Sur les ventes des sociétés d'autoroutes, j'ai bien compris les critiques qui me sont adressées : je n'y reviendrai pas sur un plan personnel, mais je voudrais dire deux choses.
D'abord, elles ne sont pas le seul avatar d'un combat traditionnel entre ceux qui souhaitent assurer des recettes pérennes à une partie de la dépense publique et ceux qui, en particulier guidés par nos grands spécialistes de Bercy, font tout pour que cela n'ait pas lieu. Je ne vais pas retracer l'historique de tous les fonds interministériels d'investissement, routiers notamment, qui ont existé dans le passé et qui, sous tous les gouvernements, ont été à un moment donné rognés ou supprimés compte tenu des nécessités financières : cela est une réalité, dont chacun peut ici se souvenir et qui conduit à relativiser les choses.
Monsieur Lesterlin, je ne suis pas en mesure de vous dire combien valent les sociétés d'autoroutes – je ne suis pas sûr d'ailleurs qu'il y ait un homme ou une femme en France qui le sache.
Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes n'est pas innocent non plus : il fait partie du même combat contre la mise de côté de moyens dans la durée.
Il faut essayer de préparer l'avenir. Je crois que l'AFITF est indispensable, non pas parce que je suis candidat à sa présidence, mais pour assurer ce que beaucoup d'entre vous ont évoqué : le report modal, qu'il faut sans doute accentuer, et la pérennité du financement – grâce à une fonction « antigel » budgétaire. Chaque année, quelques semaines après le vote du budget, le ministre des finances revient par arrêté sur des décisions que nous avons prises – cela fait deux cents ans qu'il en est ainsi, sans parler de l'Ancien Régime ! Or, l'AFITF permet de mettre de côté des capacités financières échappant aux mesures de gel budgétaire, ce qui est important pour la réalisation de nos investissements.
Concernant la taxe poids lourds, le Conseil d'État va rendre sa décision. Sur le fond, je n'ai rien à dire – il revient au Conseil de se prononcer – mais s'il prend une décision sur le fond et en cassation avant la période de vacances de l'été prochain, compte tenu des 21 moins prévus dans le projet, cette taxe pourrait être mise en oeuvre à la fin de 2013.
Le « gap » global dont risque de souffrir l'AFITF en 2012 et 2013 est de l'ordre de 1,5 milliard d'euros.
L'expérimentation de la taxe poids lourds six mois avant en Alsace est bien prévue et n'a pas de raison d'être mise en cause par les avatars juridiques de ce dossier. Les Alsaciens avaient demandé – j'étais encore ministre de l'équipement à l'époque –, compte tenu du report de la circulation de l'Allemagne vers l'Alsace du fait de la taxe sur les poids lourds existant dans ce pays, de mettre en place cette taxe chez eux. L'expérimentation va permettre de tester le dispositif dans cette région avant d'être généralisé à l'ensemble du territoire.
Monsieur Duron, cette taxe pourrait éventuellement permettre, dans l'esprit de la nouvelle directive communautaire à venir, d'internaliser certains coûts. J'y suis tout à fait ouvert. Sur ce type de sujets, nous devons avoir un dialogue franc et constructif avec l'ensemble des acteurs. Il ne faut pas que les décisions de la puissance publique soient perçues par le monde du transport comme un système de sanctions. Ce monde peut être fragile – je rappelle qu'il est très diffus sur le territoire : dans nos villes petites ou moyennes, les entreprises de transport sont souvent les seules existantes. Il faut donc être très attentif à la façon dont ce secteur, indispensable à l'économie de notre pays, peut participer de façon constructive aux décisions. Cela ne sert à rien de s'engager dans des processus qui connaissent ensuite de telles difficultés politiques qu'on est ensuite amené à y renoncer. Ce dialogue – qui n'appartient pas principalement à l'AFITF, mais au ministre en charge des transports et aux parlementaires – est nécessaire.
Concernant la prise en compte des enjeux climatiques, touchant au fret ferroviaire et au report modal – qui correspond à l'idée qui a présidé à la création de l'AFITF ainsi qu'à l'esprit du Grenelle de l'environnement –, la régénération est très importante, non seulement dans le domaine ferroviaire, mais dans aussi dans le domaine routier. L'AFITF doit soulever les questions qui se posent en la matière.
Lorsque j'étais ministre en charge des transports, j'avais eu des difficultés sur les trains intercités et j'ai lancé le premier plan de régénération pour aider RFF à faire les travaux indispensables – dont beaucoup sont en cours, ce qui entraîne des retards dans les trains. Ce sujet en recouvre d'autres tels que le rapport entre travaux neufs et régénération ou grande vitesse et accélération des vitesses moyennes. Le débat qualitatif doit aussi porter sur cela. Il ne s'agit pas tant de faire la liste des projets en indiquant des numéros de priorité – ce qui relève du Gouvernement et du Parlement – que de poser des questions permettant de faire une véritable évaluation qualitative des projets pour être sûrs qu'ils sont valables et qu'on ne se trompe pas de stratégie. L'Agence peut constituer à cet égard une réelle valeur ajoutée, dans le respect des compétences des pouvoirs exécutif et législatif.
S'agissant de la renégociation des concessions – j'ai eu l'occasion d'en discuter avec des responsables du ministère –, il faut voir : il s'agit de concessions déjà très longues ; je ne sais pas si cette piste nous mènera très loin.
Monsieur Pancher, au sujet de l'accord assez général sur les besoins d'infrastructures, il est clair que les économies modernes sont très liées à la qualité des transports des marchandises et des hommes, laquelle est un facteur très important d'accélération de la croissance : un réseau de transports très performant peut être un élément déterminant à cet égard. Il n'est donc pas étonnant que l'ensemble des acteurs accorde une place privilégiée à ce secteur. Quant aux priorités, il nous appartiendra de poser un certain nombre de questions et de les déterminer.
S'agissant de certaines questions très précises – la branche sud du TGV Rhin-Rhône, les interconnexions au sud de l'Ile-de-France… –, lorsque l'AFITF en sera saisie, il lui appartiendra de soulever les questions qui se posent – si je suis nommé, je verrai en priorité avec les autres administrateurs de l'agence leur vision de notre rôle – avant de participer à la mise au point des conventions financières, pour être sûrs d'avoir tous les éléments à notre disposition.
Peut-on s'orienter vers des concessions sur des routes existantes ? En tant que ministre, j'avais été assez réservé sur ce point, non pour des motifs idéologiques, mais pour des raisons pratiques. Une jurisprudence européenne assez compliquée fait qu'on ne peut aller très loin dans la gratuité. Or, vous ne mettrez pas une route existante en concession si vous ne négociez pas en même temps la possibilité pour les utilisateurs locaux d'avoir un accès gratuit – sous peine de déclencher des émeutes ou des barricades ! La possibilité de voir accepter cette gratuité n'est peut-être pas immense, ce qui limite l'exercice.