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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 11 mai 2011 à 12h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, rapporteur général :

Pour qualifier la réforme de la fiscalité du patrimoine que porte ce projet de loi de finances rectificative, j'emploierai les mêmes mots que le ministre : elle est équilibrée, cohérente et juste.

Elle est juste fiscalement parce qu'elle fait sortir du champ de l'ISF environ 300 000 contribuables qui n'ont rien à y faire. Ils ne sont redevables de cet impôt qu'en raison de l'envolée des prix immobiliers depuis dix ans et de ses effets sur la valeur du logement qu'ils occupent. Or la résidence principale, on le sait, ne procure aucun revenu.

Elle est juste en raison de la suppression conjointe du « plafonnement Rocard » et du bouclier fiscal. L'expérience montre que ces deux dispositions, à mesure qu'elles s'implantaient dans le paysage fiscal, ont conduit à des optimisations insupportables. Le système de plafonnement n'est toutefois conservé – et à juste titre – que dans un seul cas, celui de la taxe foncière. En effet, à la différence du plafonnement Rocard, le bouclier fiscal prenait en compte les impôts locaux. La taxe d'habitation était déjà plafonnée par rapport aux revenus ; ce sera désormais aussi le cas de l'impôt foncier.

Cette réforme est économiquement adaptée. Le problème de l'ISF, depuis sa création, est que les taux applicables n'ont jamais tenu compte de l'évolution du rendement des actifs composant son assiette : l'imposition peut atteindre 1,8 % alors que les rendements, compte tenu de la baisse de l'inflation, ne dépassent pas 4 %. Des taux de 0,25 % et 0,5 % sont beaucoup plus conformes aux réalités économiques.

Un autre aspect très important de ces propositions est leur respect de l'équilibre budgétaire. L'argent public est rare, les déficits sont très élevés : il était donc impensable de conduire une telle réforme en faisant l'impasse sur son financement. Ce n'est pas le cas, puisque le manque à gagner – environ 1 milliard d'euros – sera intégralement compensé grâce aux quatre mesures prises à cet effet, qui ont en outre l'avantage de ne concerner que les contribuables les plus aisés. À elle seule, la disposition sur les successions devrait rapporter 500 millions d'euros, et il convient d'y ajouter le produit de la mesure concernant les donations. De son côté, l'exit tax, qui avait été condamnée par Bruxelles en 1999, est désormais bien calibrée d'un point de vue juridique et parfaitement eurocompatible.

Enfin, je trouve justifié de soumettre la résidence secondaire de personnes ne résidant pas en France à une taxe supplémentaire. En effet, si ces personnes contribuent aux services publics locaux avec la taxe d'habitation et la taxe foncière, elles ne participent pas, jusqu'à présent, au financement des services nationaux. Non seulement le produit additionné de ces quatre mesures compensera le manque à gagner de 1 milliard d'euros, mais il offrira même une certaine marge de sécurité en année pleine.

L'attention portée aux PME et à l'emploi me paraît également capitale. En effet, une des faiblesses de notre fiscalité, ces trente dernières années – en particulier les mesures prises dans les années 1980 sur les successions ou l'ISF – est d'avoir découragé l'épanouissement des petites et moyennes entreprises au détriment de l'emploi, ce qui explique les évolutions différentes de ces entreprises en France et en Allemagne. On le voit d'ailleurs très bien dans le rapport récent de la Cour des comptes. C'est pourquoi la disposition proposée en matière d'engagement de conservation des titres est aussi importante. Notre fiscalité ne doit pas jouer contre la pérennité des entreprises familiales ni contre l'emploi. L'époque où les PME étaient vendues pour des raisons fiscales doit être révolue.

Des mesures très fortes, à hauteur de 500 millions d'euros, sont également prises en matière d'emploi : contrats aidés, meilleur accès des jeunes sur le marché de l'emploi, réforme de la taxe d'apprentissage et incitation à la signature de contrats de formation en alternance.

L'association d'une réforme de la fiscalité du patrimoine et de mesures en faveur des PME et de l'emploi montre la cohérence du dispositif porté par le projet de loi de finances rectificative.

Vous prévoyez en 2011 une augmentation du produit de l'ISF à hauteur de 270 millions d'euros. Mais, si j'ai bien compris, la somme nécessaire pour compenser la suppression de la première tranche a été calculée à partir d'estimations de 2010. Pouvez-vous préciser quelles ont été les bases de référence pour parvenir au résultat de 1 milliard d'euros ?

Par ailleurs, le dispositif de réduction de l'ISF pour investissement dans les PME est maintenu, ce qui est une bonne chose. Quel impact cette décision a-t-elle sur le montant du manque à gagner qu'il faut compenser pour parvenir à l'équilibre ? En effet, si les assujettis à l'ISF investissent en moyenne 600 millions d'euros dans les PME, l'investissement correspondant à la première tranche, désormais supprimée, n'est que de 45 millions d'euros, ce qui induit que la plus grande partie des contribuables ayant recours au dispositif restera soumise à l'impôt sur la fortune.

Il me semblait qu'aucun contribuable assujetti à l'ISF ne devrait voir son imposition augmenter. Or, compte tenu des mesures de lissage des effets de seuil, on s'aperçoit que le contribuable dont le patrimoine vaut 1,4 million d'euros paiera plus qu'auparavant. Certes, cette augmentation est symbolique : quelques dizaines d'euros. Mais il serait tout de même préférable que l'évolution se fasse dans l'autre sens.

Enfin, vous avez jugé que l'allongement du délai de rappel des donations n'avait pas de caractère rétroactif dans la mesure où les premières donations qui auraient pu bénéficier du délai de six ans ont été effectuées avant 2006, soit à une époque où ce délai était de dix ans. Il n'en demeure pas moins que la succession sera moins favorable pour les héritiers d'une personne décédant aujourd'hui après avoir effectué une donation il y a six ans. Ne pourrait-on pas prévoir une disposition pour corriger cette situation ?

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