. On peut en effet se demander si la réforme proposée n'aboutirait pas à donner des crédits aux villes les plus pauvres – ce que nous souhaitons – au détriment des villes un peu moins défavorisées. Or, il faut non seulement que l'État assume ses missions en matière de solidarité et d'égalité des territoires, mais aussi que les villes bénéficiant de ressources très importantes, insolentes parfois, partagent leurs richesses. Si nous sommes favorables à une remise à plat de la géographie prioritaire par le biais d'un contrat unique dit « contrat de promotion sociale et territoriale », ainsi que le proposent nos collègues, nous estimons que les critères de ce contrat méritent d'être bien définis. Nous serons donc particulièrement vigilants quant à la prise en compte de critères dits « de charges », qui permettent de mesurer la capacité des communes à assumer les besoins de leurs habitants.
S'agissant de la péréquation, vous proposez d'augmenter de 1,5 milliard la péréquation verticale…